Bundesliga, an 40 (1). Notre chef de rubrique "étranger" entame une série allemande pour célébrer le quarantième anniversaire du championnat national. Et c'est bien sûr le Bayern, sans autre rival que lui-même, qui prend tout de suite la lumière…
Munich, août 2002. A quelques heures du coup d’envoi de la quarantième saison de Bundesliga, les jeux semblent déjà faits: le Bayern Munich, leader incontesté sur l’ensemble des 39 saisons déjà disputées, sera champion. Présent à ce niveau à 37 reprises, il cumule 696 victoires en 1262 rencontres, soit 151 de plus que son "dauphin" Hambourg, seul club présent dans l’élite depuis 1962 sans discontinuer. Surtout, le géant bavarois s’est retrouvé 450 fois en tête du classement, contre 151 pour le Borussia Mönchengladbach, qui est d’ailleurs son premier adversaire sur le chemin d’une conquête annoncée.
Objectif : gagner tout avec la manière
Le Bayern se prend pour un sprinteur dominant le 100 mètres, il ne se préoccupe plus de ses adversaires mais court seul contre le chronomètre. L’ambition est élevée: tout gagner, montrer du beau jeu, du spectacle… et faire oublier les polémiques de la saison dernière qui agitent encore gazettes et talk shows allemands. En clair, Ballack doit devenir l’icône du club et remplacer Effenberg, déchu de son statut de star emblématique pour ses propos méprisants sur les chômeurs. Gagner et plaire, faire de cette quarantième saison le résumé d’une domination, tel est le credo du Bayern. Les consignes données à Hitzfeld par le triumvirat Franz Beckenbauer, Karl-Heinz Rummenigge et Uli Höness, sont donc claires. Le Kaiser ne fait pas dans la fantaisie:
"J’ai l’espoir que nous serons à nouveau champions, et que nous irons loin en Ligue des Champions", déclare-t-il au magazine Kicker. Rummenigge semble laisser le choix:
"dans tous les cas, un titre, sans préférence". Pour Höness, "le Bayern est le favori absolu, il n’y a plus de discussion là-dessus". Hitzfeld quant à lui ne se dépare pas de son sérieux coutumier. Il sait que Ballack n’est pas encore intégré au groupe, que Mehmet Scholl peut douter, que Deisler est blessé, que la concurrence interne exacerbée peut miner le groupe. Mais cela ne l’empêche de déclarer sans ambages à la Franfurter Allgemeine Zeitung: "Le FC Bayern sera champion d’Allemagne".
Le Bayern est effectivement au centre et en haut du paysage allemand, et cela ne va pas sans jalousie… |
Les moyens de ses ambitions
Et il semble s’en être donné les moyens. Déjà l’an passé comme souvent, il s’était attaché les services de joueurs révélés en Bundesliga sous d’autres couleurs, comme le Péruvien du Werder au passeport italien, Claudio Pizarro (44 buts pour 86 matchs en Allemagne). Cette saison, 25 millions d’euros ont été dépensés pour les étoiles de Leverkusen, Michael Ballack et Zé Roberto, ainsi que pour le grand espoir du football allemand, Sebastian Deisler. Le montant de cet investissement ciblé sur des valeurs a priori sûres représente un quart du montant total des transferts de l’intersaison outre-Rhin. Le club bavarois est le moins touché par la crise et la chute de l’empire médiatique de Leo Kirch. Il en profite pour dominer le marché des transferts.
Ces nouvelles recrues devraient permettre au Bayern de hausser encore le niveau de son milieu de terrain, déjà impressionnant mais peu prolifique en buts et pas toujours en harmonie. En effet, l’an passé au Bayer Leverkusen, Ballack avait à lui tout seul marqué autant que l’ensemble du milieu munichois. Surtout, il sait être décisif dans les rencontres internationales (six buts en Ligue des Champions, neuf réalisations en vingt-huit sélections pour la Mannschaft). Peut-être ce qui a manqué au Bayern la saison dernière, même si ça n’a pas empêché Ballack de rentrer bredouille de ses trois finales. Si ce dernier apporte la garantie de plaire au public allemand, Zé Roberto devrait jouer le rôle du dribbleur et passeur enchantant les foules. En attendant la confirmation de Deisler. Pour Beckenbauer, il faut que les joueurs du Bayern jouent plus collectif, plus en mouvement que la saison passée, et ces nouveaux joueurs ont été recrutés à cette fin.
Une pression à la hauteur
La pression placée sur le club est forte. Déjà, des milliers de supporteurs assistent aux entraînements et s’arrachent les maillots des nouvelles stars (plus de 600.000 devraient être écoulés). Le Süddeutsche Zeitung, un des journaux de référence du pays, basé à Munich, résume la situation d’un titre révélateur:
"Zweiter? Verboten!" (Second? Interdit!). Le Bayern possède sur le papier la meilleure équipe de l’histoire de la Bundesliga, et n’envisage comme scénario catastrophe qu’une nouvelle troisième place garantissant tout de même l'accession à la Ligue des Champions.
Pourtant, à Orlandostrasse, dans la boutique des supporteurs du 1860 München, on refuse de se laisser impressionner par la voracité des puissants voisins, qui se promettaient aussi, l’an passé, de tout gagner, et notamment de devenir le premier club allemand à réaliser la passe de quatre titres consécutives. Ici, on espère être aux premières loges pour suivre le feuilleton d’un "FC Hollywood an der Isar", et voir cette belle mécanique s’enrayer une deuxième fois de suite. Sans trop y croire, et en espérant surtout éviter l’humiliante défaite 1-5 de la saison passée…