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Non, un match de foot n’est pas une histoire

Tribune – Le football ne raconte pas d'histoire, mais la télévision s'en empare pour imposer et son propre storytelling.

Auteur : Jacques Blociszewski le 1 Oct 2019

 

 

Des histoires, il en existe depuis que le monde tourne, ou presque. Avant qu’elles soient imprimées et filmées, les histoires (sagas, légendes, contes…) se racontaient au coin du feu, et/ou partout où se trouvait quelqu’un capable de porter une parole, de la transmettre et de passionner un groupe, un auditoire, avec les hauts faits, les heurs et malheurs des héros du passé.

 

Et tous les enfants aiment qu’on leur raconte une belle – ou horrible – histoire avant qu’ils s’endorment. Les histoires font profondément partie de nos vies et depuis très longtemps. Mais qu’est-ce qu’une histoire?

 

 

 


Éléments de l'histoire

D’abord, ce n’est pas l’Histoire, ce rassemblement de faits et d’analyses de ce qui fut le monde avant aujourd’hui. Ce n’est pas non plus l’expression "raconter des histoires", où le péjoratif l’emporte largement sur l’émerveillement et la magie d’un récit.

 

Fiction ou réalité, ou un peu des deux en un subtil dosage, une histoire comporte plusieurs éléments:

 

- elle est faite pour être racontée oralement ou bien: entendue, lue, vue à la télévision ou au cinéma.
- elle requiert l’existence d’un conteur, auteur ou réalisateur, qui lui donne un certain ton, la rend compréhensible, si possible intéressante voire instructive et porteuse de valeurs éducatives.
- elle a un début et une fin: roman, pièce de théâtre, film, dramatique; cette fin est connue de l’auteur bien sûr ainsi que de tous ceux qui l’ont déjà entendu raconter, l’ont lue ou vue [1].
- elle se distingue de l’événement perçu en direct – dont l’issue est totalement ou partiellement incertaine – en ce que sa fin est fixée, imprimée, enregistrée…

 

Et le football dans tout ça? Une de ses évolutions les plus profondes, sinon la principale, de ces dernières décennies est son glissement continu vers la télévision, ses comportements, sa puissance économique, ses règles, son influence, son esthétique.

 

 

Plénitude du ressenti

Au foot, la fin n’est jamais écrite à l’avance. L’incertitude règne jusqu’au coup de sifflet final, surtout si le match est serré mais pas seulement (l’évolution du score reste ouverte, même si une équipe mène largement).

 

Quoi de plus fort qu’un France-Brésil dans le Stade de Colombes en 1963, avec trois buts de Pelé, ou qu’un France-Italie de 2006 au 10e rang de tribune du Stade de France? Ou même d’aussi frais et authentique qu’un plus récent Arras-Lens 2 de CFA vu sur place, au Stade Degouve?

 

Dans ces moments-là, où est "l’histoire"? Nulle part. Il y a juste les sensations, la plénitude du ressenti du spectateur face à un événement brut, sans médiation autre que celle de ses propres yeux. Personne ne met le réel en forme pour lui, personne ne le voit à sa place ni n’en transforme la nature.

 

C’est seulement ce qui se passe avant et après le match qui peut constituer une éventuelle histoire: ce que font et sont les joueurs hors du terrain… Mais, sauf faits exceptionnels, cette "histoire" apparaît bien faible et artificielle face à la puissance émotionnelle de l’événement lui-même, vécu en commun, au contact direct de tous les autres spectateurs: une pulsation géante.

 

 

Modelage télévisuel

Or que fait maintenant la télévision? Elle construit un avant-match, un après-match. La rencontre elle-même, elle la modèle à coups de ralentis et autres technologies. Elle l’aligne, elle la banalise. Là nous sommes dans "l’histoire" – pas une très bonne histoire d’ailleurs, plutôt un mélange où rien de fort et de vrai n’est montré, ou très rarement.

 

Ce n’est pas par hasard que les producteurs et réalisateurs actuels développent à l’envi ce thème de l’histoire, sur Internet et dans les médias, en tout cas quand ils n’ont pas de contradicteur face à eux. Alors en effet, ils se taisent, n’assument pas [2].

 

J’ai connu cette expérience lors de deux débats dans l’Afterfoot sur RMC, auxquels j’ai participé et où les "réals" feignaient de ne jouer aucun rôle dans le modelage du football par la télévision! Un déni complet.

 

Ils en sont pourtant bel et bien tant l’acteur incontournable que l’outil. En outre, leurs images, désormais retransmises dans beaucoup de grands stades sur écrans géants, deviennent la référence non plus seulement dans nos salons mais sur le lieu même du foot…

 

[lire aussi Télévision : le match réel existe-t-il ?]

 

 

Forme de téléréalité

Pourquoi cette histoire d’histoire est-elle importante? Parce que c’est par ce tour de passe-passe que la télévision impose encore davantage sa loi au football, qui lui est déjà soumis en raison de l’importance des droits télévisés et de la dépendance qu’elle entraîne.

 

Littéralement acheté par la télévision, le football lui vend aussi son âme en se laissant traiter comme une histoire: il devient un soap opera de plus, une série télé parmi tellement d’autres, un produit normalisé, refondu par les technologies. Or le foot est autre chose, sa force est ailleurs que dans ce mish-mash de tape-à-l’œil, de sirop, de pub, d’émotions fabriquées, de répétition jusqu’à l’écœurement.

 

C’est par cette brèche de "l’histoire" que s’engouffrent les ralentis, les pseudo-impératifs de réalisateurs asservis et fous de technologie. Plus récemment encore: la VAR est le sommet (provisoire) de la transformation du premier sport du monde en une forme de téléréalité.

 

Le sujet déborde d’ailleurs largement le football. Dans son instructif ouvrage Storytelling (éd. La Découverte, 2007), Christian Salmon cite pertinemment le réalisateur de films danois Lars von Trier:

 

"C’est la réalité que les journalistes pensent décrire. Mais ils ne parviennent pas à trouver ce sujet peu commun, car leurs techniques les aveuglent (…) C’est la vénération du contour, tout-puissant, au détriment du sujet dont il provient. Ce sujet, qui est peut-être le vrai trésor de la vie, s’est volatilisé devant nos yeux". Ceci s’applique parfaitement au foot et à ce qu’il subit.

 


[1] Aujourd’hui les œuvres interactives laissent toutefois davantage d’ouverture et de marge, sans changer fondamentalement ce qui est dit plus haut.
[2] Sauf François-Charles Bideaux, réalisateur jusqu’en 2010, discutable débatteur mais intéressant, qui assuma et fut l’exception.

 

 

* * *


Jacques Blociszewski est l'auteur de Le Match de foot télévisé, éd. Apogée (2007), et de Arbitrage vidéo: Comment la FIFA tue le foot, éd. de L’ARA (2019), disponible sur Amazon et à la Fnac.
 

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