Olympiakos : grosses combines et relations troubles
Pourquoi un club dont le président doit pointer au commissariat toutes les deux semaines à cause de sa mainmise illégale sur le football de son pays n'est pas sanctionné par l'UEFA? Question problématique, surtout quand on sait qu'il y a un ami.
Une saison de plus. Cette année encoe, l'Olympiakos sera le représentant grec en Ligue des Champions, encaissant par la même occasion le pactole de la participation à la phase de poules. Une participation contestée par ses concurrents héllènes, mais validée par les instances de l’UEFA, malgré les lourdes accusations qui pèsent sur le président et principal actionnaire du club, Vangelis Marinakis.
Vangelis Marinakis, Olympiakos Le Parrain ?
L’affaire débute en 2011. Suite à un scandale de matchs truqués nommé Koriopolis, dans lequel le nom de Vangelis Marinakis, armateur milliardaire, était évoqué, plusieurs dirigeants du football grec furent mis sur écoute par les services de renseignements du pays. Cette surveillance a dévoilé l’existence de ce que le procureur en charge de l’affaire qualifie "d’organisation criminelle", et à la tête de laquelle se trouveraient selon lui Vangelis Marinakis et Giorgos Sarris, ancien président de la Fédération hellénique de football. Cette organisation aurait infiltré toutes les sphères du football grec et exercé son influence par l’usage de la corruption, la fraude, le chantage et la menace physique. Par exemple, un mois après avoir refusé de favoriser l’Olympiakos lors d’un déplacement à Xanthi – finalement perdu par le club du Pirée –, l’arbitre Petros Konstantineas verra la boulangerie dont il est propriétaire détruite par une explosion d’origine criminelle.
Les conclusions du procureur résultants de l’analyse des écoutes sont accablantes. Elles révèlent que le propriétaire de l’Olympiakos aurait lui-même nommé les arbitres sur certains matches, qu’il intervenait dans les décisions du comité de discipline et qu’il aurait organisé l’élection de Sarris à la tête de la Fédération. De plus, l’Olympiakos exercerait une influence sur des clubs moins cotés du championnat par le biais d’un large réseau de prêt de joueurs, voire même par la nomination d’entraîneurs adverses. Ainsi, des discussions téléphoniques laissent entendre des dirigeant de l’Olympiakos demander la nomination de Dimitri Eleftheropoulos, ancien gardien international du club, comme coach de Panionios, garantissant la prise en charge de la moitié de son salaire par Vangelis Marinakis.
En conséquence et après les auditions, le juge en charge de l’affaire a décidé qu’il existait suffisamment d’éléments pour mettre en examen vingt-six personnes. Vangelis Marinakis a dû payer une caution de 200.000 euros, il est interdit d’exercer toute activité en lien avec le football jusqu’au jugement et doit pointer au commissariat toutes les deux semaines. Parmi les autres mis en examen, on trouve l’ancien président de la Fédération héllénique de football, Giorgos Sarris, ainsi que six autres dirigeants de l’association, le président du comité arbitral, un dirigeant de celui-ci, six arbitres... mais également cinq membres de comités disciplinaires, les propriétaires des clubs de l’Atromitos et Levadiakos, l’ancien propriétaire du FC Veria et deux dirigeants d’Atromitos et de Veria. Le football grec pourrait donc connaître le plus gros scandale de son histoire, ce qui, à l'initiative de l'UEFA, devrait logiquement engendrer des conséquences. Sauf que cette dernière demeure pour l’instant spectateur des événements.
Curieuse indulgence
Le Panathinaikos, deuxième du dernier championnat, a donc adressé une demande auprès de l’UEFA pour que l’Olympiakos soit exclu des compétitions européennes. Le but: prendre sa place dans la lucrative phase de poules de la Ligue des champions, sur le modèle de ce que l’instance européenne avait décidé pour le cas de Fenerbahce, impliqué dans une affaire similaire en 2011. À l’époque, le club turc avait été exclu de la C1 par la Fédération turque, sur demande de la Fédération européenne.
Néanmoins, les dirigeants de l’UEFA font preuve d’une curieuse indulgence à l’égard du club du Pirée comparé au traitement réservé au Fener. Une curiosité titillée par l’identité du numéro trois dans la hiérarchie de la Fédération européenne, Théodoros Théodoridis, secrétaire général adjoint de l’organisation. Celui-ci n'est autre que le fils de Savvas Theodoridis, vice-président de l’Olympiakos, présent au côté de Marinakis lorsque celui-ci s’est présenté au tribunal pour son audition.
Si les liens du sang ne constituent pas un méfait, la manière par laquelle l’UEFA a autorisé l’équipe grecque à disputer les compétitions européennes laisse songeur. Ainsi, l’organisation a jugé licite la participation du club en Ligue des champions le 17 juin, c’est-à-dire la veille du passage de Vangelis Marinakis devant les enquêteurs et son interdiction d’exercer toute activité liées au football. De plus, comment expliquer le deux poids, deux mesures au regard du cas Fenerbahce? L’UEFA affirme que les enquêtes n’en sont pas aux mêmes stades, qu’il faut respecter la présomption d’innocence et que personne n’a pour l’instant été condamné. Cela était pourtant également le cas pour Fenerbahce, qui n’a pas profité à l’époque de ces précautions, étant exclu des compétitions européennes avant toute condamnation.
Suite à cette décision, le Panathinaikos a décidé de porter l’affaire devant le Tribunal arbitral du Sport de Lausanne, déclenchant les foudres de l’UEFA, mécontente d’être ainsi contestée. Si le tribunal a finalement rejeté l’appel du Pana, cette décision ne porte pas sur le fond de l’affaire et les charges qui pèsent sur le club du Pirée. L’UEFA, qui se veut transparente et intraitable en matière de corruption, s’est bien gardée d’invoquer devant le TAS les multiples accusations, et a basé sa défense sur l’inexistence d’un droit à faire appel de ses décisions pour le Panathinaikos – donnant ainsi priorité à son autorité sur la probité des participants à ses compétitions.
Théodoros Theodoridis est responsable des relations internationales à la Fédération européenne, il sert d’intermédiaire entre les fédérations nationales et Michel Platini, et s’assure ainsi des bonnes relations de ce dernier avec les votants. Il joue donc un rôle clé dans les réélections du président de l’UEFA, désormais candidat à la tête de la FIFA. Michel Platini, invité au mariage de Théodoridis à Mykonos en 2013, arécemment déclaré que chaque membre du personnel de l’UEFA était supporter d’une équipe, et que cela ne constituait pas une cause de culpabilité. Il a néanmoins occulté le fait qu’une discussion entre Théodoros Theoridis et le principal accusé, Vangelis Marinakis, figure parmi les enregistrements des services de renseignements, attestant ainsi des liens étroits entre les deux individus et justifiant les soupçons d’un possible conflit d’intérêts.
Dans une course à la présidence de la FIFA où l’enjeu principal sera la moralisation de l’instance, cette question grecque pose question et risque d’être soulevée par les adversaires.