La Gazette, numéro 56
Guerre mondiale UEFA-FIFA
La saison n'aura pas seulement été marquée par les affaires de faux passeports, la réforme des transferts, la résurgence du dopage ou la défaite de Calais en Coupe de France. Elle fut aussi celle de la grande brouille entre l'UEFA et la FIFA, les deux pouvoirs majeurs du foot mondial. La faillite d'ISL-ISMM est venue à point nommé pour donner à Lennart Johansson l'occasion de ruer dans les brancarts et d'attaquer son probable futur adversaire dans la campagne pour l'élection du président, l'année prochaine après la Coupe du monde. Ce seraient des retrouvailles, puisque Blatter avait été intronisé au nez et à la barbe du Suédois en 1998. Celui-ci a attendu assez longtemps un vrai faux-pas, les lubies du Suisse pour une Coupe du monde tous les deux ans ne pouvant en tenir lieu. La subite mort financière du "numéro un mondial du marketing sportif" et sa cohorte de révélations subséquentes lui a donné l'occasion de sonner la charge et de multiplier les suspicions sur d'éventuelles malversations au profit des dirigeants de la FIFA. La découverte d'un compte caché d'ISL en Suisse a nourri les rumeurs, et les "questions" indélicates de l'UEFA lors du dernier Comité exécutif de la confédération mondiale (voir La Gazette 54) ont aggravé les tensions.
Le ton est donc monté d'un cran avec la réplique de Blatter et de ses partisans qui ont parlé de "chasse aux sorcières" menée par Gerhardt Aigner. Les dénégations outragées de Johansson n'ont évidemment rien arrangé, et le prochain Comité exécutif de la FIFA, le 5 juillet à Buenos Aires, se déroulera dans une ambiance plus délétère que celle des faussement explosives assemblées de notre Ligue. Dans la foulée se tiendra un congrès extraordinaire importantissime, supposé promulguer le nouveau règlement des transferts….
Paris déjà déçu?
Le PSG Circus ne fait jamais relâche. Après la joie un peu honteuse d'une qualification en Intertoto sortie du chapeau, voilà que tout le monde se rappelle du règlement de l'UEFA contre la multipropriété des clubs. Edicté au moment où certaines multinationales se voyaient constituer des cartels en Europe (comme Enic, alors intéressé par les Girondins de Bordeaux), ce dispositif a été un peu oublié, preuve que ses vertus dissuasives ont été efficaces. Les grands groupes ont dû déployer autrement leurs investissements. Ainsi a procédé Canal-Vivendi, mais en gardant le contrôle du Servette…
Laurent Perpère affirme que le club connaissait parfaitement cette difficulté, ce qui indiquerait qu'une solution radicale (cession des parts du Servette) ou de circonstance (cession temporaire des parts du club suisse) est déjà en place. Sinon, le PSG devra se contenter de purger les matches de suspension du Parc…
Dans tous les cas, notre fleuron de l'industrie de la communication a bien mal placé ses pions sur l'échiquier du boursicotage footballistique, et se retrouve dans un cas de figure particulièrement absurde.
Epilogue (suite)
Après le verdict, les dirigeants de club y sont allés de leur commentaire éclairé sur la décision du Conseil d'Etat, les uns pour s'en féliciter, les autres pour prendre ombrage de l'un ou l'autre aspect de l'affaire. On ne les avait jamais autant entendus depuis le début du scandale... Ruello incarne la dissidence rennaise en critiquant le "pas vu pas pris" qui profite à certains tricheurs, Bobin, Aulas, Hamel ou Roux ont rivalisé de sagesse et les premières déclarations, assez neutres, de Christian Larièpe ont peut-être marqué le début d'une nouvelle phase pour les Verts. Bien entendu, les Toulousains se tirent dans les pattes, de Giresse à Rubio en passant par Couecou (qui obtient une cote de sympathie calamiteuse partout où il passe).
Attention tout de même au classement trop rapide des dossiers. Celui dit "des faux passeports" connaîtra ses plus spectaculaires révélations au cours des instructions et des procès à venir. On n'a donc pas tout à fait fini d'en parler.
Encouragées par Marie-George Buffet (qui a l'immense mérite de ne pas désespérer de ce petit monde), les instances sportives se sont engagées à harmoniser et moderniser leurs règlements. La ministre a exprimé son souhait de "règlements et de procédures explicites, rigoureuses et respectant les principes généraux du droit", soit un idéal totalement inverse à l'incohérence qui a prévalu cette saison. Un mal pour un bien diront les plus optimistes.