Real Madrid Circus / Actes III et IV
Suite de notre feuilleton galactique: tandis que Pérez fait jouer à Butrageño le rôle de la girouette, les dirigeants sportifs se succèdent à Madrid, sans jamais hériter de beaucoup de pouvoir...
Auteur : Antoine Faye
le 22 Mars 2006
[Premiers épisodes : Real Madrid Circus / Actes I et II]
Acte III – Butragueño dans la cage aux lions
Voici quelques mois, Florentino Pérez et Emilio Butragueño vivaient une idylle parfaite. Il est charismatique et riche, l'autre est jeune et séduisant, entouré d'un passé glorieux. Florentino, à mots couverts, avouait que el Buitre lui succéderait un jour, et le jeunot le couvrait de compliments, allant jusqu'à dire "Florentino est un être supérieur" (1). Dans cette union si romantique, que pouvait il arriver? Sacchi et Luxemburgo.
Butragueño, vice-président des Merengues, chapeaute le département footballistique, en laissant des pouvoirs accrus – pour ne pas dire complets – à son amour de Président. Mais voilà... Quand la coque du bateau se fissure, on voit se révéler le caractère des amants: des solitaires opportunistes laissant derrière eux la personne qui se pensait aimée. C'est cette rude constatation que Butragueño expérimente depuis quelques mois.
Pirouette, cacahouète
Après le match pitoyable des Madrilènes contre Lyon, en Ligue des Champions, El Buitre vient devant les journalistes pour indiquer que le Real de Madrid n'a jamais pensé destituer Wanderlei Luxemburgo. Cinq jours plus tard, et au lendemain de la victoire à la Pirrhus contre Getafe (1-0), c'est le même Emilio Butragueño qui, toujours en conférence de presse, vient annoncer le limogeage de l'entraîneur brésilien. L'affront personnel pour Butragueño est simple: le mercredi, il met en avant son nom et son influence pour épauler Luxemburgo, en lui donnant publiquement des garanties. Le lundi suivant, c'est lui que Florentino envoie au-devant de canards déchaînés pour annoncer que le technicien n'a plus la confiance des hautes sphères du club, et qu'il est remplacé sur le champ par José Ramon Lopez Caro, entraîneur du Castilla, l'équipe filiale du Real.
À l'heure où Lopez Caro étrenne son survêt de mister, les dirigeants madrilènes sont déjà au travail pour lui trouver un remplaçant. Des noms prestigieux – et invraisemblables – circulent à l'heure de parler de la saison prochaine (Mourinho, Capello, Wenger, Benitez, Ancelotti), et d'autres sont rangés dans la catégorie des intérimaires possibles jusqu'à la fin de la saison (Irureta, notamment). Le prochain départ de Lopez Caro semble même tellement évident qu'Emilio Butragueño, depuis Athènes, laisse entendre que Lopez Caro connaîtrait son sort dans "un délai de dix jours".
Les dix jours passent et – alors que tout semble acquis pour le maintien de Lopez Caro, el Buitre remet en cause son poste, devant les caméras de la BBC (2). Le soir même, la page web officielle du Real de Madrid confirme que Lopez Caro, entraîneur temporaire, a signé un contrat le maintenant à la tête de l'équipe première jusqu'à la fin de saison. Dans le dos de Butragueño…
(1) Véridique !
(2) L'article d'El Mundo.
Acte IV – Benito Floro, un clown de passage ?
Comme tous les jours depuis des années, un appel très attendu tombe à la rédaction de Marca, dont les bureaux jouxtent le stade Santiago Bernabeu. À l'autre bout du fil se trouve celui – ou celle – qui livre les derniers bruits en vogue dans les bureaux et les vestiaires du Real de Madrid. Le 21 décembre au soir, avant le match contre le Racing, le journaliste qui reçoit l'appel s'entend dire que le Real pense recruter Benito Floro pour succéder à Sacchi. Le lendemain, dans Marca, aucune référence à Floro n'est faite. La raison est simple: personne ne croyait vraiment que Florentino songeait à l'ex-entraîneur pour occuper ce poste. Et pourtant...
Le 23 décembre 2005, Floro est présenté à la presse espagnole. L'homme n'est pas inconnu, puisqu'il avait déjà usé ses fonds de costumes sur le banc de touche du club Merengue entre 1992 et 1994. Mais la nouvelle, surprenante, s'accompagne de détails qui le sont tout autant: un contrat jusqu'en 2008, et une réunion finale au cours de laquelle n'ont pas été abordés des sujets comme le futur de Lopez Caro, ou l'arrivée de Cicinho. En bref, un nouveau fusible arrive au Real: l'homme a déjà montré en quelques minutes à quel point son projet est incompatible avec celui de Florentino Pérez. Floro prétend ne voir que 30% d'étrangers au Real de Madrid, d'ici 2008. L'effectif, selon lui, doit être formé comme suit: 50% de joueurs sortis de la cantera (issus du centre de formation), 30% de recrutés locaux, et seulement 20% de joueurs étrangers (1). À l'heure où Floro tenait ces propos, seul Sergio Ramos, arrivé l'été dernier en provenance du FC Séville, entrait dans la catégorie des joueurs recrutés en Espagne... .
Certificat de galactisme
Pour bien comprendre qui décide, revenons aux propos de Floro, qui assurait qu'Arrigo Sacchi n'avait pas été consulté (sans doute trop pressé de revoir son pays) quant au nom de l'homme qui perpétuerait son œuvre. Voilà qui montre à quel point la continuité et la pérennité du Real Madrid importent à ses dirigeants... Comme toujours, El Buitre a donné de sa personne pour convaincre du "galactisme" de Floro. Sortant le grand jeu, Butragueño s'est confondu en éloges, assénant avec un aplomb déconcertant que Benito "connaît le football à la perfection, et [qu']en plus, il est du Real de Madrid". Il est vrai qu'on pourrait se demander comment un Madridiste ayant de telles caractéristiques et une si longue période de chômage a pu rester tant de temps écarté de l'organigramme du club. Le dessin du journal El Pais, publié le lendemain relevait bien l'incohérence du choix. Un petit garçon rentre chez lui, tenant une copie en main: on y lit la mention "suspenso" (entre 0 et 2). La mère, au bord de la crise de larmes lui répond: "Si tu continues comme ça, tu vas finir directeur sportif du Real".
Butragueño poursuit: "C'est un homme qui étudie beaucoup le jeu, il est méthodique et il saura organiser tout le football au Real de Madrid: des équipes de jeunes jusqu'à l'équipe première". "Il va beaucoup nous aider", renchérit-il. Dans un sens, ça ne peut pas être pire qu'avant, et comme on ne tond pas un oeuf, le Real ne risque pas grand chose dans l'affaire, surtout que pour le vice-président madrilène, la venue de Floro "n'est absolument pas, dans l'idée du club, en vue de le nommer entraîneur". C'est dommage, serait-on tenté de dire, quand on a sous la main un homme de si grand talent, et capable, paraît il, d'entraîner un club comme le Real…
À SUIVRE…
(1) L'article d'El Mundo.