L'Italie est de retour
Comme l'Angleterre et l'Allemagne, l'Italie arrivait à l'Euro dans la panoplie de la grande nation en plein doute. Mais si les deux premières n'ont pas fait illusion bien longtemps, la Squadra a tout de suite remis les pendules à l'heure. Son match laborieux contre la Turquie a d'abord montré qu'elle n'avait pas perdu son sens du réalisme et sa capacité à s'arranger avec le destin (avec notamment l'envol de Pipeau Inzaghi dans la surface). Ses deux victoires suivantes contre la Belgique et la Suède laissèrent moins de doutes encore sur ses légitimes ambitions.
Assez tôt, certains observateurs avaient relevé qu'avec son bloc défensif, son milieu de terrain très dense et ses attaquants isolés, la sélection transalpine avait quelques airs de famille avec les Bleus de 98. L'analogie ne s'arrêtait pas là puisque les Azzurri suscitaient aussi des critiques dans leur propre pays et sortaient d'une longue période dénuée de titres et même de performances significatives.
A l'issue du premier tour, il était clair que l'Italie avait donc largement les moyens de se tirer de son quart contre la Roumanie, ce qu'elle fit assez aisément. Le vrai défi l'attendait en demi contre les Pays-Bas, qui arrivaient favoris dans leur stade d'Amsterdam, dans la foulée de l'atomisation des Yougoslaves (6-1). Mais très vite, la Squadra sembla vouer à l'impuissance ses adversaires qui perdirent leurs moyens au point de rater cinq penalties consécutifs. On reconnut là cette force très italienne qui allie une chance jamais totalement imméritée à une intelligence tactique inégalable. La défense fit admirer à Amsterdam sa science du placement aussi bien que son abnégation sans limites, donnant l'impression de s'amuser avec les attaquants hollandais comme une souris avec un chat.
Au moment d'affronter sa troisième formation très latine de suite, l'équipe de France savait exactement quelles allaient être les données du problème contre un opposant ressuscité et qui allait jouer ses chances jusqu'au bout. Et en effet, les Italiens exécutèrent parfaitement leur partition, fermant tous les accès au but de Toldo, mais aussi jouant plus haut et avec plus d'ambition qu'on n'en attendait. Un contre parfait avant l'heure de jeu, et le 1-0 ultra-classique de la victoire était assuré… La suite relève trop de l'irrationnel ou de la magie des champions du monde pour avoir une autre signification que celle d'un terrible coup du sort. On comprendra d'autant mieux la douleur d'une telle défaite que la France en a eu son lot, et cette Squadra a bien mérité le respect de ses vainqueurs… Même s'il y a quelque ironie à entendre aujourd'hui Cannavaro geindre sur le manque de fair-play des nouveaux champions d'Europe.
Au terme de l'Euro, l'avenir de l'équipe d'Italie est bien moins incertain qu'avant le tournoi. Une fois surmonté le cruel "syndrome de Kostadinov", elle pourra se projeter vers la prochaine Coupe du monde, plus forte de quelques certitudes et de son expérience, aussi malheureuse soit cette dernière, car les Italiens n'ont pas besoin de la victoire pour avoir la culture de la victoire. Il est désormais trop tard pour les Maldini ou Albertini, mais la génération des Nesta, Del Piro ou Totti prendra peut-être les revanches que n'ont pas su prendre ses devancières.
PS: Alors que le parcours de la sélection a été salué en Italie avec autant de tristesse que de respect pour elle, Silvio Berlusconi a cru bon d'accuser Dino Zoff de graves erreurs de coaching en mettant en doute son intelligence, parce que le sélectionneur n'avait pas assigné un joueur au marquage de Zidane. Pour information au patron du Milan AC et au leader crypto-fasciste et ultra-libéral de Forza Italia, si Zidane a fait un match en demi-teinte dimanche soir, c'est bien que le dispositif italien y était pour quelque chose… Berlusconi va passer devant la commission de discipline de sa fédération à la suite de ses propos, qui ont déclenché une belle polémique politico-sportive. Ça ne lui fera jamais qu'une procédure de plus.