La vidéo prouve tout (et son contraire)
Quelques exemples simples et arguments simples pour montrer que la vidéo n’est – tout simplement – pas la bonne solution pour l’arbitrage. [Attention, cet article demande au lecteur un peu de bonne foi]
Que voyez-vous ?
Certains verront un canard. D’autres un lapin. Car c’est le fameux canard-lapin: on ne peut pas voir les deux en même temps, mais on peut voir l’un ou l’autre. Plus exactement, on peut "vouloir voir" l’un ou l’autre.
Maintenant, que voyez-vous ?
Eh bien, c’est la même chose: on peut vouloir voir que le défenseur percute violemment Pogba, et on peut vouloir voir que Pogba en rajoute (quelques instants après un premier mouvement causé par l’impact, un second n’est provoqué par aucune cause extérieure: une décision de Pogba a eu pour effet d’accélérer et d’accentuer le mouvement). Au Honduras, ils voient un coup d’épaule qui ne faisait pas nécessairement tomber Pogba, et ils le prouvent avec ce gif qui prouve aux français qu’il y a penalty.
Autre exemple, plus ambigu encore, mais aussi plus banal:
On peut vouloir voir que Diego Costa en a rajouté, et même estimer qu’il n’y a "rien", et on peut vouloir voir qu’il y a croche-pied. Ce sont les lois de la perception, c’est comme ça: percevoir c’est interpréter. C’est comme l’adolescent qui croit percevoir les signes qu’il plaît à une nana, alors qu’il n’en sera jamais que le meilleur ami.
À partir de là, les opposants à l’arbitrage vidéo ne sont pas des réacs ou je ne sais quoi, mais des sceptiques qui s’expriment tout simplement après avoir lu les règles du foot, où il est question d’arbitrer en interprétant (volontaire? dangereux?). La vidéo n’aide donc pas l’interprétation. Elle se déguise parfois en observateur objectif, mais elle se déguise généralement mal – vous pouvez d’ailleurs faire confiance aux joueurs pour chercher le contact qui permettra à la vidéo de "prouver" le contact en l’enregistrant. "Objectivement il y a contact", fera-t-on dire à la vidéo. On n’aura rien dit.
La Goal Line Technology n’est pas un "arbitrage vidéo". Au football, "arbitrer" veut dire "interpréter". Savoir si le ballon a franchi la ligne ou pas ne "s’interprète" pas, et on peut donc bien avoir une technologie pour ça. En revanche, tout le reste s’interprète. Et pour être bien interprétée, l’action litigieuse est mieux interprétée si elle est perçue par un témoin direct, mieux situé pour évaluer les chocs, la nervosité, l’intensité, le caractère délibéré, dangereux, etc. – et mieux à même, donc, de formuler une interprétation (qui reste contestable, mais c’est justement parce qu’on pourra toujours contester qu’il faut un mec qui prend la décision. Le mieux placé, tant qu’à faire. L’arbitre, quoi.).
La vidéo n’a que son œil plat, et il ne montre pas mieux – le ralenti du coup de tête de Pepe a-t-il "prouvé" le coup de tête, ou l’a-t-il atténué?
Un peu de bonne foi: vous pouvez vouloir voir les deux, comme vous pouvez choisir la face sur laquelle est posée le cube de Necker – parce que telle sont les lois de la perception, dès qu’il est question d’interprétation: il faut de la subjectivité pour voir "quelque chose". L’objectivité voit douze traits: