Le Real et Zidane cultivent leurs légendes
La finale de la Ligue des champions faisait office à la fois de cérémonie de clôture de la saison européenne et de lancement officieux du Mondial 2002… Sans atteindre des sommets, elle a en tout cas permis à Madrid de sauver une saison qui aurait tourné au vinaigre en cas de défaite. Pour nous autres cocardiers, le seul enjeu du match était que nos deux internationaux en sortent intacts, et accessoirement avec le moral. C'est chose faite.
Programmé pour le triplé, le Real d'un centenaire assourdissant a failli échouer sur les trois tableaux et se ridiculiser avec la police d'assurance contractée pour payer les primes de victoire (Gazette 71)… Mais la Ligue des champions est taillée pour le Real (sur l'édition 2000, voir Une finale pour en finir) et le gros a logiquement mangé le petit, dans le style madrilène de la saison, fait de plus d'efficacité individuelle que de maîtrise collective. Le président Perez voit donc son pari réussir, car le succès marketing du transfert de Zidane n'aurait certainement pas suffi à légitimer son choix aux yeux des supporters si ces derniers avaient dû se passer de tout trophée. Nous devons donc ravaler notre secret espoir de voir les Merengue se planter pour nous railler du club symbole du foot business (voir Dream team, nightmare football). Mais le Real, c'est aussi une équipe qui a gagné neuf titres en C1 en offrant le spectacle de joueurs d'exception, comme en ce mercredi de mai. Parfois, il faut bien s'incliner.
A l'inverse, c'est donc le club de Klaus Toploser qui s'offre le record de trois échecs pour la plus paradoxale des saisons, vécue au plus haut niveau, mais sans avoir conquis aucun des titres placés à portée de main. Quelle idée aussi pour une équipe allemande de vouloir mieux jouer que son adversaire! Où est le mythe du froid réalisme germanique? Un bon vieux coup franc détourné et Glasgow se serait souvenu de 76.
On retiendra de la rencontre le coup de patte de Raul, cueillant à froid le Bayer, et le rapide retour des Allemands, puis leur domination. On se souviendra peut-être des deux singulières passes décisives de Roberto Carlos, la première sur une touche, la seconde sur ce centre lobé à la réception duquel Zidane eut le temps d'ajuster son placement. Les aficionados garderont aussi en mémoire les sauvetages de Casillas. Mais le moment du match ne pourra être que celui où la foudre est tombée sur Hampden Park. Avec un but qui atteint — dans de telles circonstances — au sublime, Zidane a conforté son statut de très grand. Il assure un peu plus sa postérité, car ce geste d'exception fait écho à ses deux réalisations du 12 juillet 1998.
Le meneur de jeu des Bleus va donc se présenter à la Coupe du monde dans des dispositions très différentes de la précédente édition. S'il avait à l'époque puisé dans l'échec de la Juve les ressources pour une revanche, il pourra cette fois s'appuyer sur l'euphorie d'un titre de champion d'Europe qui consacre la réussite de sa première saison madrilène… Le seul risque qui guette les tricolores est-il qu'ils pourraient être sevrés de victoires, du moins les plus titrés d'entre eux cette année (les Gunners en premier lieu)? Bon, ce n'est pas ça qui va réussir à nous inquiéter.