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Les vérités de la palette

Le journaliste Philippe Doucet publie un livre racontant la palette, l'instrument télévisuel qui l'a rendu célèbre, et qui lui a échappé... 

Auteur : Richard Coudrais le 9 Nov 2021

 

À le lire, Philippe Doucet semble saisi par deux démons. Crise d'identité et culpabilité. Le premier pourrait avoir comme nom le syndrome du ventriloque. Dans l'esprit du public, le journaliste reste définitivement l'homme à la palette.

Comme le ventriloque, il n'est plus reconnaissable qu'à travers sa marionnette, sa création, le personnage à travers lequel il s'est exprimé. Oubliés, les commentaires de match en direct, les interviews à chaud, les résumés : Doucet, c'est Monsieur La Palette.

 

photo DR

 

Du ressenti aux chiffres rois

Le second démon se rapproche d'un autre syndrome, celui de Frankenstein. Avec sa palette, Philippe Doucet a le sentiment d'avoir enfanté un monstre. L'analyse footballistique du XXIe siècle est tombée dans le recours systématique à l'image arrêtée et aux statistiques.

Quand sa palette n'apportait, selon lui, qu'un éclairage supplémentaire sur un jeu parfois difficile à comprendre, les moyens vidéo d'aujourd'hui et la gestion des données tyrannisent l'analyse footballistique.

La palette fut une révolution, et il suffit de comparer dans la presse les comptes rendus d'un match d'avant 1999 (année de naissance officielle de l'outil) et d'aujourd'hui. Le journaliste qui faisait confiance à son ressenti pour juger la performance d'une équipe ou d'un joueur doit aujourd'hui étayer son analyse par des chiffres, des schémas et des infographies.

Ce n'est pas tant de l'évolution en elle-même dont souffre l'homme à la palette. C'est plutôt l'idée généralement admise qu'une donnée chiffrée et décortiquée par la vidéo détiendrait plus de vérité qu'un ressenti.

C'est probablement vrai dans de nombreux autres domaines, dans la science et peut-être même dans certains sports (les fans de sports US sont abreuvés de stats depuis longtemps). Mais le ballon rond ? L'information footballistique a-t-elle vraiment gagné en pertinence quand elle est livrée avec moult chiffres et arrêts sur image ?

Les tacles de Platini

"La palette, c'était bien" rétorque Michel Platini dans la préface du livre. L'ancien capitaine des Bleus fait partie des bonnes fées qui ont entouré le berceau. Il était consultant de l'émission où est née la palette, lors des soirées Ligue des champions de Canal+. 

Il lui a mené la vie dure. Platini n'aimait rien tant que tacler Doucet palette en main. Le ressenti avait encore droit de cité, même si Canal+ les abonnés le savent bien avait depuis longtemps alimenté ses retransmissions de chiffres et de pourcentages.

Platini est finalement du même avis que Doucet : la palette, c'était bien... au début. Depuis, le foot s'est laissé happer par la technologie. Dans les médias, mais aussi sur le terrain. On a créé l'illusion du chiffre roi et de l'image incontestable. La palette serait mère de la VAR, affirme Platini.

Du temps où il fut sélectionneur (1988-1992), Platini était pourtant un adepte de la technologie. Il n'avait plus besoin d'aller observer son adversaire, l'ordinateur livrait les éléments à lui et à son adjoint Gérard Houllier le premier à avoir fait entrer les bases de données chez les techniciens de la FFF.

Aujourd'hui, les entraîneurs du monde entier consomment de la data pour préparer un match. Leur intuition est-elle moins précieuse pour autant ?

Boîte de Pandore

Philippe Doucet l'assure, en tant qu'amoureux du foot de terrain. Celui qui fait vibrer pour l'émotion qu'il procure dans l'instant. Il se moque un peu de savoir quelle équipe présente le meilleur ratio de passes réussies dans le deuxième quart d'heure de la première mi-temps.

Il ne blâme pas le joueur qui présente un faible taux de duels remportés dans le rond central. Il n'a pas besoin d'un pourcentage à deux décimales pour évaluer quelle équipe "a la possession". Il estime pourtant avoir ouvert la boîte de Pandore. Son outil est tombé dans de mauvaises mains.

Il s'insurge de voir les apprentis sorciers utiliser "sa" palette pour dégommer un joueur qu'ils n'aiment manifestement pas. Il s'insurge des conclusions aussi hâtives que définitives tirées d'un match dont la victoire aurait pu basculer d'un côté comme de l'autre (1-0, but de raccroc à la 86e minute).

Il exècre les spécialistes autoproclamés qui ont appris le foot devant leur télé palette à la main plutôt qu'aux abords du terrain et de ses incertitudes. Il est fatigué d'entendre moult statistiques dénuées de signification.

 

Sur l'intérêt des outils statistiques et de visualisation, lire Comment faire du journalisme avec des stats ? et Us et abus de la data.

 

Finalement, il l'aime sa palette, Philippe Doucet. Lui aurait-il consacré un livre, sinon ? Un livre où, passés les coups de gueule du premier chapitre (les trente premières pages), il nous décrit avec son style alerte et amusé, à coups de chapitres courts, l'histoire de cet outil qui, il faut bien l'avouer, a un peu changé notre perception du football.

La palette (racontée par son inventeur), de Philippe Doucet, éd. Solar 2021, 17,90 euros.

 

Réactions

  • El Mata Mord le 09/11/2021 à 09h48
    En bref, un avis péremptoire sur n'importe quel sujet à l'occasion d'un match constitue une "vérité de la palette"...

  • Lionel Joserien le 09/11/2021 à 10h00
    Intéressant, merci Richard.

  • Sens de la dérision le 10/11/2021 à 08h02
    Bizarre cet article. Le ressenti comme vérité ultime ? J'ai du mal à en être convaincu. Mais je dois être trop scientifique pour ça.

  • Lucho Gonzealaise le 10/11/2021 à 08h26
    Comme pour tout travail scientifique, tu peux avoir en mains toutes les données existantes, si tu ne sais pas les trier et les utiliser de façon cohérente, ça ne rendra pas ton équipe meilleure.

    Sur toutes les stats qu'on nous déverse aujourd'hui, combien sont réellement pertinentes ? Il y a tant de profils de joueur différents, auxquels tu dois ajouter les dynamiques collectives, sans mettre de côté que les joueurs restent des humains avec un bon paquet d'émotions et d'éléments physiques qui changent d'un match à l'autre. Un entraîneur ou un analyste possédant déjà de grosses connaissances tactiques et techniques pourra devenir meilleur avec l'usage des stats, un mec qui ne connaît rien au foot à lui plus de chances de se perdre dans des analyses erronées. Rappelons le fameux exemple de Ferguson qui avait décidé de vendre Stam parce qu'on lui avait communiqué des statistiques où il était catastrophique, sans tenir compte du profil du joueur et pourquoi il était quand même bon malgré ces stats, par rapport à la dynamique collective.

    Par ailleurs, je pense que l'avènement du "tout par la stat" a surtout été du pain béni pour les paris en ligne, qui nous donne aujourd'hui des milliers de mecs qui pensent tout connaître du foot sans regarder les matchs.

  • Bernard Diogène le 10/11/2021 à 15h36
    S'agissant de la comparaison avec le sport US, même si la culture statistique y est très ancienne, on retrouve des questionnements similaires.
    Ainsi le légendaire basketteur Magic Johnson faisait-il l'éloge de son coéquipier Kurt Rambis, second couteau devant l'éternel, en expliquant qu'il apportait bien plus que ce que les statistiques en disaient : plutôt que d'attraper la balle au rebond, il la détournait vers un coéquipier mieux placé. Une action pertinente et apportant une plus-value mais non comptabilisée statistiquement dans la catégorie "Rebonds" au crédit du joueur. De même qu'un défenseur qui fait pression sur le porteur du ballon qui le perd et que récupèrera un coéquipier du défenseur : ce n'est pas comptabilisé dans la catégorie "Interceptions" pour celui qui a provoqué la perte de balle. Etc.

  • Bernard Diogène le 10/11/2021 à 16h25
    J'oubliais un autre exemple. Pour ceux qui ne connaissent rien aux règles du basket, dans un match NBA, un joueur rejoint définitivement le banc au bout de 6 fautes (mais est remplacé numériquement sur le terrain et n'encourt pas de suspension).
    Il arrive qu'un faire-valoir commette une faute pour éviter d'encaisser un panier (selon le moment du match, une faute tactique en quelque sorte) sans être le "mieux placé" pour la commettre mais simplement pour épargner un coéquipier plus important (si l'on peut dire) et qui est peut-être à l'origine de la difficulté défensive. Il lui évite une faute supplémentaire (exemple en fin de match avec une possible prolongation), un acte collectivement intelligent mais qui sanctionne sportivement et statistiquement l'auteur de la faute mais pas le fautif originel (statistique "Fautes par match").

  • Sens de la dérision le 11/11/2021 à 08h06
    D'accord avec toi mais le ressenti, c'est quand même la pire des choses.

  • Radek Bejbl le 11/11/2021 à 12h25
    Il ne comprend malheureusement rien au sport qu'il aime faute d'avoir pu monter dans le train, ça fait un peu de peine. D'ailleurs c'est amusant de voir les exemples cités en commentaires, Magic et Stam, dater de l'époque de la palette.

  • Jamel Attal le 12/11/2021 à 09h58
    Assez d'accord avec Radek. Je comprends bien les réticences que les données, les stats, les visualisations peuvent susciter. Déjà, assez légitimement, parce que certaines utilisations sont effectivement assez fétichistes et peu pertinentes (mais on note que c'est surtout le fait des grands médias qui les mettent en scène avec des indices opaques comme l'Indice de performance ou le récent Live win truc de Canal+).

    Ensuite parce qu'elles contrarient l'approche intuitive et, donc, le syndrome d'omniscience de certains journalistes sportifs old school dont on cerne bien les motifs de l'irritation (entre autres : faut bosser un peu, confronter les impressions avec des données qui pourraient les démentir). Je comprends aussi le caractère désenchanteur d'une approche rationnaliste, et Lucho a raison de souligner le lien entre le développement des stats / probas et la promotion des paris sportifs.

    J'ai en revanche du mal quand on les repousse par principe ou par simple incompréhension : ça donne le sentiment de ne pas vouloir analyser le football au-delà du spectacle qu'il procure, de manquer de curiosité (ou simplement de tolérance pour d'autres manières de voir le football). Il y a aussi un malentendu : ceux qui produisent, expérimentent et utilisent des stats ne peuvent tout simplement pas ignorer leurs biais et leurs lacunes – ils y sont confrontés en permanence, et ça contribue même à l'intérêt de l'exercice, le football étant particulièrement difficile à appréhender par les données, et les stats particulièrement difficiles à éditorialiser.

    Je suis moins passionné par le versant strictement tactique de ces approches, parce que je me heurte très vite à mon incompétence, et je m'inquiète de l'emprise de plus en plus grande de la rationalisation tactique (l'intelligence de jeu qui quitte le terrain pour aller vers le banc, ce qui tend à nuire à la spontanéité et aux aléas du jeu), mais ça ne m'empêche pas d'en comprendre tout l'intérêt et la valeur du travail fourni par les spécialistes.

    Les propos de Doucet (mais Richard a dit qu'il n'avait rendu compte que de certains aspects de son livre, et l'auteur salue le travail de gens comme Florent Toniutti, Victor Lefaucheux, Gauthier Kuntzmann ou Dominique Armand) suggèrent qu'il est dépassé moins par son invention que par le dépassement de son invention, par le développement d'outils dont il décrète l'inutilité faute de pouvoir se les approprier (et sans s'étonner qu'ils soient utilisés par les clubs), au risque de s'enfermer dans une posture assez rétrograde qui présente l'avantage, pour lui, de rester en surplomb. On parle là d'une génération de journalistes de Canal dont la modestie et la lucidité sur leur propre travail ont rarement été les traits principaux…

  • Radek Bejbl le 12/11/2021 à 16h41
    Je me rends compte que mon message est assez lapidaire (pas plus que ce qui ressort du livre ceci dit), mais c'est en partie lié à ta dernière phrase, et à son lien avec "il exècre les spécialistes autoproclamés qui ont appris le foot devant leur télé palette à la main plutôt qu'aux abords du terrain" qui me semble au mieux paradoxal. En télé, il n'y avait quasiment que Julien Momont qui faisait des palettes, tous les autres bossant dans des clubs ou des structures, et on ne peut pas dire que c'était pour défoncer quelqu'un. On ne peut pas non plus dire que Doucet, avec tout mon respect, approchait le niveau de connaissance de Julien.

    Je pense sincèrement qu'il y a une méconnaissance du travail d'analyste aujourd'hui dans le monde du foot et du nombre d'informations professionnelles accessibles au grand public. C'est pas un hasard si tous les gens qui font de la data sont sollicités par des clubs, avec encore la semaine dernière Tom Worville passé de The Athletic à data analyst à Leipzig.

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