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« Paris est une énigme géoéconomique »

Entretien avec Boris Helleu – Comment expliquer la singularité parisienne, et en est-ce vraiment une? Un éclairage géographique et historique.

Auteur : Propos recueillis par M. Bastien le 7 Oct 2012

 

 

Boris Helleu (@bhelleu), maître de conférences à l’UFR STAPS de Caen, est spécialiste de marketing et d’économie du sport professionnel. Il anime le blog Hell of a Sport.

 


Dans votre thèse “Régulation des ligues sportives professionnelles: une approche géographique”, vous soulignez que la localisation des clubs au sein d’une grande métropole favorise sa réussite sportive.

 

Si l’on considère le spectacle sportif comme un service, alors une équipe professionnelle peut être envisagée comme un "équipement urbain", au même titre qu’une université, un hôpital, une bibliothèque ou un théâtre. Plus la ville est grande et plus elle dispose de services. On observe en effet que les hiérarchies sportives sont calquées sur les hiérarchies urbaines: une ville aura d’autant plus de clubs performants qu’elle aura d’habitants (lire “la taille compte”). Une grande ville, c’est une clientèle directe importante, un réseau d’entreprises partenaires au rayonnement national voire international et aussi des collectivités territoriales qui, si elles doivent désormais limiter leurs subventions directes au sport pro, peuvent largement aider les clubs par la mise à disposition d’un stade.

 

 

 


Comment peut-on expliquer, alors, qu’une agglomération comme Paris – deuxième agglomération d’Europe derrière Moscou en nombre d’habitants – dispose de moins de clubs professionnels compétitifs que d’autres capitales?

 

Paris est une énigme géoéconomique. Selon les modèles de localisation des entreprises de spectacle sportif développés par les géographes et économistes du sport, Paris devrait disposer d’au moins deux clubs performants à l’échelle continentale. C’est ce que l’on observe dans des villes comme Londres, Manchester, Milan ou encore Madrid. Cependant, le PSG ne peut même pas se vanter d’un palmarès comparable à celui des grands clubs continentaux. Il faut rappeler toutefois que le club de la Porte d’Auteuil n’est qu’un adolescent sur la scène européenne. Il a été fondé en 1970! Il a un travail d’enracinement à faire sur son territoire local. C’est un club connu qui bénéficie d’une grande notoriété et visibilité médiatique mais est-il un club aimé? Est-ce un club que l’on se transmet? C’est difficile d’y répondre, compte tenu de sa jeunesse. La volonté affichée du club est de retravailler son capital de marque pour positionner le club comme une référence à l’échelle internationale, mais aussi plus proche et familial à l’échelle locale (lire " Une lecture marketing de la stratégie du PSG").

 

 


Y a-t-il d'autres raisons à la “spécificité parisienne”?

 

Des raisons historiques. Le redéploiement territorial des clubs qu’a connu le football français lors de sa professionnalisation a fait la part belle à l’unicité: il s’agissait de redistribuer sur l’ensemble du pays les clubs de l’élite concentrés dans les bassins industriels et urbains. Afin de maximiser les chances de performances sportives, les collectivités territoriales ont préféré favoriser un seul club – ce qui facilite l’octroi de subventions. Dégagé de toute concurrence, le club peut optimiser l’exploitation de son potentiel local. Cependant, le modèle de l’unicité n’est pas une spécificité française puisque la Hollande ou même l’Allemagne sont dans le même cas de figure: ni Berlin ni Amsterdam ne présentent plusieurs clubs au sein de leur élite nationale.

 

 


L'historien du sport Paul Diestchy pense que le football, en tant que sport de la classe populaire, s’oppose à Paris la bourgeoise et que cela peut expliquer l’impossibilité du développement de plusieurs clubs... [1]

 

Oui, sûrement a t-il raison. On peut aussi avancer l’hypothèse que dans une république française méfiante à l’égard du communautarisme, l’émergence de clubs rivaux, représentant d’une communauté, était de fait impossible. À l’inverse, la multiplicité des clubs dans les grandes villes européennes s’explique par une rivalité locale qui trouve des extensions dans les clubs de foot qui représentent tantôt un quartier, tantôt une corporation ou une confession.

 


Le Stade Bauer de Saint-Ouen (Red Star).

 

 


Est-il possible de voir émerger d’autres clubs en Île-de-France?

 

Mais des clubs sont déjà présents : le Red Star, le Paris FC, Créteil… simplement, ils ne parviennent pas à accéder à l’élite nationale et encore moins continentale. J’observe, cela dit, qu’on se pose la question d’un second club parisien avec d’autant plus d’insistance depuis la construction du Stade de France, plus grande enceinte sportive du pays qui n'héberge aucun club résident. Nombreux sont les clubs qui ont finalement espéré devenir le second club de la capitale: le Paris FC, le Red Star, Saint-Denis–Saint-Leu ou dernièrement l’Entente Sannois–Saint-Gratien sous l’impulsion de Luc Dayan (NDLR: ajoutons à cette liste le Racing et l’UJ Alfortville). Mais au bout du compte, les prétendants se heurtent à une sanction sportive: monter en L1, ça se mérite et pour cela, le club a besoin de trouver et fidéliser un public et des partenaires pour se développer, ce qui n’est pas une mince affaire – même à Paris.

 

 


En Europe, l'écart entre les gros clubs et le reste de leurs championnats tend à se creuser. Dans un contexte où la compétitivité des grands clubs s’exerce maintenant à l’échelle européenne, n’est-il pas “trop tard” pour mettre en place un second club important à Paris si l’on veut que celui-ci soit compétitif à l’échelle continentale? "L’unicité" ne va-t-elle pas gagner les autres métropoles européennes afin de favoriser le développement des meilleurs clubs locaux?

 

Dans ma thèse, j’ai essayé de montrer que les modèles d’unicité et de multiplicité d’offres sportives étaient conditionnés d’une part par la structure urbaine d’un pays et d’autre part par des déterminants historiques et culturels. Prenez par exemple des pays comme le Portugal, la Grèce, l’Autriche ou l’Écosse: ils se caractérisent par l’absence d’aires urbaines de 250.000 à un million d’habitants et par la présence d’une ou deux grande villes. Nulle surprise alors à constater que ces villes concentrent la majorité des clubs. Les modèles de localisation de chaque pays me semblent maintenant assez figés.

 

 


C'est aussi le cas en France ?


Dans ses travaux, mon camarade Loïc Ravenel, analysant la diffusion du football d’élite en France, constate que la distribution spatiale des équipes professionnelles durant les années 1990 est un héritage des premières phases de diffusion du professionnalisme au cours des années 1930 : des villes relativement bien ancrées dans l’élite actuelle (Sochaux, Marseille, Le Havre, Nice, Lille, Lens, Rennes, Paris) étaient déjà présentes avant la seconde guerre mondiale. C’est aussi pour cela qu’en dernière analyse, on peut se demander si la question d’un second club à est si primordiale que ça? Ça n’est pas parce qu’il y a du vide qu’il faut à tout prix le combler.

 

LIRE AUSSI "UN 'SECOND CLUB' À PARIS EST-IL POSSIBLE?"

 


[1] Paul Dietschy estime en effet que c'est l'évolution sociologique de la capitale qui a conduit à cette situation sportive si particulière: "Les transformations spatiales du Paris intra-muros pendant les Trente Glorieuses avaient, il est vrai, porté un coup au caractère populaire et ouvrier d'une partie de la capitale, que redoublèrent les effets de la décentralisation industrielle. Les Parisiens devenaient une population de cols blancs, moins encline à aller soutenir une équipe de football qu'à assister à une rencontre de rugby. Elle se comportait, en outre, comme un groupe de consommateurs exigeant quant à la qualité du spectacle plus que comme une communauté de supporteurs fidèles à son équipe, la reconstruction du Parc des Princes où évoluèrent le Paris FC et le PSG dès les années 70 constitue à ce titre un cas exemplaire: le stade se situe en bordure ouest de Paris, à la limite du XVIe arrondissement et de la partie bourgeoise de Boulogne-Billancourt, loin des périphéries ouvrières du nord et de l'est parisien." Source: Paul Dietschy, L'histoire du football, Ed. Librairie académique Perrin (2010).
 

Réactions

  • theviking le 08/10/2012 à 13h35
    Intéressant.
    Cependant, quelques trucs me chiffonnent.
    On ne peut pas dire que le statut de "bourgeoise" de Paris empêche un 2° club de la région de s'installer, il y a assez de villes "populaires" en Île de France,non ?
    L'auteur cite aussi 2 pays où il y a un modèle d'unicité avec les Pays-Bas et l'Allemagne car Berlin et Amsterdam n'ont qu'un club en élite.
    Mais c'est oublier pour l'Allemagne les 2 clubs de Munich, ceux de Hambourg (si si St Pauli, c'est des pointures :-) ), et tous les clubs de la Ruhr dans une moindre mesure.
    Pour les pays-bas, on a le contre-exemple de Rotterdam (qui est de taille comparable à Amsterdam).

  • Jankulovic Hasek le 08/10/2012 à 21h44
    ben nous on a ajaccio, non ?

  • Toni Turek le 09/10/2012 à 03h05
    Limite 3 pour Munich, avec Unterhaching, qui était dans l'élite voici une douzaine d'années.

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