Deschamps, saison 1 : le bilan rectifié
Apparemment décevant sur le plan comptable, le bilan provisoire du sélectionneur peut pourtant être considéré sous une lumière plus avantageuse.
Dimanche 9 juin 2013, l'équipe de France de Didier Deschamps s'incline 3-0 contre le Brésil à Porto Alegre. Tant dans le jeu que dans le résultat, les Bleus ont déçu et confirmé leurs lacunes. Pour Didier Deschamps, très énervé après la rencontre, c'est un camouflet important: la tournée en Amérique du sud se conclut par deux défaites contre l'Uruguay et le Brésil, quatre buts dans la musette, aucun marqué...
Des chiffres peu flatteurs
À de nombreux observateurs, ces deux revers de fin de saison font évoquer une première année ratée de Didier Deschamps à la tête de l'équipe de France, et surtout, un bilan comptable qui en ferait l'un des pires sélectionneurs de l'histoire. Presque une humiliation pour le footballeur français le plus titré, et le dernier coach à avoir emmené un club français en finale de Ligue des champions...
Les esprits critiquent se focalisent sur le bilan comptable global de Didier Deschamps et en ont tiré les données suivantes: 11 matches disputés, 4 victoires, 2 nuls et 5 défaites soit 36,36% de victoires pour sa première année de sélectionneur. Un "record de médiocrité" jamais vu depuis Louis Dugauguez, débarqué en 1968... Histoire d'enfoncer le clou, on ajoute le faible nombre de buts, 11 en autant de matches, soit le plus mauvais score depuis Henri Guérin (1966), et une défense perméable puisque sans "clean sheet" sur ses 9 derniers matches. Cela n'était plus arrivé depuis 1992, sous le règne de Michel Platini...
Au jeu des comparaisons, Deschamps fait pâle figure: avec 36% de victoires, l'ancien capitaine des Bleus est bien loin du recordman Jacques Santini (79%) et de Dieu (Aimé Jacquet qui plane à 64%). Au point où on en est, on précise que Laurent Blanc, lui, n'avait perdu que 4 matches sur 27, et l'on peut facilement inciter le lectorat à en déduire que Didier Deschamps est un incompétent notoire qui mérite la guillotine [1]...
La France perd son titre de championne du monde...
… des matches amicaux. Cette saison, l'équipe de France a disputé 6 matches amicaux pour un bilan de 4 défaites (Japon, Allemagne, Uruguay, Brésil), un match nul (Uruguay) et une victoire de prestige (Italie). Le bilan est clairement médiocre, mais compte-t-il autant que celui en compétition officielle? Or, c'est d'abord sur ce plan que l'actuel sélectionneur doit être jugé, et alors on ne peut parler d'une première année ratée.
Avec Didier Deschamps à la baguette, la France affiche en compétition une moyenne de deux points par match, et cela en ayant affronté déjà deux fois l'ogre espagnol. Jusqu'au brutal retour sur terre du 26 mars (défaite 1-0 à contre l'Espagne au Stade de France), l'équipe de France a laissé penser qu'elle pouvait terminer première de son groupe – un exploit en soi – et semble aujourd'hui se diriger vers les barrages, ce qui est dans le cahier des charges. Le bilan en matches officiels de Deschamps après un an de service le place au-dessus de Michel Hidalgo (4e Mondial 82, vainqueur de l'Euro 84), Henri Michel (3e Mondial 1986), Aimé Jacquet (demi-finale Euro 96, victoire Mondial 98) ou encore Raymond Domenech (finale Coupe du Monde 2006). Roger Lemerre (victoire Euro 2000) est à la même moyenne de points. Lire aussi l'article de Slate.fr.
Ceux qui ont fait mieux que Deschamps dans leur première année sont Laurent Blanc, Jacques Santini (qui disposait encore de la génération 98-2000) ou encore Gérard Houiller, qui a pourtant souffert du pire fiasco du football français en 1993. Comme quoi, les chiffres de la première saison ont peu de signification...
Circonstances atténuantes et vraies questions
Le bilan de Didier Deschamps est principalement plombé par les matches amicaux. On peut cependant souligner que les défaites se sont produites contre des équipes collectivement plus abouties (Japon), talentueuses (Allemagne) ou en phase de compétition (Uruguay, Brésil). Didier Deschamps a également beaucoup expérimenté et surtout, lancé de nombreux jeunes dans le grand bain: Varane, Yanga-M'Biwa, Grenier, Lacazette, Guilavogui, Mangala, Pogba. Sakho a, pour sa part, été relancé... Ces nombreux essais vont de pair avec le principal reproche qui a ce stade puisse être dressé contre Didier Deschamps: l'absence d'une équipe type claire, un constat qui vaut plus particulièrement pour le secteur défensif.
DD a utilisé 6 charnières centrales différentes en 11 sorties, n'a pas tranché entre Évra et Clichy à gauche, et semble pencher pour Sagna plutôt que Debuchy à droite. Au milieu, il semblait avoir trouvé sa sentinelle (et son capitaine) avec Mavuba avant que celui-ci ne se blesse, comme l'homme de cristal Abou Diaby... Si au milieu Matuidi, Cabaye et surtout Valbuena et Ribéry semblent désormais installés, Deschamps n'a pas réussi à relancer Benzema comme attaquant numéro 1 et n'a toujours pas franchi le pas de l'écarter au profit de Giroud, lequel a marqué des buts importants contre l'Espagne et la Géorgie...
Didier Deschamps ne s'intéresse pas aux titres honorifiques, et son bilan se fera à la fin des qualifications puis éventuellement à la fin du Mondial 2014. Une chose est certaine: le niveau des Bleus n'est plus celui du début des années 2000, Domenech a eu le privilège d'exploiter les dernières énergies de la génération Zidane en 2006. Le bilan mitigé de Deschamps à mi-parcours remet en perspective ceux de Laurent Blanc et Raymond Domenech, celui du premier étant loin d'être honteux (23 matches sans défaite, quart de l'Euro 2012). Il n'est donc pas temps de jeter la pierre à Didier Deschamps [3]. Ses échéances ne sont pas au mois de juin de cette année.
LIRE AUSSI : "DESCHAMPS SAISON 1: LE RÉSUMÉ"
[1] Surtout si on lui fait l'affront de préciser que l'ennemi de la Nation, Raymond Domenech, avait terminé sa première année invaincu avec 3 victoires et 7 nuls.
[2] Défaite 1-0 à domicile contre l'Espagne au Stade de France.
[3] À lire, un bilan plus pondéré de Florent Toniutti.