On a retrouvé l'équipe de France, égarée avec ses bagages lors d'un transit vers la Corée. Les fantômes disparaissent dans la lumière d'un coup d'éclat infiniment bienvenu. France-5, Slovénie-0.

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Mais où étaient-ils passés? C'est vraiment la question qui se pose au lendemain d'un match au cours duquel on a retrouvé une équipe de France, celle d'avant la catastrophe bien plus qu'une version réinventée. Car son renouvellement supposé, par le biais des appelés, est trompeur. C'est effectivement avec l'ossature des cadres et le schéma tactique post-lemerrien qu'elle a remporté cette large victoire. Après le Mondial, on n'a voulu retenir que les alertes sonnées par les défaites, en occultant des succès obtenus avec une maîtrise totale (Turquie, Portugal, Japon, Ecosse…), dans le droit-fil desquels se situe ce France-Slovénie. Vincent Duluc dans L'Equipe (13/10) affirme que ces scores étaient "menteurs". On plaidera pour la théorie inverse, selon laquelle ce sont les trois matches du groupe A qui n'ont pas dit la vérité en juin dernier.
Contre une équipe qui avait aussi peu envie de jouer que l’Uruguay en Coupe du monde, mais qui a en tout cas fait moins d’anti-jeu, l’équipe de France a en effet renoué avec la réussite, en marquant d’entrée et en se mettant à l’abri au moment où elle commençait un peu à flotter. Il semble si simple et si naturel de voir cette formation imposer sa supériorité d'une façon ou d'une autre que la CM 2002 apparaît encore plus comme une mauvaise blague.
Plus le temps passera, plus on reconnaîtra que l'épuisement physique a été le facteur déterminant du fiasco asiatique (et de celui d'autres équipes majeures), loin des procès faits à Lemerre, à Desailly, à l'hôtel Sheraton ou aux danseuses bulgares. En pleine possession de ses moyens, ce groupe aurait survécu aux sorts contraires qui l'ont abattu à la surprise générale— même si la conquête d'un nouveau titre restait un exploit forcément improbable.
Encore trois points à prendre à Malte, et la thèse du déclin des Bleus aura en tout cas pris du plomb dans l'aile, ce qui va faire mal à de nombreux commentateurs.
La continuité dans le changement
Si l'on a beaucoup entendu parler de chamboulement dans toutes les lignes et si Santini évoque la "naissance d’un groupe", huit des onze joueurs sur le terrain faisaient partie de l’équipe type du mondial (notons aussi les huit "Anglais" titularisés). Seuls Silvestre, Gallas et Marlet remplaçaient Lizarazu, Lebœuf et Trezeguet. Les bouleversements ne concernent en fait que le banc pour le moment. Coupet ou Sagnol ont plus souvent qu'à leur tour enfourché le thème du sang neuf et insisté sur les "fautes" de la campagne coréenne. Peut-être ont-ils servi d'aiguillon, mais la performance des patrons les a rappelés à leur vrai statut.
Sur le plan tactique aussi une certaine continuité est de mise, avec la reconduction du schéma de Lemerre, interprété à sa façon par le sélectionneur (voir
A la place d'Henry).
Les gars
La défense a vu les Slovènes de loin et n'a donc pas subi un véritable test, notamment pour un axe central que Santini avait choisi d'importer tel quel de Chelsea.
Gallas et
Desailly ont réussi un match rassurant et sobre, aussi probant pour l'un que pour l'autre, bien que ce soit pour des raisons différentes. Si le capitaine lève ainsi un peu de cette pression qui lui pèse dessus depuis la Corée, son assistant, sobre et tranquille, a marqué les points que Santini lui offert de prendre avant Mexès.
La timidité offensive des visiteurs a offert des boulevards à
Thuram, appliqué en première mi-temps, étincelant en seconde. Avec l'esprit qui le caractérise, sans qu'un mot amer ne sorte dans la presse, il a traversé une nouvelle crise personnelle et semble assumer à nouveau totalement son positionnement. Il a brillé comme aux plus beaux jours, déblayant son couloir pour y dérouler des montées fructueuses et n'a pas été pour rien dans l'esprit offensif général de son équipe.
Le paradoxe est que Mikaël
Silvestre avait été le meilleur Bleu du match en Tunisie. Soit ses partenaires ont vertigineusement progressé, soit il est en pleine perte de confiance et peine à exprimer un potentiel pourtant évident, même dans ce match en demi-teinte pour lui. C'est d'autant plus dommage qu'il occupe cette fois le même poste qu'en club, même si ce déplacement sur le flanc doit également représenter une crise identitaire, puisque lui aussi se voyait bien dans l'axe. Mais Santini n'envisage pas ainsi la succession de Lebœuf, et l'hypothèse semble oubliée de tous, surtout au moment où le débat n'a porté que sur Gallas et Mexès. On aura pu toutefois apprécier par moments la qualité de ses passes et de ses centres, comme sur le but de Govou.
Le duo de récupérateur a été la clé de voûte du dispositif, et à son niveau normal il représente une sacrée assurance. Les Slovènes ont eu toutes les peines du monde à franchir ce rideau-là, mais aussi à en bloquer les relances. Makelele a été particulièrement efficace dans le jeu court, son jeu dépouillé, son activité et ses relais avec Zidane ont contribué à la fluidité du jeu. Le capitaine des Gunners a pour sa part retrouvé la forme, et quand il est en forme, il peut même marquer des buts.
Malgré quelques gourmandises, Zidane s'est lui aussi exprimé conformément à ce qu'il montre au Real, même si sa présence près du but, après deux belle tentatives en début de rencontre, n'a pas été très grande. Les "oh!" et les "ah" que ses gris-gris soulèvent au Stade de France ont parfois quelque chose d'irritant, mais on ne va quand même pas se plaindre.
Wiltord est l'homme en forme, il s'est une nouvelle fois multiplié, sa conduite de balle et sa vitesse le rendant insaisissable. Il a marqué un but splendide, tout en énergie. La bonne surprise fut Steve Marlet, occupant une rôle inattendu (mais qui est le sien en club) qui lui a permis d'étaler ses qualités de pur numéro neuf. Son efficacité sur deux centres coupés à la perfection, sa détente et sa présence physique ont été des atouts maîtres pour la sélection. Enfin Thierry Henry s'est fait piquer l'axe par Marlet, évoluant le plus souvent à gauche. Plus discret qu'à Arsenal, il n'a pas été moins précieux, animant l'attaque avec brio.
Les observations
Le public du Stade de France a fait la ola au bout de quinze minutes, mais s'est retenu de chanter "et 1, et 2…".
Dire qu'il en suffisait de deux comme ça contre le Danemark…
Même Jean-Michel Larqué n'a pas dit trop de conneries, c'est vous dire si c'était un bon match.