"Droit de réponse"
Voilà bien des thèmes de débats à la fois. Pour en finir avec Anelka, dont le comportement est à l'origine de notre discussion, ses explications fumeuses sur son site Internet situent pour moi son niveau intellectuel. Et je rappelle que l'incident est né du fait que le journaliste de l'Equipe en question lui avait dit bonjour, ce que Anelka a pris pour une provocation.
À partir de là, je réitère mon expression "dandysme irresponsable" quand je lis dans une brève, sous le titre Circonstances atténuantes: "Anelka gifle un journaliste de l'Equipe. Il faut dire que les joueurs rencontrent des journalistes de l'Equipe. Ils sont donc soumis à une insoutenable tentation". Et puisque l'expression a eu l'air de vous chiffonner, je la précise. Dans cette affaire, vous avez fait du dandysme de clavier. Entre vous et nous, il y a une différence qui n'est pas anodine. Signer, la plupart du temps sous un pseudonyme, de brillantes analyses distanciées, c'est une chose. Se coltiner quotidiennement le monde du foot d'aujourd'hui, sous son vrai nom, avoir un contact constant avec ceux que notre activité agace, subir les restrictions constantes à notre activité, en est une autre, et de taille. Parce que si le journaliste de l'Equipe a été frappé par Anelka, c'est bien aussi parce que depuis deux ans il fait son métier quotidiennement au Paris SG et que ses analyses déplaisent. Et que dans ce cas-là, il ne s'agit pas d'un auteur anonyme derrière un clavier.
Vous avez écrit "comique" à propos de cet incident. Il a été, pour l'instant, le plus spectaculaire d'une série croissante de tentatives d'intimidation de la part de joueurs, entraîneurs ou dirigeants ces dernières années. Vous écrivez "comique". Nous nous interrogeons sur le moment et l'endroit de la première véritable grave agression contre nous, que l'on pressent inéluctable. C'est pour cela que nous refusons de laisser passer l'affaire Anelka sans réagir. Afin de décourager d'autres tentations.
Vous vous félicitez maintenant de gloser sur les vedettes de la plume. La première fois, c'était : "les journalistes sportifs sont une espèce particulièrement irritante". Ce retrait de forme n'efface pas la charge générale sur une profession qui comporte des vedettes, peu, et en écrasante majorité des journalistes qui subissent, je le répète, une aggravation de leurs conditions de travail, comme par exemple le partenariat entre certains journaux régionaux et les clubs. Les journalistes sportifs seraient donc irritants comme les notaires sont véreux, les commerçant indélicats, les hommes politiques achetés, là ce n'est plus du dandysme mais du vulgaire populisme.
J'avais écrit qu'à l'Equipe nous nous efforcions d'obtenir de vraies réponses à de vraies questions. En réponse, vous livrez ce commentaire: "la pensée que le fleuron du Groupe Amaury puisse être à la pointe de la critique et de l'investigation est un terrible aveu de la très relative virulence de notre presse spécialisée". Les dirigeants du Paris SG, de l'OM, de Saint-Étienne, Jean Louis Campora, Gérard Bourgoin, Patrick Proisy, Jean Michel Aulas ne partagent pas vraiment à l'heure actuelle votre point de vue.
Pour le reste, et en vrac. Ce que visiblement certains joueurs, dirigeants, entraîneurs et lecteurs ne comprennent pas, c'est que lorsqu'un journaliste sollicite une interview, ce n'est pas à titre personnel, mais en tant que relais entre l'acteur et son public. Le "harcèlement médiatique" est donc une expression pour moi étrange. En vérité, nous sommes plutôt harcelés par le refus de communiquer des dits acteurs.
Sur l'Equipe, vous mettez en exergue cette réflexion: "Peut-on parler de liberté de la presse quand, depuis 40 ans, un journal règne quotidiennement et sans partage sur l'analyse sportive?". D'abord, l'Equipe n'a pas le monopole de l'analyse sportive. Ensuite, un avocat dirait : que reproche-t-on exactement à mon client ? D'exister, d'être seul? Coupable de quoi? Liberticide en quoi?
Sur Jacquet. Le plus sûr moyen de se tromper est de ne pas prendre position. L'Equipe a choisi de prendre position, contre Jacquet, puis a dit son erreur. Dans cette affaire, nombre de nos lecteurs nous l'ont reproché, d'autres nous ont manifesté partager l'analyse. À titre personnel, je conçois que cette position anti-Jacquet ait pu choquer certains de nos lecteurs. J'ai beaucoup moins supporté, en fait pas du tout, qu'une partie de nos confrères aient tourné casaque une fois la victoire venue, quitte à se poser en donneurs de leçons à notre endroit. Car j'ai encore dans l'oreille, par exemple, les commentaires télévisés en direct pendant Finlande-France, à quelques jours de la coupe du Monde 1998.
Sur les Cahiers. Je les lis depuis 1997. Avec l'intérêt que suscite un espace de réflexion et de critique, contradictoire, et j'attends avec amusement, par exemple, la suite de vos prises de position sur Djorkaeff. J'ai souhaité intervenir sur l'affaire Anelka car j'estime que vous avez traité à la légère un problème qui n'est pas pour nous de la pure rhétorique, mais celui du libre exercice de notre métier.
Merci de me donner la possibilité de m'exprimer.