La lutte des classements
On s'est beaucoup affligé de la 27e place de la France au classement FIFA. Mais au fait, ce dernier mesure quoi, comment... et pourquoi?
En France, on n'a découvert la véritable utilité du Classement FIFA que très récemment, au travers de deux actualités liées d'un lien logique: d'abord la série de défaites des Bleus contre des nations mal classées (Chine, Afrique du Sud, Biélorussie...) dont le rang fut à chaque fois rappelé avec insistance pour signifier la déchéance nationale, ensuite l'annonce de la mise à jour de septembre, avec la 27e place "historique" de la sélection.
L'indice de la honte
Tout à coup, après avoir longtemps été accueilli d'un simple "C'est n'importe quoi ce truc", l'indice acquiert force de vérité et est invoqué à tout bout de champ, comme s'il fallait nous enfoncer un peu plus dans notre misère. Qu'on se le dise: la France traîne à distance de l'Égypte (9e), de la Slovaquie (16e), des Etats-Unis (18e) ou de la Suisse (21e).
Il est vrai que publier un classement quel qu'il soit, dans ce cas avec la caution officielle de la confédération mondiale, a toujours un effet un peu magique, a plus forte raison dans une société littéralement gouvernée par les "baromètres" d'opinion et les palmarès en tout genre. Personne ne se questionne sur la méthodologie, ni même sur son intérêt. Qu'est-ce donc, en effet, qu'un classement d'équipes... qui ne participent que partiellement et ponctuellement à des compétitions communes et qui, pour la plupart, ne se rencontrent pas entre elles? Quelle est cette course fantôme à laquelle elles prennent ainsi part? Comment s'y prend-on pour additionner les pommes et les carottes?
Classement virtuel
Comme il fut récemment fait mention des années trente pour retrouver pareille série noire de l'équipe de France, on pourrait croire que son record à l'envers est établi sur une longue période. Le Classement FIFA n'existe pourtant que depuis 1993, et il a été réformé en 2006 avec un nouveau système de calcul – notamment en raison des critiques sur son caractère fantaisiste et excessivement alambiqué. Depuis lors, ce sont les résultats des quatre dernières années qui sont pris en compte (et non plus huit), sur les recommandations d'un groupe de travail qui "a élaboré, en prenant en compte aussi bien les critères sportifs (réalités du football mondial) que les critères statistiques, une nouvelle base de calcul simplifiée".
Ainsi, les items du nombre de buts et des bonus pour les victoires à l'extérieur ont été supprimés. Reste un barème tenant compte du résultat (1), du niveau de l'adversaire (selon.... son classement FIFA), de "l'importance" du match (de un point pour une rencontre amicale à quatre pour un match de Coupe du monde), de la "valeur régionale" (une pondération par confédération) et du nombre de matches par an (pour le détail, lire les précisions de la FIFA).
Emballé, c'est pesé
L'intérêt de tout ça? "Connaître sa valeur, savoir si l'on a progressé", avance la FIFA. Mais progressé à quoi... sinon au classement FIFA, exemple typique des indices qui ne mesurent qu'eux-mêmes? C'est encore l'institution de Sepp Blatter qui répond implicitement: "Le classement est devenu un élément clé du journalisme sportif international". En d'autres termes: les médias reprennent massivement cette "actualité" devenue rituelle et qu'il n'est pas besoin de questionner sous l'angle d'une éventuelle autre utilité que celle... consistant à alimenter les flux torrentiels d'information. En boucle, donc.
C'est le moment de rappeler que la Classement FIFA est dûment sponsorisé par une célèbre-boisson-gazeuse qui y trouve l'occasion d'un peu d'exposition médiatique mondiale. Le classement n'est finalement qu'un sous-produit de plus sous licence de la FIFA, dont l'intérêt est à peu près équivalent à celui de la valise sponsorisée par une marque de faux luxe emballant désormais le trophée de la Coupe du monde.
(1) Les points sont attribués comme dans un championnat: trois pour une victoire, un pour un match nul, zéro pour une défaite.