Platini, le crépuscule de l'idole
Les récentes révélations sur les conversations téléphoniques de Michel Platini écornent encore un peu plus l'image que nous aurions aimé garder du champion.
On ne devrait pas regarder vieillir nos idoles. Une fois refermé le chapitre de leurs exploits, il faudrait leur donner une maison dans une région ensoleillée avec un bout de terrain où ils pourraient jardiner. Et nous, nous devrions nous efforcer de les oublier. Mais l'oubli est bien ce que les anciens champions redoutent le plus.
Certains choisissent de faire l'entraîneur ou le sélectionneur. Leurs comportements et leurs déclarations écornent parfois un peu leur image, mais si par bonheur arrivent les succès, ils deviennent encore plus grands. Quelques-uns deviennent consultants médias, où ils peuvent à loisir revenir sur leurs exploits jaunis tout en dénigrant leurs successeurs.
D'autres, plus rares, s'engagent dans la voie politique par un chemin qu'ouvre leur aura. Ils enfoncent des portes comme ils transformaient des coups francs, accèdent à des responsabilités comme ils soulevaient des trophées. Sans trembler, toujours au bon moment.

Panne d'indulgence
Les récentes révélations de Mediapart sur les conversations téléphoniques de Platini nous contraignent à admettre que l'ancien capitaine des Bleus appartient désormais à un monde où l'on se considère au-dessus des lois. Qu'il ne respecte plus les valeurs que nous lui avions prêtées.
Nous ne manquions pourtant pas d'indulgence à son égard. Nous l'imaginions volontiers victime, certes consentante, d'un système où la corruption est tellement généralisée qu'elle va de soi, ou n'est plus perçue comme telle. Nous avions pardonné ces écarts embarrassants en nous demandant ce que d'autres auraient fait à sa place.
Mais Michel Platini restait un footballeur. Même devenu président de l'UEFA, il œuvrait avant tout pour le ballon rond. On en était persuadé.
Ces dialogues téléphoniques avec Jacques Vendroux, entremetteur universel qui ne compte que des amis et a ses entrées jusqu'au chef de l'État, révèle une autre nature : notre homme est peut-être un grand naïf, mais son âme n'est plus aussi pure qu'on a voulu le croire. Profiter de son nom et de ce qu'on représente pour demander au président de le faire passer entre les mailles de la justice heurte encore un peu plus nos idéaux.
Il nous revient en mémoire cet agacement provoqué par l'ancienne idole, en 2014, quand il avait demandé aux Brésiliens, quelques jours avant le début de la Coupe du monde, "d'attendre au moins un mois avant de faire des éclats sociaux" afin de préserver la magie du football.
Les yeux fermés
On avait été déçu par l'ancien capitaine des Bleus, qui avait visiblement oublié d'où il venait, le milieu ouvrier, l'immigration italienne, les fins de mois difficiles et les obligations morales. Devenu l'un des plus grands footballeurs de l'histoire, notre Platini s'est un peu détaché de ce monde. Au point d'estimer légitime de faire régler ses problèmes judiciaires d'un coup de baguette élyséen.
Michel Platini fut un footballeur merveilleux. Son nom est connu partout dans le monde. Ses exploits balle au pied en ont fait un monstre sacré, et sa gouaille insouciante un personnage attachant. Joueur, il a perçu son déclin et pris soin de ne pas prolonger inutilement sa carrière, gardant intacte son image de champion.
Son court mandat de sélectionneur n'avait pas contribué à rendre cette image meilleure, mais ne l'avait pas écornée non plus. Sa carrière d'organisateur de Mondial, plutôt réussie, avait renforcé l'idée qu'il pouvait apporter beaucoup dans les instances dirigeantes du football. Il devint président de l'UEFA et rien ne semblait pouvoir l'empêcher d'accéder au poste suprême de la FIFA.
C'est alors que les premières affaires le concernant ont commencé à tomber. On les a perçues comme un piège tendu à l'ancienne idole un peu ingénue, toujours joueuse dans l'âme mais prise dans un jeu dont elle ne connaît pas encore vraiment les règles.
On a toujours voulu pardonner à Platini. Pardonnera-t-on encore ? Aujourd'hui, il faut fermer plus fort les yeux sur ses agissements présents pour nous rappeler ses exploits passés.