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Le championnat d'Europe des nations passe à 24 équipes. Encore une réforme Platini pour plaire à tout le monde?
Auteur : Brice Tollemer
le 8 Oct 2008
Le 26 septembre dernier, le comité exécutif de l’UEFA a décidé de porter à vingt-quatre (contre seize) le nombre de pays participants à l’Euro – changement qui sera effectif pour la première fois en 2016. La réforme semble contenter toutes les fédérations, et pour cause…
L'Europe en morceaux
Le football est bien évidemment fils de la géopolitique. Le déroulement de la première édition de la "Coupe d’Europe des nations", organisée en 1960, est très éloigné de ce que nous connaissons maintenant. Dix-sept équipes participent à ce tournoi, dans lequel elles s’affrontent par matches aller-retour jusqu’aux demi-finales.
Les équipes britanniques ne daignent pas prendre part à cette coupe "continentale", tandis que l’Espagne de Franco refuse en quart de finale l’entrée des joueurs soviétiques sur son territoire – qui de fait remportent la rencontre par forfait.
Les quatre pays qualifiés choisissent ensuite où se dérouleront les demi-finales, le match pour la troisième place et la finale. Et c’est à Paris que l’URSS bat la Yougoslavie 2 buts à 1.
En 1968, le "Championnat d’Europe des Nations" change de formule: huit groupes de qualifications sont mis en place, les premiers de chaque poule s’affrontant en quarts de finale en aller-retour, le tournoi final se déroulant dans un seul et même pays.
Ce système perdure jusqu’en 1980, avant de rentrer dans une période un peu plus moderne. La phase finale compte désormais huit équipes, réparties en deux poules de quatre, les vainqueurs de chaque groupe s’affrontant pour le titre suprême. Quatre ans plus tard en France, nouveau changement: cette fois-ci, on crée des demi-finales pour les deux premiers de chaque poule.
Les éditions de 1988 en Allemagne et de 1992 en Suède suivent le même schéma. En 1996, l’UEFA. est rattrapée par l’Histoire: l’éclatement de la Yougoslavie et l’effondrement de l’Union soviétique provoque l’apparition d'une vague de nouveaux pays et par conséquent de nouvelles fédérations. Quarante-huit nations participent aux éliminatoires, contre trente-deux auparavant (depuis 1964). Seize équipes sont ainsi qualifiées pour la phase finale, réparties en quatre groupes, avec l’apparition de quarts de finale. L’Euro 2012 sera ainsi le dernier à obéir à cette formule.
Les vingt-quatre meilleurs
et les meilleurs troisièmes
L’UEFA compte désormais cinquante-trois membres. En 2016, vingt-quatre pays pourront participer à la phase finale de l’Euro... C'est-à-dire pratiquement la moitié des fédérations affiliées. En guise de comparaison, c’est comme si une centaine d’équipes participaient à la Coupe du monde. Cette augmentation soudaine, que techniquement rien ne justifie véritablement, aura deux conséquences majeures. D’un côté, elle assurera, en principe, la participation des "grandes" nations européennes, ce dont semble se satisfaire Michel Platini (1), pourtant opposé au projet initialement. De l’autre, elle provoquera inévitablement un certain abaissement du niveau général de l’épreuve, et un déroulement bancal de la compétition.
En effet, si l'on part du principe que six groupes de quatre équipes seront crées, et en suivant le modèle des Coupes du monde 1986 à 1994 fonctionnant à vingt-quatre équipes, les deux premiers de chaque poule seront qualifiés pour les huitièmes de finale, en compagnie des quatre "meilleurs troisièmes", concept qui ne rime strictement à rien. Mais cette réforme aura un énorme avantage: celui de multiplier le nombre de matches joués (on passera alors de 31 à 51)… et diffusés.
Tout le monde trouvera donc un intérêt indéniable à cette nouvelle formule, qui correspond à un élargissement du marché: les fédérations, les diffuseurs, les sponsors et l’UEFA qui pourra augmenter l'enveloppe des droits de retransmission et de marketing. L’Euro s’étalera sur un mois, contre trois semaines auparavant. Quant à la plus-value sportive en elle-même, elle est bien évidemment inexistante.
Ce passage de seize à vingt-quatre équipes s'inscrit dans la continuité des décisions en quart-de-teinte de l’UEFA depuis l’arrivée de Michel Platini à sa présidence: toilettage cosmétique de la Ligue des champions, refonte à la brosse à dents de la C3, règle du 6+5 en trompe-l'œil, dossiers trop sensibles endormis (2)… De cette réforme, il reste l'impression tenace qu'elle est le fruit d'une forme de clientélisme plus qu'une façon de servir le football.
(1) "Je me suis fait une idée avec le temps et avec l'Euro 2008, déclarait le président de l’UEFA en août dernier. Certains disent qu'on avait les seize meilleurs. Mais est-ce que ceux qui n'étaient pas à l'Euro 2008 comme l'Angleterre ou le Danemark ne méritaient pas d'être là? Je pense que, sincèrement, il y a plus que seize bonnes équipes pour un Championnat d'Europe".
(2) Calendriers, dopage, exception sportive, contrôle de gestion européen, etc.