Fennecs plus ultras
[saga Mundial 1982] Le 16 juin 1982, l'Algérie s'ouvre à la Coupe du monde de football et fait sensation en battant le futur finaliste.
L'Algérie découvre le parfum d'une phase finale d'une Coupe du monde en ce 16 juin 1982. Pour ce baptême du feu se dresse face à elle la RFA championne d'Europe en titre. Une sélection de classe mondiale avec des joueurs comme Karl-Heinz Rummenigge ou Paul Breitner, pour ne citer qu'eux.
On a prêté aux Allemands des propos assez méprisants avant ce match. Le sélectionneur Jupp Derwall aurait déclaré qu'il prendrait directement le train du retour en cas de défaite. On dit aussi que certains de ses joueurs auraient préparé des dédicaces à leur famille aux cinquième, sixième, septième buts inscrits.
Ce n'est pourtant pas le genre des Allemands de mépriser l'adversaire à ce point. Quatre ans plus tôt, en Argentine, ils avaient été tenus en échec par la Tunisie. Dans les années soixante, ils ont beaucoup joué au Maghreb. Ils connaissaient donc la qualité du football algérien.

Agacement allemand et prodiges algériens
Que ces paroles eussent été vraiment proférées ou non, elles ont peut-être servi de motivation aux Fennecs. Mahieddine Khalef et son adjoint Rachid Mekhloufi décident d'aligner une équipe très offensive.
Les meneurs Lakhdar Belloumi et Mustapha Dahleb sont titulaires au milieu de terrain, soutenant un trident d'attaquants composé de Salah Assad, Djamel Zidane et du jeune Rabah Madjer, alors âgé de vingt-trois ans et jouant au pays comme la plupart de ses coéquipiers.
L'Algérie mise sur sa force principale, qui est d'avoir le ballon, et accroche en première période une RFA qui commence alors "à s'agacer", comme en témoignera Ali Fergani.
À la 54e minute, sur une action collective de toute beauté, initiée depuis leur propre camp suite à un tacle rageur, les Fennecs remontent le terrain, en quelques passes sans contrôle, pour lancer Belloumi face à Harald Schumacher. Le tir est détourné par le portier allemand, mais Madjer devance les défenseurs et ouvre le score.
Le stade de Gijón explose, l'invraisemblable est en train de se produire. Mais évidemment, le robot Rummenigge égalise un petit quart d'heure plus tard. Qu'à cela ne tienne : sur l'engagement, l'Algérie use encore d'échanges rapides et de dédoublements.
Lancé en profondeur côté gauche par un Dahleb maître du temps, Assad centre fort au second poteau et trouve Belloumi. Schumacher ne peut pas intervenir, l'offrande est parfaite, l'exécution inévitable, ressemblant étrangement à la finition de Rummenigge une minute plus tôt.
Encore une merveille de but collectif qui donne un avantage définitif à l'Algérie, qui n'aura jamais douté et aura récité son football jusqu'au bout.
Le scandale de Gijón
C'est le premier match des Fennecs et c'est aussi la première victoire d'une équipe africaine face à une sélection européenne lors d'une phase finale de Coupe du monde. Pas n'importe quel adversaire, et pas de n'importe quelle manière...
La vérité est que l'on est au-delà de la surprise ou d'un phénomène inexpliqué. La vérité est que la RFA a perdu contre une magnifique équipe de football, composée de joueurs que l'on ne présente plus, et qui n'a cessé de progresser depuis quelques années.
La beauté de ce succès initial restera pour toujours dans les mémoires, mais elle sera malheureusement gâchée par cette élimination précoce qu'il faut bien rappeler...
La victoire 3-2 le 24 juin face au Chili ne suffira pas à rattraper la défaite contre l'Autriche qui, elle, s'inclinera docilement 0-1 le lendemain dans ce "match de la honte" qui qualifiera les deux équipes européennes.
Les organisateurs, qui avaient décidé de décaler d'un jour les troisièmes journées de chaque poule n'avaient pas imaginé cette situation où un score arrangerait les deux équipes. Depuis, les dernières rencontres sont jouées à la même heure pour éviter de reproduire le scandale de Gijón.
L'Algérie aurait mérité d'aller au second tour de ce Mundial. Qu'importe, elle en a quand même écrit, elle aussi, la légende.

RÉTRO COUPE DU MONDE 1982
13 juin. España 1982, nos années Naranjito
14 juin. Un jour, un but : Socrates, deux feintes et une mine
15 juin. Un jour, un but : Milla 1982, l'histoire manquée
16 juin. Un jour, un but : Robson 1982, coup de chaud à Bilbao
17 juin. Fennecs plus ultra
21 juin. Un jour, un but : Giresse 1982, la controverse de Valladolid
24 juin. Manu Amoros, forte tête
28 juin. Un jour, un but : Genghini 1982, la lucarne bleue
2 juillet. Arconada 1982, le moral dans les chaussettes
4 juillet. Guerre froide au poteau de corner
5 juillet. Le saint suaire de Paolo Rossi
8 juillet. Battiston, lendemains de choc