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L’invasion des visages

Toujours plus près, toujours plus intime: la télévision montre les visages des joueurs et des entraîneurs jusqu’à scruter leurs regards. Voyage au pays des "plans visage"…

Auteur : Jacques Blociszewski le 5 Dec 2013

 


Pour meubler les temps dits "faibles" et quand le jeu s’arrête, le réalisateur télé a le choix principalement entre les ralentis et les plans sur un seul joueur. Mais quels sont ces plans individuels? On distingue:
- le plan taille: le joueur est filmé un peu en-dessous de la taille
- le plan buste: au niveau des aisselles
- le gros plan: au-dessus des épaules
- le très gros plan montre des détails du visage
Nous appellerons cet ensemble les "plans visage", ceux où le visage tient le rôle central et attire le regard [1].


Un match sur Canal+ réalisé par Laurent Lachand est fait de 250 à 400 visages. Le Toulouse-Marseille de fin 2012 comportait 387 plans visage pour un total de 1171 plans, soit un tiers. Pour les autres réalisateurs français, la proportion est entre un quart et un sixième. Sur son Toulouse-OM 2013, Lachand était en-dessous de ce chiffre: 265 plans visage; et sur Reims-Monaco 314. Pendant le TFC-OM 2012, tous les joueurs ont eu droit à au moins un de ces plans proches. Les plus vus: Jordan Ayew, 26 plans visage, Elie Baup (entraîneur de l’OM) 24, Sissoko 22, André Ayew, Valbuena et Didot 21, Ahamada 20. Et sur le Toulouse-OM de 2013: Gignac, Thauvin, Valbuena...
 

 

Edinson Cavani
 


Avant, c’était comment ?

Longtemps les plans visage ont été inexistants; les moyens techniques ne le permettaient pas et la vision collective du match – en plans larges et plans moyens – régnait. Nous restions à distance des joueurs. Dans les années 1950-60, on voyait ceux-ci "en pied". Sur Angleterre-Allemagne 1966, les caméras ont remonté le long du corps et les plans américains dominent. Avec le fameux Leeds-Chelsea 1970, le bond est spectaculaire: 78 plans taille, autant de plans américains et 14 plans buste. Le gros plan sur le visage apparaît timidement. Ce changement de cap est loin d’être général. En France, dans les années 70, les joueurs sont surtout vus en pied, de même pour les Coupes du monde 1970, 74 et l’Euro 72. Mais au Mundial 1978, plans américains et plans taille s’imposent, et les plans buste arrivent. Les plans taille dominent lors de l’Allemagne-France de Séville (1982).


La naissance de Canal+ (1984), avec Jean-Paul Jaud aux réalisations, apporte en France un football plus près du terrain, les plans taille deviennent courants. Le France-Brésil du Mundial 1986 marque un repli, avec les joueurs montrés en pied. Le classicisme tendait à régner lors des grandes compétitions internationales: impact des cahiers des charges, volonté de ne dérouter personne… Mais la tendance "taille-buste" est alors bien lancée, et le Brésil-Italie 1994 voit des joueurs filmés très haut: 82 plans buste "haute", 34 taille, 14 gros plans!
 

Années 2000: les plans buste dominent sur l’Euro 2000, le Mondial 2002 et en Ligue 1 sur Canal. À partir de 2010, le plan buste l’emporte en France, alors qu’à l’étranger taille et buste s’équilibrent.

 

Realisation télé Graphique des plans visage

 


En France, aujourd’hui

Le nombre des plans visage
Derrière Lachand (328 en moyenne), on trouve Fred Godard (France Télévisions et beIN Sport) avec 244. Jean-Jacques Amsellem (Canal) est à 198. Puis viennent François Lanaud (beIN Sport, ex-TF1) à 196,, Olivier Denis (TF1) à 166. La moyenne française, sur 20 matches de 2011 à 2013 (toutes compétitions confondues) est de 226 . Mais si on enlève les matches de L. Lachand – ce réalisateur de la démesure – on tombe à 201.
 

La répartition des plans
Jean-Paul Jaud était à 168 de moyenne, sur 4 matches de 1998 à 2005 où les plans buste dominaient. Avec L. Lachand, les plans buste viennent largement en tête, par exemple sur Bordeaux-PSG 2013: 298 buste, 48 taille, 26 gros plans, 1 très gros plan. Avec J.-J. Amsellem, le plan buste l’emporte de peu.
 

Du côté des gros plans (GP) et très gros plans (TGP), Lachand est à 22 (GP) et 2 (TGP). Godard vient juste derrière, avec 21 GP, et un seul TGP sur quatre matches. Sur son Lyon-Quevilly 2012 (France Télévisions) la vedette était Régis Brouard, l’entraîneur de Quevilly: 22 plans visages, dont 7 GP!  Amsellem est à 8 + 1, puis on trouve Lanaud et Denis.


Les vrais gros plans et très gros plans sont assez rares. Ils s’attachent aux regards des entraîneurs et spectateurs, à ceux des gardiens et des tireurs au moment des coups francs et penalties. Dans ces yeux-là, lors du duel, le foot s’approche des westerns à l’italienne façon Sergio Leone. À la télé, il se joue aussi avec le visage…
 


Et à l’étranger ?
Les réalisations étrangères montrent moins de plans visage qu’en France (rappel: 226 ). Sur 18 matches étudiés, l’Italie est à 195, l’Espagne à 190, l’Angleterre à 160, l’Allemagne à 158. La hiérarchie est globalement la même que celle observée pour nos analyses sur les ralentis, le découpage, le nombre de joueurs vus en action seuls balle au pied, tout ce qui éloigne du jeu collectif, auquel Allemands et Anglais restent les plus attachés. On relève une quasi égalité taille-buste sur un total de 18 matches de réalisateurs anglais, espagnols, italiens et allemands. Les réals espagnols semblent toutefois plus "taille" et les Anglais plus "buste".
 


Quelques causes et effets des plans visage

C’est l’intense découpage auquel se livrent la plupart des réalisateurs français qui leur permet de caser beaucoup de portraits de joueurs. Entre les 600 plans allemands ou anglais et les 1000-1200 de Lachand et Godard, il y a de la place… Les ralentis imprègnent davantage les retransmissions, mais, en nombre, les plans visage l’emportent largement, en France et à l’étranger. Ils ne nécessitent pas le même espace-temps que les ralentis et peuvent être montrés par séries de 2 à 4 très courts plans. Sur Toulouse-OM2012, Lachand lança ainsi 109 ralentis et 387 plans visage.
 

Les plans visage augmentent le hors-champ, faisant s’évanouir l’environnement du footballeur. Le ressenti individuel est préféré à l’émotion collective. Longtemps on a vu des joueurs sans visage, maintenant on voit de plus en plus des joueurs sans jambes. De ces derniers n’est retenue que la partie théoriquement la plus expressive (quoique…). Pourtant, le foot... 
 

 

LIRE AUSSI :

Football et télévision / 1 –"Les réalisateurs français hors jeu"
Football et télévision / 2 –"Un show techno où se noie le football"
Football et télévision / 3 –"
Une histoire accélérée du ralenti"

 


[1] D'autres types de plans:
Le plan américain : cadre les personnages à la hauteur des cuisses.
Le plan italien: un peu en-dessous des genoux.
Le joueur peut aussi être montré "en pied" (la totalité du personnage est vue).


Sources et méthodologie
• Les chiffres de ce texte résultent pour la plupart d’estimations (comptage effectué sur une mi-temps, puis multiplié par deux) faites sur 40 matches. À cela s’ajoutent cinq comptages intégraux. Ont aussi été consultés des extraits de 15 minutes, ainsi que:
- de courts passages de finales de coupe de France (site ina.fr)
- des images des championnats et coupes d’Angleterre (années 1960-1980, éditées par la BBC), de l’équipe d’Allemagne (Euros 1972 à 2008), et des Coupes du monde 1962, 1970 et 1978.
• Les moyennes indiquées pour chaque réalisateur portent sur 3 à 6 matches.
• Les frontières entre les plans sont souvent floues. Beaucoup de plans sont… entre buste et taille et, sur un même portrait de joueur, le cadreur remonte couramment d’un plan taille vers un plan buste. Nos statistiques ne peuvent donc pas avoir un véritable caractère scientifique. À notre avis, elles n’en sont pas moins parlantes.
• Enfin, le nombre et la durée des arrêts de jeu influent sur ces statistiques, ainsi que l’importance des moyens techniques dont dispose le réalisateur. Mais cela est vrai pour pratiquement toute analyse d’un match de football télévisé.

 

Réactions

  • Karel Pauvre Au Ski le 05/12/2013 à 09h25
    Je trouve l'article un chouia desequilibre, dans la mesure ou seul le tout dernier paragraphe parle des "consequences" de ces plans visages et de leur impact sur la perception du match et du foot en general.

    Comme d'hab, la recherche et l'infographie sont top, et c'est un sujet interessant et relativement hors des sentiers battus (moins evident que la proliferation des ralentis, par exemple), mais l'article finit un peu en queue de poisson, je trouve - j'ai l'impression qu'il manque la 2e partie, presque.

    Sinon, pour ce qui est de mon avis personnel, sans surprise j'ai toujours eu du mal a voir ce que ces plans visages apportaient. Leur predictabilite est assez insupportable - un attaquant rate une occasion en or, hop, plan taille qui le montre avec les mains sur les hanches histoire de souligner son desarroi profond, tres original.

    Le pire etant les gros plans sur les non-acteurs. En particulier les TGP sur le visage de remplacants qui sont au choix amorphes, engourdis, ou hilares parce qu'ils blaguent avec leurs copains du banc. Je parle meme pas des plans sur les entraineurs, qui sont censes reveler l'intensite et l'intelligence tactique en action. Bof. Surtout quand on voit le nombre de plans sur Baup et son impassible visage sub-casquettial. (Les gros plans sur Klopp, en revanche, c'est toujours drole).

    Seul gros plan que j'aime bien: quand il s'agit de montrer un joueur felicitant un partenaire pour une passe exquise, ou s'excuser d'avoir vendanger une occase monstre, en particulier quand il le fait avec le sourire et un certain sens de l'humour. Ca a un cote eau fraiche qui me plait.

  • la rédaction le 05/12/2013 à 09h45
    @Karel Pauvre Au Ski
    La rédac plaide coupable: elle a coupé un commentaire de l'auteur, en fin de texte, soulignant le choix de privilégier les données et de reporter la poursuite de l'analyse et du débat à une autre occasion.

  • Karel Pauvre Au Ski le 05/12/2013 à 09h49
    @La Redac
    Ah bah ca me rassure, j'ai pas perdu completement la boule.

    Merci pour la clarification.

  • Sens de la dérision le 05/12/2013 à 09h51
    Vivement la Coupe du Monde au Brésil. On devrait voir une augmentation sensible des plans bustes des spectatrices.

  • Tonton Danijel le 05/12/2013 à 10h35
    Autant certains effets de réalisation sont un peu pénibles, autant les plans visages font partie de la dramaturgie du sport. Le foot n'est pas le seul concerné du reste (il serait intéressant de comparer le nombre de plans visage avec d'autres disciplines), l'athlétisme (avec gros plan sur le rictus du coureur qui se claque), le rugby, le tennis sont aussi concernés par le phénomène (la différence est que la plupart des sports présente beaucoup d'arrêts de jeu), permettant au téléspectateur d'essayer de repérer des traces de concentration, crispation, relaxation, ou au contraire de fatigue. C'est toujours plus intéressant que les plans sur les tribunes ou sur la lune et les poteaux de corner (coucou Fred Godart).

  • Pascal Amateur le 05/12/2013 à 10h43
    Une piste de réflexion : l'insistance sur les regards s'explique par l'absence de voix dans ce spectacle.
    L'exemple de le tragédie grecque antique est remarquable en cela : le visage des acteurs est masqué, le tragique étant transporté par la voix, le masque remplissant une fonction précise (de même que le chœur).
    Un match de football filmé étonne par son absence de paroles, et sa présence dès lors exagérée de cris. Cette mise en scène de visage permet donc ce jeu de va-et-vient entre acteurs et spectateurs, la voix ne pouvant remplir cet office.
    Des spécialistes du théâtre japonais no pourraient sans doute apporter des lumières supplémentaires.

  • A la gloire de Coco Michel le 05/12/2013 à 11h14
    Rooh comme c'est bas de tailler Jérémy Ménez.

  • blafafoire le 05/12/2013 à 11h21
    @Tonton
    Je pense que c'est bien la critique sous-jacente dans l'article. Quand tu parles de la "dramaturgie du sport" tu évoques l'histoire réelle qui se produit sur le terrain ou bien l'histoire racontée par le réalisateur ? La première histoire, le drame objectif, est impossible à capter par les caméra, et la seconde est biaisée par une ligné éditoriale qui transforme le réel en une histoire préécrite librement interprétée par les commentateurs et spectateurs. Il faudrait faire le compte des gros plans sur Pastore juste après son arrivée fracassante au PSG et qui faisaient écho à l'investissement financier consenti pour le faire venir...

  • Tonton Danijel le 05/12/2013 à 12h26
    blafafoire
    aujourd'hui à 11h21

    C'est exactement le problème de la retransmission des événements sportifs: le réalisateur doit raconter une histoire, suffisamment passionante pour la multitude de supporters.

    Au stade, 40,000 paires d'yeux choisissent le programme: on regarde les supporteurs, le coach qui gesticule, le ballon, les joueurs démarqués, la supportrice deux sièges à côté, etc. C'est drôle, ça pourrait faire l'objet d'un test lors d'une prochaine venue au stade: qu'est-ce que je regarde lors du match?

    Le réalisateur, lui, doit satisfaire l'appétit de millions de téléspectateurs qui sont tout aussi curieux, il doit donc monter une histoire afin de satisfaire le plus de personne. Les expressions des joueurs (que l'on devine à peine au stade) permettent de satisfaire une certaine curiosité et font partie du drame qu'il organise. Après, quand Godart filme la lune ou les poteaux de corners, je ne vois aucune explication, à moins que les téléspectateurs fétichistes soient plus nombreux que je ne le pense.

  • Jean-Luc Skywalker le 05/12/2013 à 14h45
    Il y a un rapport marqué entre la réalisation de match de fout et la réalisation tout court, de films, séries, etc. en France. On sait que depuis la nouvelle vague, la réalisation a pris le pas sur le scénario, et près de 50 ans plus tard, c'est encore souvent le cas. J'étais choqué d'entendre à la radio l'autre jour une réalisatrice de série affirmer que le scénario n'était qu'un outil au service de la réalisation. ça explique pas mal de choses, cela dit. Et ben je pense que les réalisateurs de foot, qui doivent avoir plus ou moins la même formation doivent penser pareil. Le match en lui même n'est qu'un outil comme un autre au service de leur créativité artistique. Et donc, peu importe l'influence que peut avoir leur façon de réaliser sur la perception qu'aura le spectateur sur le match.

La revue des Cahiers du football