La Gazette : 23e journée
Les positions en tête se sont jouées dans les dernières minutes des rencontres: alors que l'OL ne marque qu'un point suite à l'égalisation des Auxerrois à Gerland (90e), les poursuiteurs lancent des attaques – façon de parler, s'agissant des Girondins, qui reprennent deux points au leader en battant Strasbourg sur le fil (90e+3), tandis que le Paris SG laissait la victoire aux Niçois à la 88e minute. Les Lillois et les Toulousains n'ont, eux, toujours pas ouvert la marque à l'heure où nous mettons ligne.
Derrière, le RC Lens et Monaco s'étant partagé les points, Marseille, Saint-Étienne et Rennes n'en ayant glané aucun, c'est Le Mans qui se recale au chaud.
Si la course à l'Europe donne l'impression de se décanter à l'avant de ce peloton, à l'arrière, Nancy, Nantes et Nice recollent d'un même élan, laissant Toulouse, Troyes et Sochaux avec l'air un peu bête. Les Doubiens ont toutefois regonflé leur moral et leur différence de buts avec une nette victoire face aux Verts.
Du coup, la triplette de queue semble un peu plus devoir abandonner ses illusions, même si les Corses se sont remonté le moral.
Les résultats de la journée
Sochaux-Saint-Étienne : 4-0
Ajaccio-Marseille : 3-1
Bordeaux-Strasbourg : 2-1
Nice-Paris SG : 1-0
Lyon-Auxerre : 1-1
Toulouse-Lille : 0-0
Lens-Monaco : 1-1
Metz-Nantes : 1-4
Troyes-Le Mans : 1-3
Rennes-Nancy : 0-2
Yepes sur la corde à linge
Tout le monde s'accordera pour dire que Mario Yepes est un excellent défenseur, précieux pour le PSG. Il a pourtant sa bête noire. Une grande. Cela fait en effet deux fois cette année que Sammy Traoré le ridiculise presque. La première fois, lors de la 5e journée au Parc des Princes (victoire de Nice 2-1), le défenseur niçois avait pris le dessus sur son homologue colombien – lequel s'était suspendu à ses basques au lieu de disputer le coup franc de Vahirua, qu'il aurait pourtant parfaitement pu jouer de la tête. La seconde samedi dernier, donc, au Stade du Ray, où le Parisien a (faute de pouvoir le plaquer) laissé Traoré débouler au travers de la défense du PSG pour inscrire le but de la victoire.
Le désarroi de Yepes, qui devrait peut-être reconsidérer ses techniques de marquage sur coups de pied arrêtés, a culminé avec l'excuse éventée du coup de sifflet parti des tribunes. Celui-ci ayant retenti une fraction de seconde avant la tête de Traoré, il ne suffira pas à justifier l'immobilisme de la défense parisienne. On y verra plutôt une variante originale de ce réflexe commun à presque tous les défenseurs, consistant à chercher une excuse à l'instant même d'un but encaissé, généralement en levant les bras, à tout hasard, pour signaler un hors-jeu ou une faute imaginaire...
André Luiz vs Andrée-Louise
"Il se transforme inexplicablement en joueur de football une fois par an contre l'OM". Ainsi décrivions-nous, dans le n°20 des Cahiers, le "point faible" d'André Luiz dans la course au Ballon de Plomb 2005... Le Brésilien s'est attaché à confirmer cet adage samedi après-midi au Stade François-Coty, contre son ancien club. Passes décisives, hyperactivité dans l'entrejeu, remises intelligentes, dribbles en finesse : le joueur a semblé vouloir démontrer ce dont il est théoriquement capable – des qualités qui lui ont valu de transiter par l'OM et le PSG avant de venir s'éteindre en Corse.
Les Marseillais peuvent donc rager, et se replier derrière l'argument connu, selon lequel leurs adversaires jouent à bloc de motivation contre eux. C'est l'inconvénient d'un statut de "grand club" maintenu en dépit d'un palmarès resté vierge depuis des années. Car des équipes surmotivées contre une formation redevenue moyenne ont effectivement de grandes chances de l'emporter. André Luiz a d'ailleurs simplement été au diapason de ses coéquipiers, eux aussi survoltés. Lucas a marqué des deux pieds, c'est dire, et De Faria a même cadré plusieurs frappes. Inscrire trois buts, pour la plus mauvaise attaque de L1, c'est le signe qu'il s'est passé quelque chose. L'épisode confirme en tout cas que l'engagement des joueurs est un critère décisif pour l'obtention des victoires. De quoi, hélas, conforter les théoriciens de "l'agressivité dans le bon sens du terme" et les philosophes du mouillage de maillot.
S'endormir dans les bras de Phocée
"L’OM va savoir" titrait justement L’Équipe vendredi matin, à l’orée d’une série de six matches jugés suffisamment accessibles pour espérer une remontée intéressante vers les places d’honneur (Sochaux, Toulouse, Nice à domicile, Ajaccio, Troyes puis Metz à l’extérieur). Pour une fois, l’équipe marseillaise faisait la une sans chaude actualité sportive ou extra-sportive. Une manière de dire que le club était – enfin – rentré dans le rang?
La partie livrée samedi après-midi a surtout montré que, malgré les bonnes intentions montrées par l’équipe – aussi bien sportive que dirigeante – depuis le début de la saison, le club semble condamné à répéter inlassablement le même scénario : abandonner ses prétentions européennes en laissant filer des matches jugés faciles contre les mal classés après avoir livré des partitions très honnêtes contre les meilleurs équipes du championnat. La colère de Fernandez tient au moins autant à ce sentiment qu'au comportement de ses joueurs. Le scénario est tellement prévisible qu’on s’attend à ce que l’OM fasse un parcours exaltant en coupe d’Europe, suffisant pour enjoliver une saison remplie de regrets par ailleurs.
Ribéry modère ses fans
Cette rencontre a aussi confirmé une tendance de ce début d'année: Franck Ribéry est en nette perte d'influence, au point d'avoir été complètement étouffé par le pressing ajaccien (et de s'être fait subtiliser des ballons par André Luiz). En Corse, c'est Samir Nasri qui s'est mis en valeur, y compris après son repositionnement dans l'axe, multipliant les percussions et les ouvertures judicieuses. Après l'emballement de fin 2005 (voir Ribéry, champion d'automne), les médias hésitent encore à se démentir de façon trop voyante et peinent à simplement signaler la banalisation actuelle du principal animateur du début de saison marseillais. Étant donnée la débauche d'énergie consentie par l'ex-Messin, cette baisse de régime était pourtant prévisible... Et pour ne rien lui retirer de ses qualités, soulignons qu'elle coïncide avec le médiocre parcours 2006 de son équipe.
Lille, des recettes éprouvées
Yves Colleu, l'ancien adjoint de Paul Le Guen déclarait cette semaine dans L'Équipe que les Lillois devaient compter parmi les favoris pour le podium. Dans ce haut de peloton dont personne ne se détache, ce sont les prestations à l'extérieur qui font stagner des Lillois quasiment invincibles à "domicile". Si la victoire à Gerland fin 2005 ressemblait à un exploit, elle est plutôt l'illustration d'une position de réel outsider. Avec le deuxième meilleur goal average (obtenu par la deuxième attaque et la troisième défense), il n'y a rien de si surprenant. Surtout, ce qui impressionne encore aujourd'hui, c'est cette gestion exceptionnelle du turnover dirigé par Claude Puel,qui met en valeur le potentiel du groupe nordiste. Dépossédés de Sylva, Makoun, Acimovic, Tavlaridis et Dumont, puis de Gygax dans le cours du jeu, les Lillois ont disputé comme à leur habitude un match sérieux, avec une équipe a priori plus faible que celle qui s'était écrasée quinze jours plus tôt sur la bête noire troyenne (équipe qui avait réussi à lui placer deux des trois buts encaissés en déplacement). Enfin, à l'image de l'OL, le LOSC varie les buteurs : six Lyonnais à plus de trois buts, contre cinq à Lille... Il y a pire référence..
Lens en stand-by
Après être resté prostré en position d'outsider pendant de nombreuses semaines, le RC Lens avait fini par sortir en tête de la demi-douzaine d'équipes potentiellement européennes en glanant le poste de dauphin de l'OL à la trêve. De quoi nourrir quelques ambitions, d'autant que les Nordistes s'étaient également emparés du record d'invincibilité que détenait jusque-là le leader, avec un enchaînement de dix-huit matches sans s'incliner.
Deux nuls et deux défaites plus tard, les Lensois sont retournés dans l'anonymat et occupent désormais la septième place, à sept de Bordeaux, actuel dauphin. Le changement est radical : impossible à battre, l'équipe artésienne s'avère cette fois incapable de gagner depuis le début de l'année civile. Son nombre record de matches nuls la pénalise sévèrement au classement (Auxerre, battu 7-0 à Bollaert, et qui s'est incliné à huit reprises, compte cinq points d'avance). À croire que les Lensois entendent concurrencer les Girondins de Bordeaux de la saison dernière, auteurs également de treize matches nuls au même stade de la compétition l'an dernier, et qui avaient eux aussi calé à la trêve après une bonne première demi-saison.
Pourtant, la comparaison devrait s'arrêter là. Malgré une contre-performance notoire, mais toute théorique, contre Nancy (l'une des équipes les plus sous-estimées de ce championnat quant à la qualité de son jeu), les Nordistes ont également dû affronter quelques-uns de leurs concurrents directs avec des matches contre l'OM, Monaco et Auxerre. Un rude calendrier, donc, et d'honnêtes performances sportives, avec une grosse partie à dix contre onze au Vélodrome, et une domination générale des Bourguignons lors de la rencontre disputée à l'Abbé-Deschamps. Difficile de croire que l'équipe la plus solide et la plus régulière de la première moitié de championnat puisse continuer ainsi à chuter dans les semaines qui viennent. À moins qu'il ne s'agisse en fait d'un dégât collatéral lié au départ de Jérôme Leroy...