Trois ans ferme
Le foot français a courageusement décidé de ne pas abréger notre peine en se condamnant à trois nouvelles saisons de Coupe de la Ligue.
Auteur : Jérôme Latta
le 29 Juin 2009
Autant le dire : présenter la disparition de la Coupe de la Ligue comme une éventualité très probable (lire "Achevez-la"), c'était prendre ses désirs pour des réalités. Le but semi-avoué était même de se faire plaisir, d'imaginer ce que serait un football géré dans l'intérêt du football. On peut bien s'accorder cinq minutes d'illusion, non? Parce que pour ce qui est de la réalité, celle-ci a été aussi prévisible que possible.
"Le Conseil d'Administration de la LFP a attribué à France Télévisions pour les trois prochaines saisons (2009/2010 à 2011/2012) les droits de retransmission de la Coupe de la Ligue. Le lauréat sera qualifié pour l'UEFA Europa League". Le communiqué de la Ligue a ainsi mis fin, vendredi, aux rêves de disparition de la Coupe Moustache. La tentative de retirer au vainqueur au vainqueur de la compétition un billet pour la Ligue Europa n'a servi qu'à soutirer à France Télévision 500.000 euros supplémentaires (en plus des dix millions alloués sur trois ans), correspondant au lot 2 – c'est-à-dire la vidéo à la demande – qui n'avait pas trouvé preneur.
Têtes de série
Le football français, toujours enclin à regretter son manque de prestige et à nourrir des rêves de modernité footballistique, fait finalement tout pour cultiver sa propre médiocrité: il vient de reconduire une compétition dévaluée et dévalorisante, sans légitimité historique et sportive, pénalisante pour les calendriers. Mieux, il l'a "améliorée". La Coupe de la Ligue, déjà réservée aux clubs professionnels, va en effet perfectionner les passe-droits qu'elle a pris l'habitude d'attribuer. Non seulement tous les clubs européens entreront désormais en lice directement en huitièmes de finale, mais les quatre premiers du championnat bénéficieront du statut de têtes de série et ne pourront s'affronter avant les demi-finales. Une tentative pour essayer de relever artificiellement le plateau de la finale (lire "La coupe jusqu'à la lie") et amadouer des grosses écuries favorables à la suppression?
Les compétitions n'étant plus que des sous-produits des programmes télévisuels, en refourguant "du foot" (peu importe lequel) à une chaîne nationale gratuite, il s'agit aussi de compenser les effets pervers de l'attribution des droits du championnat, qui a terriblement réduit la disponibilité du foot français et la visibilité de ses clubs. Seize matches seront ainsi diffusés en direct dès la saison prochaine: un véritable défi pour les cameramen du service public et pour le psychédélique Fred Godard, qui devront encore rivaliser d'imagination afin de ne pas trop exhiber des tribunes clairsemées.