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Match truqué

Invité : Planetjeux.net – Plus d'équipes, les derniers transferts pris en compte, des stades parfaitement modélisés, des animations stupéfiantes... Les jeux de football se rapprochent sans cesse de la réalité. Mais de quelle réalité?
Auteur : Martin Lefebvre le 17 Avr 2008

 

Depuis 2002 Planetjeux.net propose un regard singulier sur les jeux vidéo, leur esthétique, leur contexte historique, politique et social. Le tout avec un goût prononcé pour la dérision et la polémique. L'idéal pour s'interroger sur le football des jeux vidéos...

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Le mimétisme est souvent un argument de vente pour les jeux vidéo: l'expérience se veut toujours plus réaliste, plus immersive... Mais quel est exactement ce réel que le jeu vidéo tente de reproduire? Pour répondre à cette question, prenons un domaine bien défini, aujourd'hui à la fois presque figé, mais bien vivant commercialement: le jeu de football et ses mises à jour annuelles, tel qu'il s'exprime à travers deux genres, le jeu d'action qui simule les matches en temps réel, et le jeu de gestion-management*, au tour par tour.

Les termes signalés par * renvoient au lexique en bas de page.


PES et FIFA, images d'images

Le marché du jeu en temps réel est dominé par deux grandes licences, qui se taillent une part de lion: Pro Evolution Soccer de Konami, et FIFA Football d'Electronic Arts. L'attrait pour le football est tel que de nombreuses autres productions luttent pour se faire une place, sans pour autant parvenir à détrôner les deux géants, leur force marketing, leur sortie annuelle...  Il faut dire qu'une bonne partie de ces jeux sont vite ficelés et sans grande originalité, tels Club Football de Codemasters. Evidemment, certaines licences se sont crée une niche bien particulière, comme le résolument arcade* Virtua Strikers de Sega ou le débridé Mario Strikers, dans lequel s'invitent sur le terrain les mascottes de Nintendo, super pouvoirs à l'appui. Mais depuis plusieurs années déjà, le championnat se résume à un duel entre les deux grosses écuries.
Les deux séries phares n'ont pas tout à fait la même approche du football: FIFA penche vers l'arcade, tandis que PES se veut une simulation*. Mais elles partagent un certain nombre de conceptions sur le football en tant que sport-spectacle: PES et FIFA sont tous deux des représentations de représentations. Ce n'est pas le football en tant que réalité vécue par le footballeur qui est retranscrite, mais bien le football tel qu'il est reproduit sur l'écran de télévision. Il y a quelque chose de troublant dans cette démarche, comme si les développeurs voulaient nous leurrer et nous forcer à nous demander ce qu'il y a sur l'écran: jeu vidéo ou match retransmis? Évidemment, un examen un peu attentif révèle aux démarches figées des joueurs la nature artificielle du jeu. De près, on notera le regard absent de ces poupées d'athlètes, leurs membres ankylosés, leurs cheveux plaqués: effet d'uncanny valley* garanti.


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FIFA 08, Wayne Rooney, la démarche de pantin désarticulé: un sentiment d'étrangeté.

La volonté de reproduire le sport vu à la télé ne date pas d'hier. D'ailleurs, il ne se résume pas au football, de nombreux les jeux de sport partagent cette esthétique, du basketball au hockey sur glace. Ainsi, la série de jeux de sport produite par SEGA arbore fièrement le logo d'ESPN (Entertainment Sport Programming Network, la première chaîne sportive US, propriété du groupe Disney). Cette conception du jeu de sport comme mimétisme du sport à la télévision implique un certain nombre de codes:

Le sport représenté est la pratique de haut niveau. Le joueur souhaite revivre, pad en main, les grands moments de la saison: Ligue des champions, Coupe du monde... Football des grandes nations et des grands clubs (Chelsea, Real, Manchester...), spectaculaire mais finalement peu représentatif du sport dans sa pratique quotidienne par des millions d'amateurs.

Les stars du football offensif sont mises en avant. Il suffit pour s'en convaincre de regarder les pochettes, qui présentent les attaquants et les milieux offensifs: Ronaldinho, Ribéry (FIFA 08), ou Drogba et Cristiano Ronaldo (PES 2008). Pas de Nesta ou de Cech, le football se veut un sport offensif. Certes, PES 3 mettait en couverture l'arbitre Pierluigi Collina, mais celui-ci fait figure d'exception: acteur autant qu'arbitre, il participait pleinement au spectacle footballistique. D'ailleurs, les jeux font même appel aux stars du passé, puisqu'il est possible dans les PES de débloquer des joueurs et de faire s'affronter dans l'espace fantasmatique de l'écran Pelé et Maradona, Zidane et Platini... Rêve d'enfant évidemment, mais aussi formule magique du marketing: plus il y a de stars, plus le succès est grand. A travers ces figures, il s'agit de privilégier l'action d'éclat. Signe de ce football d'individus au talent hypertrophié, l'expression populaire sur les terrains du dimanche: d'un joueur qui s'enflamme et veut dribbler en solitaire toute la défense adverse, on dit qu'il "se croit sur Playstation".


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FIFA 08, Ronaldinho et Ribéry en plein orgasme.

PES 2008, C. Ronaldo et Drogba, très sûrs d'eux.



Les logiciels ont recours à des mouvements scriptés* pour reproduire le jeu spectaculaire de ces stars, , qui constituent en quelque sorte leur signature... On se souvient de la roulette zidanesque ou des coup-francs de Beckham, on peut toujours sortir les grigris d'un Cristiano Ronaldo ou d'un Lionel Messi... Il ne s'agit pas pour le joueur d'inventer ses propres figures, mais bien de reproduire à l'identique les actions vues lors des retransmissions de la Ligue des champions...

La présentation des jeux reprend le modèle télévisuel. La présence de commentateurs du petit écran n'est qu'un signe parmi d'autres. Les caméras sont placées comme à la télé, et l'importance donnée aux ralentis après les actions les plus marquantes ne trompe pas. C'est bien le dispositif télévisuel qu'il s'agit de recréer. Concession à la jouabilité, un radar permet de voir le hors-cadre afin d'adresser une passe en profondeur bien sentie, mais le football est bien réduit à la petite lucarne d'un écran. Évidemment, l'amateur de football qui n'ignore pas l'importance du positionnement et du jeu sans ballon peut trouver cette perspective très réductrice.


• La question fondamentale du rôle du joueur se pose, avec le match représenté du point de vue du spectateur de télé. Alors que la majorité des jeux incarnent le joueur en l'identifiant au personnage principal, les jeux de sport d'équipe le désincarnent pour le placer dans une situation abstraite, à la fois entraîneur, joueur(s), esprit d'équipe, fond de jeu... Ainsi, le joueur sélectionne les titulaires, la stratégie d'ensemble, mais il prend aussi le contrôle du joueur qui a le ballon ou qui tente de s'en emparer. Cela permet à la fois de diriger le style de jeu de l'équipe, et de s'incarner dans le joueur d'exception qui mène l'action décisive.

La position panoptique du joueur qui dirige tout satisfait évidemment les fantasmes du spectateur qui se rêve en total contrôle... Quel amateur de football n'a jamais pesté contre l'entraîneur qui écarte son joueur favori, ou contre l'attaquant trop hésitant ("tire, mais tire") ou trop personnel ("fais la passe Djibril, à gauche, p....")? FIFA comme PES lui offrent l'opportunité de vaincre ces frustrations, et de tout décider seul. De plus, les jeux de football introduisent l'ivresse d'actions entièrement maîtrisées par le joueur, qui lance en profondeur un ailier, dribble le latéral d'un double contact, avant d'adresser un centre parfait à l'avant-centre qui dévie de la tête pour la reprise de volée imparable avec un milieu défensif. Bien sûr, il reste toujours l'IA* à blâmer quand le gardien de but se troue ou que le défenseur oublie son marquage. Mais le football ne se passe pas de récriminations.


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PES 2008, entraîneur, joueur, esprit d'équipe, le joueur est partout.

Si ces procédés permettent de rendre l'aspect du football télévisuel, FIFA et PES restent des jeux vidéo; la simulation parfaite n'existe pas, et le joueur se trouve rapidement confronté à une jouabilité qui a ses contraintes propres, parfois contradictoires avec la pratique du football réel. Ainsi, telle ou telle version rend les coup francs extrêmement inefficace, tandis que les passes en profondeur sont fatales pour la défense adverse. Dans tel autre titre, le jeu de tête est complètement imprécis, mais les tirs de loin sont d'une facilité déconcertante...

Bien vite le joueur s'adapte à ces spécificités de la jouabilité, ce qui risque d'appauvrir le jeu. Il faut dire que la complexité du football semble infinie, chaque génération apportant ses innovations, ses solutions face aux problèmes soulevés par le jeu: catenaccio façon Herrera à l'Inter dans les années 60, football total de Rinus Michel dans les années 70... Si à haut niveau un jeu compétitif comme Pro Evolution Soccer permet d'envisager différent styles de jeu, à la manière d'un Street Fighter, on peut cependant reprocher au football vidéoludique d'être une succession d'images figées, chaque épisode d'une série privilégiant un aspect du sport et de sa tactique. C'est face à ces contraintes de jouabilité que se comprend le plaisir du ralenti. Lors des phases de jeu, on est joueur de jeu vidéo, conscient des contrôles et de leurs limitations. Mais quand vient le ralenti, tout se trouble, et le joueur devient spectateur de ses propres exploits qui s'inscrivent dans le cadre de l'écran, là-même où se déroule la réalité-représentation du football-spectacle.



Autres histoires

Historiquement, le jeu de football en temps réel s'est trouvé rapidement, mais un certain nombre de titres ont offert des propositions en marge. Ainsi la doublette Kick Off (Atari ST, 1989) et Sensible Soccer (Amiga et ST, 1992)  qui illumina les micros 16 bits*. Les  deux frères ennemis se distinguent des autres titres du genre par une vue de dessus qui s'éloigne des canons télévisuels pour offrir un champ de vision plus large, permettant de privilégier l'aspect tactique du football. Par ailleurs, au contraire des modèles du genre, qui font coller le ballon au pied du joueur qui l'a en possession, le jeu de Dino Dini et son successeur demandent une grande précision dans les dribbles, puisqu'il faut pousser la balle. Alors que les titres sur console moderne exploitent une multitude de boutons, en leur donnant un sens contextuel, les joysticks des micros 16 bits se contentent de deux boutons; de la sorte Kick Off et Sensi n'ont pas recours aux mouvements scriptés qui caractérisent les jeux de football actuels. Cette simplicité laisse au joueur une plus grande liberté, lui permettant de mener un jeu plus créatif.


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Le mythique Kick Off et son grand rival Sensible Soccer.

Libero Grande de Namco (1997 en arcade, 1998 sur PS1) fait un choix audacieux: le joueur incarne un seul membre de l'équipe, l'essentiel libéro, capitaine à la Beckenbauer, à la fois défenseur et meneur de jeu. Difficile de concevoir plus immersif: au point de vue surplombant succède celui d'un unique joueur, pris au cœur du match. Malheureusement, l'expérience tourne court puisque les limitations de l'IA des partenaires frustrent le joueur. Le principe a été récupéré par PES et FIFA, qui proposent depuis peu des modes de jeu similaires, qui restent pourtant secondaires.


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Libero Grande, la caméra sur le dos du joueur clef

Signe d'espoir, la dernière version de PES sur Wii propose une innovation de taille: grâce à la manette permettant de pointer sur l'écran, il est possible de contrôler deux joueurs en même temps, ce qui offre des combinaisons inédites. Reste à voir si l'essai permettra de faire évoluer le genre.
Aujourd'hui que la connectivité s'est répandue sur console, on pourrait imaginer un jeu qui reprendrait le principe, mais en proposant des matchs online à onze contre onze. Pour autant, un défenseur central ou même un gardien n'éprouveraient-ils pas le besoin de monter imprudemment? Le football est un sport de patience, les jeux vidéo sont-ils capable de rendre intéressante la mise en place tactique?



Football Manager, presse écrite

Le football en jeu vidéo se décline aussi sous la forme du jeu de gestion, dont la référence est sans conteste Football Manager de Sports Interactive. La série des frères Collyer, qui débute avec Championship Manager en 1992, change de nom en 2004 à la suite d'un conflit avec l'éditeur Eidos. Football Manager 2008, le dernier épisode en date, édité par Sega, est le fruit de plus de quinze ans d'évolution. Sports Interactive (SI) s'adresse à un public de fans de football, aux passionnés de statistiques capables de sortir l'historique des meilleurs buteurs de la série C1 et de réciter le palmarès du Dinamo Minsk. Il s'agit de prendre le rôle de manager d'un club, à la fois directeur sportif et entraîneur. Approche plus intellectuelle et moins physique du sport collectif, qui tient du jeu de gestion classique (il faut équilibrer les finances du club) et du jeu de rôle (puisque le but est de renforcer l'équipe en recrutant des joueurs plus doués ou en formant des jeunes). Le mot d'ordre des Collyer et de leur équipe a toujours été "plus de réalisme". Au point que le jeu vire parfois à l'incompréhensible tant le joueur est submergé par les données.


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Football Manager 08, un match... spectaculaire

Le jeu de SI est peu spectaculaire: on s'est longtemps contenté de rendre des ronds colorés représentant les joueurs sur un terrain en 2D. Mais la question de la réalité représentée ne se pose pas moins. En effet, en lieu et place du modèle télévisuel, la série de gestion tire son esthétique de la presse écrite.

À première vue, Football Manager offre une vision plus large du monde footballistique qu'un PES ou un FIFA. Ainsi, loin des millions de Chelsea, le joueur peut choisir de diriger une équipe d'amateurs luttant contre la relégation, et préférer au football champagne un jeu ultra-défensif avec des milieux récupérateurs rugueux. Le jeu n'interdit pas non plus un certain cynisme dans la gestion de l'effectif: il est parfois utile de produire de jeunes joueurs dans le seul but de les vendre, de brimer un joueur pour le forcer à accepter d'être vendu à un autre club moins prestigieux. Mais FM n'échappe pas aux conventions ludiques. D'abord parce qu'il est toujours possible pour le joueur assez patient d'amener son club à la gloire... Même Boulogne-sur-Mer peut finir, vers 2020, par remporter trois Ligues des champions d'affilée en alignant une équipe de Ballons d'Or.

On retrouve la trajectoire classique du RPG* (jeu de rôles), qui récompense l'obstination du joueur en lui permettant d'accumuler les ressources. Malgré toute sa richesse, le moteur tactique est parfois capricieux et il ouvre la porte à des super-tactiques qui n'ont rien à voir avec la mise en place d'une vraie équipe de football. Ces limitations sont inhérentes au jeu vidéo, difficile de blâmer les développeurs. Mais l'esthétique médiatique adoptée par Sports Interactive est plus discutable. 


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Classements, statistiques, rapports d'entraînement: un expert comptable n'y retrouverait pas ses petits.

Les développeurs passent beaucoup de temps sur les rapports entre l'entraîneur et les médias. Il est indéniable que dans un club de haut niveau la présence médiatique est un impératif. Mais le jeu fait de cet aspect un point central. Par exemple, pour s'adresser à un joueur, la façon la plus simple reste encore de publier un communiqué de presse. Plus généralement, l'interface même du jeu reprend la présentation des quotidiens de sport. Habitué à lire les compte-rendus de match, à regarder les notes des joueurs, à consulter les pages de statistiques, l'amateur de football n'est pas dépaysé par Football Manager. Ce qui est reproduit, c'est encore une fois le football sport médiatique.



Terrain lisse

En confrontant le football vidéoludique et le sport dans sa pratique réelle on remarque un effet constant de lissage. On sait bien que les mass médias rendent une vision déformée de la réalité. Le sport de haut niveau doit être une activité noble, palpitant, épique. On évite de regarder dans les coins pour laisser au sport-spectacle son caractère rentable. Évidemment, il est parfois impossible aux "journalistes" de masquer certains aspects de la réalité: la tricherie, le dopage, la violence, le racisme se manifestent malgré les efforts de dissimulation. Tout l'art médiatique est alors de faire de ces phénomènes des exceptions et de jouer l'indignation. Ainsi, transformer le coup de tête de Zidane en élément dramaturgique, accabler l'infortuné pris dans un contrôle anti-dopage, profiter d'un incident raciste pour moraliser les supporters irresponsables, tout en continuant à vendre le rêve.

Les jeux vidéo n'ont pas à se confronter à pareils problèmes. Il leur suffit d'éliminer complètement tout ce qui briserait l'harmonie de la mise en scène. À la trappe les supporters nazis: le public est un amas de pixels silencieux. Le dopage n'existe pas, it's not in the game*. Les jeunes joueurs à qui on promet la lune durant leur formation avant de les rejeter parce qu'ils ne sont pas compétitifs? Perdus dans la base de données. Il n'y a plus que quelques joueurs noirs dans le championnat italien? Football Manager règle la question du racisme en  faisant apparaître au démarrage le logo de Kick it out, organisation luttant contre la xénophobie dans le monde du football. Initiative louable, mais déconnectée du jeu. Il ne faut pas s'étonner que les joueurs et leurs clubs soient disposés à prêter leur image.

Idéalisation ludique d'une idéalisation médiatique, le jeu vidéo de football est promoteur du fantasme footballistique qui fait vendre les maillots et les abonnements, au risque d'oublier une réalité qu'il prétend pourtant reproduire. On en viendrait à se demander s'il n'y a pas plus de réalité dans un titre parodique comme Speedball II: Brutal Deluxe (Bitmap Brothers, 1990, Amiga), représentation ironique du sport professionnel transformé en combat de gladiateurs.



Lexique
Arcade. issu des salles d'arcade, le jeu d'arcade tend à être immédiatement accessible et spectaculaire. Le joueur doit être capable de trouver ses marques en quelques minutes ; mais un bon jeu d'arcade peut demander des années de pratique avant d'être parfaitement maîtrisé. Dans le domaine du jeu de football, la jouabilité arcade va privilégier le jeu offensif, à base de passes improbables et de retournés acrobatiques, pour des scores-fleuve: 10 buts en 5 minutes, où est le problème tant qu'on s'amuse?

IA. Intelligence Artificielle, l'ensemble des routines de programmation qui dirige le comportement des adversaires et des coéquipiers.

If it's in the game, it's in the game. Prononcé avec l'accent yankee, on peut traduire par "si c'est dans le sport, c'est dans le jeu vidéo", slogan d'EA Sports, producteur de FIFA Football.

Jeu de gestion-management. Au contraire du jeu d'action qui plonge dans l'immédiateté, le jeu de gestion propose une approche plus abstraite de la réalité. On parle parfois de jeux pour experts comptables.

Micros 16 bits. Principalement l'Amiga et l'Atari ST, ordinateurs personnels dominant le marché domestique à la fin des années 80 et au début des années 90. 

Mouvements scriptés. Animations précalculées, que le joueur peut déclencher grâce à une combinaison de boutons, et qui permettent de reproduire la "spéciale" des stars du ballon rond.

RPG. Roleplaying Game, jeu de rôles. Genre majeur du jeu vidéo, avec des succès comme Final Fantasy ou World Of Warcraft, dont les mécanismes d'accumulation influencent tout le champ ludique. Le parcours est toujours le même: partir d'en bas pour arriver au sommet d'une échelle de puissance. On retrouve son influence dans le mode Ligue des Maîtres de PES, ou dans Football Manager.

Simulation. au contraire du jeu d'arcade, le jeu de simulation demande un temps d'apprentissage. Il privilégie la représentation méticuleuse du réel, s'attachant aux moindres détails.

Uncanny Valley. Notion théorisée par le roboticien Masahiro Morii en 1970, issue du concept freudien d'inquiétante étrangeté. Selon Morii, plus un robot ressemble à un humain, plus il lui paraît sympathique, jusqu'au moment où la ressemblance devient troublante au point de provoquer le malaise et la répulsion. Avec l'avancée des graphismes et de l'animation, ce concept devient opérant pour décrire la sensation qu'inspirent les personnages de jeu vidéo, à la fois si proches et si loin de l'humain.

Réactions

  • Loul le 17/04/2008 à 22h44
    4-4-2

    C'est tout de même aller un peu vite en besogne d'affirmer que tu ne verras pas le ballon 5 minutes en jouant arrière latéral !

    J'avais fait il y a quelques années cette expérience de jeu en "clan" pour un jeu multijoueur en ligne reposant sur des logiques de classe.
    On élabore des stratégies dans lesquelles chacun à un rôle et il y en a toujours des plus ingrats que d'autres, des moins valorisants à première vue mais qui sont indispensables à la réussite collective !
    (ça me rappelle les propos de Suaudeau sur Ouédec dans un vieux So Foot... un truc indispensable à lire malgré la retranscription pourrie).

    Pour Raspou ta question est à la fois impertinente et pertinente...

    Au delà de l'activité physique propre du sport, il y a un jeu, un affrontement qui repose sur des choix, sur une habilité...
    Si tu prends plaisir à aligner les lignes dans Tetris, pourquoi ne pourrait on en prendre en enlevant la simple dimension physique du football ?
    Il peut y avoir là une source de plaisir qui se suffit à elle même.

    Après de la supériorité de la pratique du sport lui même... il y a beaucoup d'éléments qui peuvent justifier que l'on puissent préférer s'adonner à l'un qu'à l'autre (mais on peut très bien aussi faire les deux...).
    L'élément tactique au football - pour ce que j'en sais - ne commence à généralement à prédominer que lorsque les équipes qui s'affrontent sont de niveau pas trop éloigné tant physiquement que techniquement.

    A faible niveau, avec des capacités physiques de fumeur invétéré aux artères bouchées, des pieds carrés, des articulations défaillantes, une constitution fragile, de jeunes enfants accaparants, une vie sociale dévorante, etc. cela peut devenir mission impossible de réunir les conditions pour tenter d'élaborer ce mouvement de renversement maintes fois repensé sur tableau noir qui fera du / des joueurs l'équivalent virtuel d'un nouveau Cruijf, le nouveau Sacchi !


  • 4-4-2 le 17/04/2008 à 23h10
    Loul
    Bien sûr je force le trait mais il faut reconnaitre que seuls des gens patients, matures et passionés peuvent manifester l'envie d'élaborer une telle organisation et d'y participer pleinement; en sachant que tu ne va pas claquer 3 buts dans la partie.
    Un tel jeu ne sera pas "grand publique" quand tu sais qu'une majeure partie des personnes qui les achetent ont entre 10 et 20 ans (no offence on y est tous passé).

    Maintenant je trouve potentiellement ce "projet" très très interessant. Il permettrait comme tu le dis de simuler un match avec les joies et contraintes d'une vraie partie de foot entre potes en mettant en avant l'esprit d'équipe.

    Après si tu me dis qu'on peut y rajouter des micros pour vanner l'adversaire ou son coéquipier tout en respectant les accords de Kyoto... je signe tout de suite.

  • Le_footix le 17/04/2008 à 23h16
    Si les parties de foot entre potes se font à 10 attaquants contre 10 attaquants, ça peut pas forcément être mauvais non plus. Counter-Strike est une modélisation d'un jeu de cache-cache de cour de récré, pas de la manoeuvre d'Hannibal à Cannes !

    On peut très bien, également, imaginer des serveurs où s'affronteraient des "clans" de joueurs beaucoup plus sérieux, réfléchissant à une vraie approche tactique et collective, etc...

    Bref du moment que l'outil permet une large liberté d'utilisation, il n'y a pas de raison que, comme dans la réalité, le foot n'y revête pas tous les aspects possibles et imaginables, du grand défouloir de récréation (score final 24-18 au bout de 2 heures avec 3 pauses pour boire) jusqu'à l'ultra-sérieuse finale de C1 Milan-Liverpool.

  • holybinch le 18/04/2008 à 09h28
    A noter : ce mode de jeu est disponible dans fifa08.
    Je n'ai pas essaye, mais ca me tentait effectivement.
    Bon, apres, j'ai une psp, donc pas top pour trouver les 21 autres gus (ou plutot 19, je vois mal quelqu'un jouer gardien)

  • Raspou le 18/04/2008 à 09h36
    Cerebus, c'est sympa de venir nous voir. Je me demandais de qui j'allais insulter la soeur ce matin.

    Bon, on accepte volontiers tes plates excuses concernant ce paragraphe "maladroit" où tu vantes la supériorité de KO et Sensi (que tu avoues connaître à peine, charlatan, va). 10 Pater, 10 Ave, le visionnage d'un match de Nancy et on n'en parle plus. Forez Tagada avait intelligemment décelé que là n'était pas le coeur de ton propos - faut dire qu'il n'a pas grand chose à faire d'autre de ses longues soirées stéphanoises que de se consacrer à la méditation. J'avais pour ma part bestialement deviné que c'était là-dessus qu'on pouvait te mordre le plus fort et le plus longtemps. Bref, passons.

    Revenons donc au reste de ton argumentation sur les jeux en direct. Je passe vite sur quelques points:

    - Le sport représenté est la pratique de haut niveau:
    Oui et non. Pour ne parler que de PES que je connais mieux que FIFA, tu as la possibilité de créer les joueurs, les équipes et les compétitions que tu veux (je m'étais fait une équipe de potes dans une des versions). Mais c'est vrai que globalement, on préfère tous jouer avec les "vraies" stars qu'avec Marcel Dupont... Mais est-ce propre aux jeux vidéo? C'est pareil dans les cours d'école.

    - Les stars du foot offensif sont mises en avant:
    Certes, mais là encore, en quoi est-ce particulier aux jeux vidéo? Ce sont les joueurs offensifs qui fascinent le public, il n'y a pas besoin pour cela d'un complot marketingo-médiatique. Ensuite, l'intérêt de la majorité des versions de PES est que, dans le jeu, justement, la défense est primordiale: par rapport à tous ces jeux où l'on gagne 9 à 8, PES est un jeu serré où il est primordial de bien défendre. C'est en ce sens qu'il séduit tant les "vrais" amateurs de foot, ceux qui ne cherchent pas à reproduire du pseudo joga bonito passement de jambesque mais à faire évoluer une équipe de manière équilibrée.

    - La question fondamentale du rôle du joueur se pose:
    OK, mais tu ne poses pas de question: c'est un paragraphe où tu fais un constat (le joueur contrôle tout à la fois), sans que ça aboutisse sur une conclusion, critique, interrogation, malgré le titre du paragraphe... C'est comme si tu disais: "le joueur d'Echecs peut bouger toutes les pièces de son camp, ha ha, ça pose une question fondamentale" et que tu en restais là. Ou que tu disais dans un diner: "Tiens, j'en connais une bien bonne" et que tu t'arrêtais avant de raconter ta blague.

    - Bon, les mouvements scriptés j'en ai déjà parlé et les spécificités de la jouabilité, certes, c'est indéniable, aussi sophistiqués soient-ils, les jeux ont toujours des failles. M'enfin pour qui a vécu l'évolution de ces 20 ans de jeux de foot, les progrès réalisés dans leur réduction sont quand même hallucinants. Je me suis refait un petit Euro sur PES 2008 (PS2) hier histoire de vérifier, il n'y a quand même pas un but marqué ou encaissé qui se ressemble dans sa conception ou sa finition.


    Très honnêtement, sur tous ces points-là, ton argumentation sonne un peu creux, on ne voit pas bien où tu veux en venir, ça fait un peu "je meuble autour de mon argument central". Ton argument central, lui, est intéressant, c'est celui que tu reprends dans ton post de réponse: "Les jeux de foot sont des idéalisations d'idéalisations." Là-dessus, je suis assez d'accord à quelques différences près:

    - Ta comparaison avec les jeux de guerre (faite dans ta réponse) ne tient pas: si un jeu de guerre imite un film de guerre, il imite une reconstitution fictionnelle (plus ou moins réaliste, là n'est pas la question); si un jeu de foot imite une retransmission télé d'un match, il imite la retransmission d'une activité réelle, ce ne sont pas des comédiens qui miment le foot qui sont sur le terrain (quoique dans certains cas...).

    - Ensuite, s'il est évident que les développeurs reprennent la mise en scène télévisuelle, tu sembles considérer ce fait comme en soi critiquable, sans laisser la possibilité qu'il corresponde juste à la satisfaction d'un besoin: s'il y a des ralentis après les buts (il y en avait déjà dans les jeux old school), ce n'est peut-être pas pour "faire comme à la télé" mais juste pour que le joueur puisse revoir son but? si la caméra généralement choisie est identique à celle que les télés privilégient (ou devraient privilégier s'il n'y avait pas tous ces gros plans insupportables), c'est peut-être celle qui permet le mieux de concilier vision globale du jeu et vision détaillée des mouvements des joueurs?

    Pourquoi ne jamais envisager l'hypothèse que les solutions retenues par les dév' ne le sont pas nécessairement par imitation servile mais pour privilégier le confort du jeu? Est-ce que ta volonté de présenter un discours critique ne finit pas par relever de l'a priori, avec au final le sentiment qu'on ne sait pas trop ce que tu critiques, qu'on ne sait pas trop ce que tu veux démontrer, mais que tu empiles des éléments disparates composant prétendument une argumentation cohérente qui se révèle plutôt semblable, à l'examen, à l'improbable pyramide du brocanteur chargeant sa charrette pour je ne sais quel vide-grenier de faubourg.

    Et sinon, ta soeur va bien?


  • Fleur y dîne à l'eau le 18/04/2008 à 09h39
    nard
    jeudi 17 avril 2008 - 10h21
    L'article me parait largement biaisé. Je suggère à tous les nostalgiques des procurer KO en emulation (merci google). Après 5mn, on comprends qu'il vaut mieux laisser les bons souvenirs au fond des tirroirs...
    ~~~~~~


    Oooooh. "Laisser les bons souvenirs au fond des tiroirs", ca me coupe la carotide de lire une chose pareille.

    Si je peux apporter ma contribution personnelle sur la question : les licences phares (Wining Eleven et FIFA) ne m'ont jamais vraiment enchanté et il n'y a justement qu'avec mon émulateur ZSnes ou ma (vraie et toujours fonctionnelle) SNES que j'arrive à avoir du plaisir dans une réprésentation vidéoludique du football, et ce grace au majestueux Super Soccer.
    Le plus grand jeu de football de l'histoire de la pixellisation.


    (mais je reconnais avoir eu ma période Kick Off sur Atari 520 STf aussi)

  • Raspou le 18/04/2008 à 09h47
    Ah oui, j'oubliais: qu'est-ce qu'il t'intéresserait de savoir sur les jeux de gestion en ligne type Hattrick ou Sokker?

  • cerebus le 18/04/2008 à 10h50
    Salut Raspou !

    Ca fait plaisir d'avoir un contradicteur qui te colle aux basques tel un Fernando D'Amico enragé (c'est un compliment) !

    Mes arguments cherchent à démontrer que le football que nous donnent les jeux n'est pas la réalité du football, mais la reproduction de son image médiatique. Après, mes articles sont plus des pistes de débat que des choses définitives : c'est l'intérêt d'écrire sur internet.

    Certes, ce n'est pas tout à fait pareil que la reproduction d'un film de guerre. Encore que les jeux de guerre se servent aussi de la guerre « télévisée », et qu'il y a un point commun entre un film et un reportage : ils restent des représentations, et c'est d'autant plus vrai dans un sport qui se veut spectacle comme le football de haut niveau. Il me semble qu'on peut comparer le lissage de la retransmission du match à celui produit par un film.

    D'ailleurs, la discussion qui a eu lieu sur ce fil va dans mon sens : jouer le rôle d'un seul joueur au sein d'une équipe, est-ce amusant ? Peut-être, mais cela paraît moins accessible... Qui va jouer arrière gauche ? Ou goal ? Pourtant ce serait infiniment plus proche de la « réalité » du football. Mais justement, le football ce n'est pas que la belle action, c'est aussi l'ennui du gardien de but, les entraînements, les matchs pourris...

    « OK, mais tu ne poses pas de question: c'est un paragraphe où tu fais un constat (le joueur contrôle tout à la fois), sans que ça aboutisse sur une conclusion, critique, interrogation, malgré le titre du paragraphe... C'est comme si tu disais: "le joueur d'Echecs peut bouger toutes les pièces de son camp, ha ha, ça pose une question fondamentale" et que tu en restais là. Ou que tu disais dans un diner: "Tiens, j'en connais une bien bonne" et que tu t'arrêtais avant de raconter ta lien

    Ca me paraît suffisamment évident pour ne pas à avoir besoin d'enfoncer le clou. Contrairement à des jeux où le joueur s'identifie à un avatar, dans le jeu de foot on est « l'équipe », c'est une position d'où on contrôle tout, et cela n'a rien d'évident.

    Si tu regardes attentivement, je commente dans le paragraphe suivant : si le joueur contrôle tout, c'est parce que le spectateur rêve de tout contrôler.

    « Pourquoi ne jamais envisager l'hypothèse que les solutions retenues par les dév' ne le sont pas nécessairement par imitation servile mais pour privilégier le confort du jeu? »

    Je ne pense pas avoir dit que l'imitation était « servile ». Par contre, plus qu'un confort de jeu, la présentation sert selon moi avant tout à satisfaire un fantasme. Celui de tout contrôler. Ce n'est d'ailleurs pas propre aux jeux de foot, c'est très fréquent dans les jeux vidéo. Ce n'est pas un mal en soit, encore faut-il en être conscient. Pas sûr que les développeurs le soient toujours, pas plus que les joueurs. Encore une fois, je critique juste l'idée selon laquelle ce qui est joué soit du football... Et pas du football à la télé.

    Le discours est critique parce que c'est l'angle de l'article. J'aurais pu parler du plaisir de jeu, mais il d'autres le feraient mieux que moi. Ce n'est pas comme si les articles vantant la profondeur de PES ou de FM manquent. De plus, l'article est écrit au départ pour un site destiné aux amateurs de jeu vidéo : le fait de les apprécier va de soi. Ce n'est qu'a posteriori que j'ai eu l'idée de l'envoyer aux CDFs, parce que je fréquente ce site depuis des années, et que certaines problématiques me semblaient coller à la ligne.

    Evidemment s'attaquer au saint PES est toujours risqué. Ca me semble pourtant pas inintéressant d'en regarder les mécanismes comme je le fais.

    Concernant Hattrick & co ben j'connais pas du tout, et comme j'aime apprendre des choses.

  • Tricky le 18/04/2008 à 11h12
    Raspou
    vendredi 18 avril 2008 - 09h3
    - Les stars du foot offensif sont mises en avant:
    Certes, mais là encore, en quoi est-ce particulier aux jeux vidéo? Ce sont les joueurs offensifs qui fascinent le public, il n'y a pas besoin pour cela d'un complot marketingo-médiatique.
    -------------
    Juste la-dessus : ca me semble proceder du meme genre d'argument que celui sur la linearite / complexite de FM.

    Et je m'insurge : Non, il y a des gens qui affichent des posters de john terry dans leur chambre, de la meme maniere qu'il y en a pour qui la variation sur l'entrainement de la semaine de leur milieu droit remplacant procure une satisfaction insoutenable.

  • JihaiR le 18/04/2008 à 11h21
    Cerebus>

    J'ai déjà joué arrière gauche* en "fixant" mon poste à PES (on jouait à 8 avec 2 démultiplicateur de manettes). C'est très chiant, et çà ressemble effectivement à la vraie vie. En tout cas, le développeur m'a laissé le choix de le faire, donc je ne comprends pas très bien tout le ramdam fait dessus.

    *je déconne, en fait, j'avais pris Ronnie et je lâchais pas le ballon. Mais ça reste un très beau, mais unique souvenir.

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