PSG : sans cérémonie, pas sans bruit
Absents aux obsèques de Nick Broad, les joueurs du PSG ont essuyé une polémique sur les réseaux sociaux. Se sont-ils conduits de manière indécente?
Le quotidien Le Parisien sème le trouble dans son édition du mardi 29 janvier: contrairement à L'Équipe, qui écrit que tous les joueurs se sont déplacés en Angleterre pour la cérémonie, Arnaud Hermant nous apprend dans le journal francilien que seuls trois pros ont fait le voyage. Concert d'indignation sur Twitter, où différents journalistes, consultants et supporters condamnent l'attitude des Parisiens. Essayons de comprendre les mécanismes qui ont entraîné ces réactions.
En premier lieu vient l'émotion causée par le décès prématuré de Nick Broad. Les exemples de Marc-Vivien Foé et de bien d'autres célébrités, à un autre niveau de notoriété, illustrent bien le fait que plus la disparition semblait imprévisible, plus la réaction du public sera grande. Broad était jeune, en bonne santé: aussi le sentiment d'incompréhension a-t-il d'autant plus secoué le microcosme de la L1. On peut imaginer qu'en interne, le drame a frappé très durement le groupe du PSG.
Le club adopte alors une stratégie de communication tournée vers la sobriété: annulation de toutes les conférences de presse, minute de silence plutôt digne, réaction de joueurs sur le terrain assez discrètes. Parmi eux, seuls Ibrahimovic, et Sakho montreront un comportement particulier lors de la rencontre: moment de recueillement, et larmes.
C'était sans compter sur Twitter, Facebook, etc., où l'on trouve d'autres témoignages. Van der Wiel déclare "qu'il faut gagner pour Nick Broad", Sakho communique sur son site Internet et dédie la victoire contre Bordeaux à son coach. Ce sont sans doute ces hommages, a priori plus personnels, qui jetteront une lumière peu flatteuse sur la suite. Une fois mis en parallèle avec l'attitude de joueurs qui choisissent de ne pas aller à Londres, ils prennent des accents de paroles non suivies d'effets, voire d'hypocrisie.
L'étape suivante de l'emballement naît encore une fois sur ces fameux comptes privés-publics. Car les journalistes, eux aussi, twittent leurs états d'âme. Et sous la forme de "propos qui n'engagent pas leur rédaction", Stéphane Kohler ou Christophe Bérard, par exemple, condamnent en des termes très durs le groupe parisien ("gerbant" – "indécent, indigne"). Mais s'ils donnent un avis personnel, ce qui est le droit de chacun, ils s'expriment avec leur statut de professionnels des médias, et avec l'autorité ou l'influence que ce statut leur confère. Ils participent alors, à une échelle micro, au phénomène d'amplification de la nouvelle – avec le résultat que l'on sait: un soufflé qui gonfle, éclate et retombe, en deux jours à peine.
Mais plutôt que chercher des responsabilités, demandons-nous quels ont été les ressorts de cet épisode.
Les joueurs ont-ils commis une faute en parlant sur les réseaux?
Les comptes Twitter et les sites "personnels" relèvent d'une fausse sphère privée: les personnages publics que sont les joueurs de football donnent à leurs fans l'illusion d'une proximité. La communication y est souvent calculée, sous-traitée, donc très convenue... S'il devait y avoir déclaration, pour des raisons d'image, quelle forme pouvait-elle prendre si ce n'est des marques de tristesse, et de respect? Quel joueur aurait pu avouer qu'au fond il ne connaissait peu ou pas Nick Broad, comme cela peut se produire dans toute entreprise? Qui connaît vraiment chacun de ses collègues de travail, même s'il les croise les matins à la machine à café? L'attitude est donc attendue, et peu condamnable en soi.
Fallait-il que Le Parisien évite de parler du refus de se déplacer pour l'incinération d'un collègue?
Le journaliste, Arnaud Hermant, fait son travail. Et il le fait même bien puisqu'il corrige ses collègues, Alexandre Chamoret et Jérôme Touboul, de L'Équipe. Il a une info, que l'on peut juger intéressante ou non en tant que telle, mais qui, à partir du moment où elle contredit une version officielle reprise ailleurs, gagne incontestablement en pertinence. Le sujet paraît légitime. Même s'il peut entraîner de vives réactions.
Le comportement des joueurs du PSG est-il propre au milieu de la L1 ?
Après avoir pleuré des larmes que chacun imagine sincères, ils ont préféré rester chez eux plutôt qu'aller saluer la famille inconnue d'un collègue, à plusieurs heures de voyage. Cette attitude peu glorieuse, une fois replacée dans son contexte, ne semble pas propice à la régurgitation pour autant. De telles petites lâchetés se produisent sans doute dans toutes les entreprises.
Pourquoi réagit-on aussi vivement avec les footballeurs?
On peut imaginer plusieurs hypothèses. Celle d'un retour de balancier entre admiration et détestation, pour des professionnels adulés sur le terrain en cas de victoire, mais voués aux gémonies au premier écart en dehors du terrain. Ou encore, celle d'une forme de réaction épidermique à un train de vie si choquant qu'à la moindre faute de goût, on condamne ceux que l'on ne voit plus que comme des enfants trop gâtés. L'année passée a encore montré à quel point le footballeur pouvait servir de défouloir national.
Ce type d'emballement risque-t-il de se reproduire?
Avec la multiplication des médias autour du football, l'indécence toujours plus frappante des salaires des joueurs, et le manque de clarté entre communications spontanées et travaillées, ces épisodes paraissent inévitables. Le mélange des vies publiques et privées fait qu'après les prestations du joueur, ce sont les choix de l'individu qui se trouvent exposés. Dans ces affaires, plus que le footballeur, c'est l'humain qui se retrouve jugé et, ici, condamné. On peut donc effectivement se demander avec une certaine inquiétude comment des garçons pas toujours bien conseillés, retirés très tôt de leur cercle familial et du milieu scolaire finiront par réagir si ces phénomènes devenaient habituels...