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Interdictions de déplacement : quand les médias s'ouvrent aux parcages fermés

Étude – Comment le traitement médiatique des arrêtés d'interdiction de déplacement, point de cristallisation des tensions entre supporters et autorités, a-t-il évolué ? 

Auteur : Jérémy Nédélec le 3 Août 2021

 

 

Ce texte rend compte d'un mémoire de master Staps obtenu à l'université Rennes-2.

 

* * *

 

Quand la fête s’arrête avant le stade… Le 14 juillet dernier, les fans du FC Nantes, indésirables à Pornic sur décision de la préfecture de Loire-Atlantique, n’ont pas pu assister à la première sortie estivale de leur équipe. Énième exemple d’un outil à la légitimité compromise tant il est brandi à tort et à travers.

 

Les dispositifs d’interdiction et d’encadrement des déplacements des supporters furent créés en 2011 pour prévenir les troubles graves à l’ordre public lors des manifestations sportives. Problème : ces mesures censées être exceptionnelles sont devenues monnaie courante, avec 125 arrêtés en 2018-2019 contre 39 en 2014-2015 selon la DNLH (Division nationale de lutte contre le hooliganisme).

 

 


photo ogcnice.com

 

Un sujet sorti du silence

L’évolution du regard porté par la presse française sur cette thématique est doublement intéressante. C’est d’abord un sujet d’actualité, marqué par les tensions entre désir de sécurité et préservation des libertés et, chez les groupes de supporters, entre culture de l’altérité et recherche de légitimité – sur fond de stigmatisation.

 

La question est liée à d'autres dans l'espace public, comme la gestion des manifestations et des rassemblements musicaux. En étudiant la gestion policière du hooliganisme en Europe depuis la fin des années 1990, la juriste, criminologue et maître de conférences à l’université Paris-Sud Anastassia Tsoukala a mis en exergue la "perception globalisante de la menace" dans l’appréhension des défis sécuritaires.

 

L’analyse d’un corpus d’une centaine d’articles de presse, éclairée par des entretiens avec des supporters de football (dont certains ultras) et des journalistes de sport montre que la problématique des restrictions de déplacement est peu à peu sortie des tribunes et du silence.

 

 

 

 

Cette émergence, qui ne s'est pas produite sans un temps de latence, a été favorisée par les mobilisations et un travail de réflexion mené entre les champs supportériste, politique, et médiatique – travail qui ne demande qu’à être concrétisé sur le terrain.

 

Les interdictions et encadrements de déplacement des supporters ont, pour près de la moitié du corpus, été traités par la presse quotidienne régionale, conséquence probable du large maillage territorial de cette dernière.

 

La tendance est à une couverture médiatique croissante en volume, mais aussi plus qualitative – notamment en raison d'éclairages sollicités auprès de sociologues. Au fil des années, le sujet s’est bien constitué en problématique médiatisée.

 

Toutefois, 96 des 101 articles collectés ont été publiés à partir de la saison 2015-2016, durant laquelle le nombre de mesures répressives s’est envolé (104 arrêtés, dont 71 préfectoraux). L’intérêt journalistique pour le sujet n’a donc véritablement émergé que quatre ans après la création de ces dispositifs.

 

Des supporters plus écoutés

Le climat sécuritaire dû à la lutte contre le terrorisme et à l’organisation de l’Euro 2016 en France a constitué l'arrière-plan de la montée de cette préoccupation. Le délai, lui, apparaît résulter d’une contextualisation politique tardive de la thématique, qui l’a empêchée d’être visible, considérée et donc potentiellement traitée.

 

"Ce n’est pas un sujet intéressant pour un journaliste", affirme (et regrette) par exemple Jean-Guy Riou, président de l’Union des supporters stéphanois – un groupe réunissant les amoureux des Verts d’un peu partout en France.

 

Si le constat dressé nuance ce sentiment, ce dernier en dit long sur le silence perçu par beaucoup de supporters, qui ont patienté avant que les dérives des mesures qu’ils jugent liberticides ne soient mises en lumière – seulement lorsqu'elles ont été appliquées à d'autres populations, comme celles des "Gilets jaunes" ou des quartiers populaires.

 

Mieux structurés dans leur communication, les supporters ont vu leur poids médiatique croître à hauteur de 40 % des sources directement interrogées par la presse. De quoi tempérer la thèse du sociologue Érik Neveu, selon laquelle les routines professionnelles des journalistes les amènent à se tourner préférentiellement vers des sources officielles.

 

À rebours des rivalités supportéristes, cette attention a été favorisée par la logique de fédération à l'œuvre entre différents groupes à l’échelle nationale, via l’ANS (Association nationale des supporters). C’est ce qu’explique Éric, responsable des déplacements au sein du groupe Tribune Nord Sochaux :

 

"Nous travaillons avec l’ANS, dont nous sommes membres. Nous essayons de trouver des alternatives, de contester au maximum. Si nous le faisions tout seuls dans notre coin, ça n’aurait pas un impact énorme, mais nous usons d’actions intergroupes, communes. Nous sommes entourés d’avocats, de personnes qui ont des connaissances juridiques importantes."

 

Les préfectures sont l’autre source principalement mobilisée, à hauteur de 43% des propos cités par les articles étudiés.

 

En revanche, la LFP et la FFF brillent par leur absence. De quoi susciter encore plus de réprobation à leur encontre dans les gradins, surtout lorsqu’elles vantent, pour promouvoir leur compétition, une ferveur qu’elles sont moins enclines à défendre ouvertement quand les parcages visiteurs se ferment.

 

Un sujet en voie de politisation

Le sujet a également pris corps grâce au travail de dialogue engagé au sein de l’Instance nationale du supportérisme (INS), organe du ministère des Sports mis en place en 2017. L'INS va par exemple mener un travail sur le modèle allemand des fanprojekte, ces structures publiques indépendantes qui épaulent les supporters tout en leur offrant un accompagnement social.

 

Le dossier a par ailleurs bénéficié de l’intérêt de certains députés. La nécessité d’une réaction de la part du pouvoir législatif est clairement formulée dans le rapport d’information sur les interdictions de stade et le supportérisme présenté par Marie-George Buffet (PCF) et Sacha Houlié (LREM) à l’Assemblée nationale en 2020:

 

"Nous pensons que le temps du contrôle parlementaire est venu. Nous aurions même préféré qu’en sa qualité de garant des libertés fondamentales le Parlement se saisisse de cette question avant que ne naisse, chez de nombreux supporters, le sentiment d’être des citoyens de 'seconde zone' auxquels s’appliquent des lois d’exception."

 

Les rubriques football paraissent, aujourd’hui, moins étanches aux problématiques de teneur politique. Outre un renouvellement générationnel dans les rédactions qui a pu y contribuer, on observe des prises de position qui, sans s’affranchir du respect des faits, questionnent la propension des pouvoirs publics à alimenter eux-mêmes des dynamiques de tension susceptibles d'engendrer des violences.

 

Cette sorte d’inversion du stigmate s'exprime à travers une liberté de ton, des traits d’humour ou des sarcasmes. Parfois même avec l'emploi, assez rare pour être relevé, du "nous", comme dans cet article de La Provence intitulé "Est-il interdit de supporter l’OM?"

 

En 2016, le quotidien décriait, après une énième interdiction de déplacement des supporters de l'OM, les justifications invoquées par les arrêtés. L'article évoquait "une logorrhée administrative à mille lieues des réalités du terrain (et de nos observations sur place toute l'année) qui s'apparente, au vrai, à une solution de facilité".

 

Un traitement rééquilibré

En s’intéressant aux modes de cadrage du sujet par les journaux, on peut dégager deux "panoplies" : celle de la menace et celle des libertés individuelles. La "panoplie" est, selon Érik Neveu, "un cadre interprétatif destiné à donner sens à un problème et à des évènements" [1].

 

Ainsi, la problématique de la défense des libertés des supporters a nettement gagné en exposition. Des dizaines d’articles soulèvent la difficulté de se déplacer pour suivre son club de cœur sous les contraintes de la surveillance. Ils soulignent aussi la nécessité d'un dialogue constructif avec les autorités et d'une appréhension des supporters en tant qu'acteurs à part entière, sinon de la gouvernance, du moins de l’écosystème des clubs.

 

Il reste que la figure du supporter comme une menace potentielle demeure partiellement présente dans les écrits. S’il convient de rappeler que le fort antagonisme de certaines rencontres justifie des précautions légitimes, l'insistance sur les dispositifs sécuritaires tend à dépeindre un décor anxiogène, a fortiori quand s’ajoute le rappel d’incidents parfois anciens sur un registre presque prophétique.

 

En définitive, les progrès de cette médiatisation semblent loin d’être suffisants pour balayer les stéréotypes. Les supporters pointent ainsi du doigt le faible écho qu’ont, selon eux, leurs initiatives caritatives ou solidaires.

 

D’autant que, sur le plan de l’image, les arrêtés fonctionnent un peu comme un cercle vicieux, estime Éric, le supporter sochalien cité plus haut: "Les gens vont se dire que s’il y a une restriction, une sanction, une interdiction de déplacement, cela va être justifié parce que s’il y a ça, c’est bien qu’il y a quelque chose qui s’est passé auparavant."

 

[1] C’est l’équivalent de la notion de "package" utilisée par William A. Gamson et Andre Modigliani pour étudier les discours médiatiques nord-américains sur l’énergie nucléaire jusqu’aux années 1980 et les représentations (le progrès, la dangerosité) qui lui étaient associées.


 

Réactions

  • O Gordinho le 12/08/2021 à 01h45
    Merci pour ce travail de recherche !
    C'est intéressant de percevoir l'évolution du traitement des supporters dans les médias français et surtout de voir QUI parle lorsque l'on évoque ces sujets.

    Peut-être que la prochaine étape serait de comparer ce traitement médiatique à celui dans les pays étrangers, notamment hors-Europe. Je pense par exemple au Maghreb, et aussi en Egypte (depuis le drame de Port-Saïd), les groupes de supporters y ont un rôle ambivalents entre facteurs d'ordre et de désordre.

La revue des Cahiers du football