L'auto-flagellation, sport national
Les critiques précèdent toujours l’équipe de France. Tout le monde est prêt pour la contre-performance, la chute, l’échec. Comme pour les personnalités, sa rubrique nécrologique réactualisée est toujours écrite à l’avance, prête à sortir…
Les critiques précèdent toujours l’équipe de France. Tout le monde est prêt pour la contre-performance, la chute, l’échec. Comme pour les personnalités, sa rubrique nécrologique réactualisée est toujours écrite à l’avance, prête à sortir. On charge le mulet avant même la course.
Concernant la Coupe du monde, on entend ainsi la vox populi menacer qu’un échec serait inacceptable. Certains réclament que les Bleus affirment haut et fort qu’ils veulent la victoire finale, et ne parlons pas de la vindicte des 60 millions de sélectionneurs contre Jacquet: les sirènes miaulent au moindre match terne, humoristes et éditorialistes lancent les pierres avec la foule, lamentations et ironies se multiplient. Râles, critiques, mauvais augures... Il faudrait pour les faire taire que les tricolores remportent tous leurs matches amicaux en jouant à la perfection, et écrasent la CM de toute leur supériorité. Quand ce n’est pas l’équipe de France c’est la pelouse du Stade de France qui agite les ricaneurs.
Drôle de grand écart entre des exigences radicales et un soutien quasiment nul. Etonnant aussi cette faculté qu’ont tout ceux qui n’aiment pas le foot de vous sauter quand même sur le col pour chambrer: “alors, qu’est-ce qui s’est passé hier, ils sont vraiment nuls?”. Malgré les résultats des clubs français en coupe d’Europe depuis quelques années, on se prépare encore au rôle du petit qui va encore perdre. Les mêmes Cassandre prédisent l’inéluctable baisse de niveau du foot français avec les départs à l’étranger (pas étonnant que Guy Roux soit le chef de file de ces prophètes de malheur, fieffé menteur). Dans les tribunes de France, on maugrée, on vocifère, on “je vous l’avais bien dit”, on “Dupont démission”, on affûte les sifflets et on fait chauffer la joie mauvaise.
On pourrait multiplier les exemples de ce goût masochiste, moins pour la défaite que pour la séance d’auto-flagellation qui lui succède. Cette complaisance si répandue trahit un orgueil trop grand pour accepter la loi du sport : dans un championnat ou un tournoi, il n’y a qu’un vainqueur, et beaucoup de vaincus, il n’est pas totalement honteux de ne pas être celui-là. Demandons la manière et l’honneur, ce qui ne nécessite pas de mettre la pression sur la sélection en l’accablant de doutes, de complexes et de menaces.
Rappelons que c’est en Juin que l’on jugera, inutile de se gâcher le plaisir d’attendre en tirant à vue sur un sélectionneur qui ne changera pas d’ici là. Et puis, il n’y aura pas que l’équipe de France dans la vie du Mondial, nous ne sommes pas obligés de nous regarder le nombril comme des Américains.