Debout les morts !
Des satisfactions individuelles, des améliorations collectives, mais une déception comptable... Pas de quoi pleurnicher après ce France-Irlande qui recèle des motifs d'optimisme.
le 11 Oct 2004
Dès le coup de sifflet final, on se doutait de la façon dont ce match nul serait accueilli: le registre du doute, de la dépréciation, voire du dénigrement, a plus de moines copistes qu'il n'en faut. Ainsi, notre quotidien sportif (et que ce quotidien est gris!) a trouvé que les Irlandais ont été "mal récompensés", mais n'a quasiment pas un mot pour leur qualité de jeu, et s'abstient bien sûr de remarquer que les deux formations, d'après ses propres statistiques, ont déclenché autant de tirs cadrés l'une que l'autre, la France devançant d'ailleurs son adversaire au nombre totale de frappes (12 contre 9). Rien non plus sur le changement pourtant manifeste dans l'état d'esprit et la combativité des internationaux français… Peine perdue. Pourtant, dans un groupe très resserré où les équipes insistent pour se partager les points, il faut réformer les traditionnelles méthodes d'évaluation de ce bilan comptable provisoire. Plutôt que de calculer les "points de retard sur les temps de passage" ou d'appeler déjà à "dresser le bilan des premiers mois de l'ère Domenech" (sic), on serait plus avisé de constater que les concurrents sont encore sur la même ligne et de regarder devant soi. Certes, en comparaison de son adversaire de samedi soir, l'équipe de France a disputé deux matches à domicile… Mais justement, à voir ce match équilibré qui aurait pu basculer d'un côté comme de l'autre, et en faisant le pari raisonnable que les Tricolores vont progresser dans les mois à venir, il est permis de penser que le match retour (le 7 septembre 2005) sera tout aussi incertain et n'exclura pas une victoire des visiteurs. Il faudra aussi voir si les Bleus font mieux, aussi bien ou moins bien que l'Eire en Suisse (le 8 octobre 2005). Les comparaisons et le bilan ne pourront décidément être faits qu'en fin de parcours… On a en tout cas la confirmation, si besoin était, que la difficulté de la qualification sera grande et que celle-ci passera par des "exploits" ou des matches au couteau, sans même parler de l'éventualité d'un barrage qui n'aurait rien de honteux. Alors aujourd'hui, pour mieux cerner un avenir incertain, il est plus utile de trouver des motifs d'optimisme dans les aspects positifs de ce France-Irlande (surtout en comparaison avec les prestations précédentes) que de ressasser, au bénéfice d'un plaisir incertain, les doutes qui subsistent — bien réels, mais qu'il n'est pas besoin d'exagérer dans un classique élan de sado-masochisme, en diagnostiquant une "situation franchement grave" dont on ne "voit pas comment les Bleus pourraient se sortir". La nalyse de Didier Moulinex Ce 0-0 ne résout évidemment pas les incertitudes quant au parcours des Bleus dans ce groupe 4. Mais à l'évidence, des progrès ont été accomplis depuis France-Israël avec un changement significatif de la nature des frustrations: celles-ci portent désormais moins sur la qualité du jeu, le sentiment d'impuissance et la désorganisation constatés auparavant que sur une inefficacité persistante et une difficulté à assurer une maîtrise (croissante) autrement que par phases. En renouant avec un 4-4-2 plus "classique" et apparemment plus ambitieux que le 3-5-2, Raymond Domenech avait d'autant plus fait le choix de l'offensive qu'il ré-intronisait Wiltord et Pires, soit en tout quatre joueurs à vocation explicitement offensive. En début de match, il en a résulté un certaine déséquilibre dans l'entrejeu, Dacourt et Mavuba étant livrés au pressing offensif des Verts, mais au fil des minutes, on vit se multiplier des actions construites, le plus souvent à partir de l'axe avec des approches à une touche de balle. C'est avec la vitesse que les Français se sont offert leurs meilleures occasions (tirs de Pires et Gallas en première mi-temps, tentative de Henry du gauche en seconde), en plus des nombreuses frappes déclenchées aux abords de la surface, trop souvent contrées par des défenseurs irlandais très bien placés et rarement mis hors de position. Le constat vaut également pour la défense bleue, solide malgré des situations dangereuses généralement provoquées par des défaillances plus en amont. Elle reste invaincue en trois matches, et puisque l'on parle de reconstruction, c'est une donnée d'autant plus rassurante que de vrais "spécialistes" (Sagnol, Evra) devraient bientôt postuler sérieusement pour occuper les postes de latéraux. Chez les milieux défensifs, la perspective de voir un Dacourt de ce niveau bientôt associé à Vieira est également de nature à espérer des jours meilleurs, en n'oubliant pas Pedretti. Il est dommage que Pires et Wiltord aient connu une baisse de régime en seconde période, car on a senti que la différence devrait venir d'eux en l'absence de suppléants sur le banc (quoique Govou, aurait peut-être mérité de se voir offrir plus de temps de jeu pour confirmer son retour en forme …). C'est donc chez les attaquants que les interrogations tactiques restent les plus vives. La complémentarité de Cissé et Henry paraît improbable et l'on n'a pas fini de se demander dans quel schéma le Gunner pourra le mieux s'épanouir, écartelé qu'il est aujourd'hui entre le rôle de finisseur et celui de meneur d'attaque, peinant à trouver le positionnement optimal… Domenech envisagera-t-il un retour au 4-2-3-1, esquissé en fin de rencontre avec l'entrée de Govou et le recentrage de Wiltord, afin d'améliorer l'animation offensive et laisser Henry s'exprimer seul en pointe? Enfin, pour évaluer les forces futures de l'équipe de France, il ne faut pas oublier les autres absents non mentionnés ci-dessus, dont le retour ou l'intégration renforceront au pire la gamme des choix, au mieux le niveau d'expression générale: Giuly, Rothen, Mexès, Boumsong, Dhorasoo, Abidal, Luyindula, Saha, Trezeguet… Et Anelka? Les observations en vrac > Personne n'avait prévenu Mavuba que Larqué adore se lâcher sur les jeunes footballeurs maladroits? > Si Silvestre est devenu tout rouge au moment où son adversaire a tenté d'obtenir un penalty après un vague accrochage, c'est parce qu'il a eu peur ou parce qu'il était furieux? > Injustice : les Irlandais sifflent Pires alors qu'il joue enfin mieux. > L'entraîneur à sa place : "Dans ce groupe, ils n'y a que des nuls" (Raymond Domenech). > Govou aurait mieux fait de marquer contre ces verts-là dans les dernières minutes. > Drame de l'incontinence du 3e âge : Roy Keane obligé de changer de slip après vingt minutes. > Pierre Martini nous jure qu'il était sobre quand il a vu dans le métro des supporters irlandais avec des bouteilles d'eau à la main.
Pires est prêt à porter le chapeau. |