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De Hillsborough à Saint-Denis, de Thatcher à Darmanin

En stigmatisant les supporters de Liverpool, Gérald Darmanin a involontairement souligné les similitudes entre la situation du football français et la chienlit anglaise des années 1980.

Auteur : Kevin Quigagne le 14 Juin 2022

 

Gérald Darmanin avait attaqué d'emblée en accusant les supporters de Liverpool de tous les maux. Sans les nommer, il avait jeté en pâture les tragédies d'Hillsborough et du Heysel dans l'arène. Pensant faire mouche, le ministre de l'Intérieur jouait sur l'ignorance d'une partie de l'opinion, ainsi que sur la méconnaissance des journalistes non spécialisés.

Les journalistes spécialisés, ceux-là mêmes qui devraient monter au créneau, préfèrent souvent s'effacer devant ces sujets exigeants et un peu casse-gueule. Ce faisant, ils laissent un flou peu artistique occuper le terrain, où les approximations le disputent aux amalgames.

 

 

La gestion catastrophique de l'après-Stade de France est en train de se retourner contre Gérald Darmanin et les responsables du fiasco. L'affaire ressemble effectivement de plus en plus à cet Hillsborough introduit en filigrane dans la discussion par le ministre, mais pas à sa "version hooligan" de la tragédie.

À mesure que la crise et le tollé international se prolongent, l'atout naïvement imaginé comme une botte secrète imparable s'est transformé en boulet, d'où les rétropédalages humiliants observés ces derniers jours. Foncer sans réfléchir, ou l'art de se faire prendre à son propre piège.

Ni responsable, ni coupable

Hillsborough s'est construit, à vitesse grand V, sur un monceau de mensonges basiques mais tenaces. Il faudra vingt-trois ans, et les conclusions en 2012 du rapport du Hillsborough Independent Panel, pour établir officiellement la vérité et laver l'honneur des supporters Reds.

Une telle accumulation de contrevérités et théories fumeuses, même ensuite discréditées, s'enracine et laisse des traces, indélébiles. Et ouvrent des perspectives. Des brèches dans lesquelles des politiciens sans scrupule choisissent parfois de s'engager à des fins populistes, ou personnelles (la rancœur peut être un facteur).

S'absoudre de toute faute, (se) couvrir, diaboliser, transformer une victime en cible idéale, faire gober tout et son contraire à un public parfois crédule ou en mal de repères : des ressorts vieux comme le monde qui, s'ils ne fonctionnent pas toujours, permettent de gagner du temps et installer le doute.

Lorsque la vérité éclate, le mal est en partie fait et il subsiste un solide résidu de scepticisme, a fortiori quand le complotisme et les haters sont tendance. Ancrer la stigmatisation est rapide, la dissiper prend une éternité.

En octobre 2004, soit quinze ans après la tragédie, le député Boris Johnson n'hésita pas, dans l'hebdomadaire The Spectator qu'il dirigeait, à continuer de calomnier les Reds, tout en jetant l'opprobre sur la ville de Liverpool et les Liverpudliens "habités d'une détestable mentalité victimaire" (voir ici, en fin d'article).

Peu lui en tinrent rigueur nationalement : il fit une carrière politique de premier plan et fut aisément élu Premier ministre en 2019, enregistrant le meilleur score du Parti conservateur depuis 1979. Pourtant, en 2004, on connaissait depuis longtemps la vérité. Le rapport Tayloravait clairement innocenté les supporters dès 1990.

Mais cette partie du rapport fut minimisée, ignorée, foulée aux pieds par certains. Tony Blair, sur lequel les familles de victimes fondaient de réels espoirs, desservit la cause en enterrant le dossier. Pire, en nommant l'inepte et offensant juge Murray Stuart-Smith pour réexaminer l'affaire, Blair renforça le sentiment d'humiliation, de manipulation, et de gaslighting(détournement cognitif, abus mental) prédominant chez les familles des victimes.

Johnson cherchait aussi sans doute à régler ses comptes avec la mal-aimée Liverpool, ville que Margaret Thatcher et son numéro trois Geoffrey Howe, voulurent "accompagner dans le déclin" après les émeutes de Toxteth en 1981 (en d'autres termes, laisser ce bastion de la gauche péricliter), au lieu de lancer un vaste plan de régénération dans cette agglomération souffrant d'un manque chronique d'investissements.

La Dame de Fer en fut finalement dissuadée par l'un de ses ministres, Michael Helsetine, qui entreprit de relancer l'économie locale et d'améliorer les infrastructures (Liverpool, notoirement anti-Tory, fut reconnaissante à celui-ci).

Parallèles troublants

Les ressemblances entre le Stade de France et Hillsborough interpellent. À Hillsborough, la police et un politicien local, le député conservateur Irvine Patnick, un proche de Thatcher, firent tout de suite porter le chapeau aux supporters liverpuldiens "ivres et violents". Au Stade de France, Gérald Darmanin twitte sur "une fraude massive et industrielle, 30.000 à 40.000 supporters britanniques qui se sont présentés devant le stade, sans billet ou avec un faux billet".

Il accuse aussi des milliers d'entre eux d'avoir "forcé les entrées et, parfois, violenté les stadiers". La piètre prestation du préfet de police de Paris, Didier Lallement, au Sénat le jeudi 9 décembre, s'inscrit dans ce déni.

À Hillsborough, la presse nationale, pro-Thatcher, relaya sans vérifier la masse d'infox [1]. Elle amplifia également les horreurs colportées par des faux témoins et par l'attaché de presse de Thatcher, Bernard Ingham, comme à l'accoutumée chargé des basses besognes. Les tabloïds tel le Sun, son répugnant rédacteur en chef Kelvin MacKenzie en tête, se chargeront de l'après-vente en surenchérissant dans la désinformation sordide.

Au Stade de France, des journalistes et médias de grande écoute évoquent aussitôt une prétendue culpabilité des supporters Reds. Ils manufacturent la controverse et laissent planer les ambiguïtés, histoire d'entretenir la polémique en brouillant les pistes.

À Hillsborough, des cassettes disparurent mystérieusement de la salle de contrôle du stade. Graham Mackrell, responsable entre autres de ce PC sécurité et de la vidéosurveillance du stade, fut questionné en 2014 mais jamais inquiété pour cette "négligence" (il écopa juste d'une amende, en 2019, pour une autre raison).

Au Stade de France, cette même notion de négligence, à géométrie variable, est brandie par beaucoup comme explication, somme toute acceptable, à l'effacement des images de surveillance par l'opérateur privé du stade.

Elles ont certes été supprimées "en toute légalité", comme on nous le répète, mais en totale dissonance en regard d'un contexte qui aurait dû amener le parquet à s'intéresser prioritairement à ces précieux enregistrements. Ou la police, qui aurait pu réquisitionner ces images, ainsi que celles de la RATP, également effacées dans l'indifférence et l'impunité générale.

Même terreau fertile

L'Angleterre des années 1980 et la France d'aujourd'hui, dans leur rapport au supportérisme, présentent également de nombreux points communs. Dans les Eighties, le hooliganisme anglais était virulent, mais ne concernait qu'une infime proportion des supporters, et l'immense majorité des matches se déroulaient relativement bien.

L'exposition médiatique se fixa sur les violences liées au football pour des raisons essentiellement politiques. Thatcher exploita sans vergogne l'impopularité du football, notamment pour faire diversion d'autres formes d'incivilités et de délinquance qui, favorisées par le fossé grandissant des inégalités, la précarité et les coupes budgétaires tous azimuts, connaissaient une forte recrudescence.

Par ailleurs, le traitement des supporters lambda était aussi musclé qu'il l'est en France actuellement. Le journaliste, auteur et supporter Red Tony Evans (The Times, The Independent, etc.) rapporte par exemple qu'il était banal de se faire malmener sans raison par la police. Le stade était une zone de non-droit : "Quand on allait voir un match, témoigne Evans, les libertés individuelles ne comptaient plus. La police vous traitait comme bon lui semblait."

Ce dénigrement indiscriminé conduisit à une dévalorisation puis une haine du supporter, et par extension du football. Des questions que les politiciens s'empressèrent d'instrumentaliser. On constate en France ces caractéristiques dans la classe politique et chez les forces de l'ordre. Idem chez les instances, par certains aspects aussi archaïques que leurs homologues anglaises de l'époque.

L'année charnière en Angleterre fut 1985, "l'annus horribilis" du football anglais (voir ici). Thatcher forma un "cabinet de guerre" et envisagea le football uniquement comme un enjeu de law and order (maintien de l'ordre). Mais le réel catalyseur des changements positifs et structurels sera, comme souvent, un drame : Hillsborough.

Quarante ans de retard

Quarante ans plus tard, la France, traversée par des problématiques comparables, adopte la même ligne contre-productive des mesures liberticides non ciblées et du tout-répressif. Au lieu d'envisager une approche à l'allemande qui a porté ses fruits, nos dirigeants choisissent de s'embourber dans des voies strictement sécuritaires et dépassées, faites de tunnels débouchant sur l'échec. Avec trop souvent, en corollaire, mensonges et malversations.

Il est louable et nécessaire d'appeler, comme le fait Emmanuel Macron, à "tirer les enseignements" des graves défaillances du Stade de France. Toutefois, la formule est éculée et ces leçons s'avèrent fréquemment aléatoires. La seule vraie solution durable est de repenser les modèles, de revoir les pratiques pour rebâtir sur du neuf. En étroite coopération avec les principaux concernés : les organismes et associations de supporters.

Le gouvernement français et les acteurs institutionnels du secteur -  forces de l'ordre, préfectures, clubs, instances sportives et autres - doivent saisir cette opportunité pour rattraper le temps perdu et, enfin, aller de l'avant.

 

LIRE AUSSI

Hillsborough, heure zéro. 1/ Au bord de la catastrophe

Hillsborough, heure zéro. 2/ Au bout du tunnel

 

[1] Ces fake news émanaient initialement d'une agence de presse locale, la Whites Press Agency. Cette dernière a toujours maintenu que leurs sources provenaient de haut gradés de la South Yorkshire Police, d'un responsable des services de secours et du député conservateur local Irvine Patnick, un allié de Thatcher.

 

Réactions

  • balashov22 le 14/06/2022 à 12h27
    UN article de bon sens mais dont on se doute malheureusement que la conclusion ne sera pas suivie par les gens qui ont le pouvoir de faire changer les choses.

  • Mangeur Vasqué le 14/06/2022 à 22h44
    Et depuis que l’article a été bouclé (y’a quatre jours), on peut ajouter ça : lien et ça lien...

    Y’a sans doute eu d’autres développements, je n’ai pas trop suivi depuis trois jours.

  • Red tattoo le 15/06/2022 à 10h25
    Très bon article, qui analyse bien la stratégie de mensonge du ministre de l'intérieur et la préfecture de police.
    Le parallèle avec les mensonges qui ont suivi Hillsborough est évident. De manière générale, c'est tout le parallèle entre l'épouvantail du hooliganisme monté en épingle dans les années 80 et le rapport des pouvoirs publics aux supporters en France aujourd'hui qui est pertinent.
    Comme d'autres sans doute, j'y ai pensé dès que j'ai vu à la télé l'annonce sur l'écran géant du stade expliquant le report du coup d'envoi par l'arrivée tardive des supporters. Puis quand j'ai entendu que des milliers de supporters étaient venus sans billet et que ça expliquait les problèmes, c'est devenu une certitude : comme à Hillsborough, les supporters servent de boucs émissaires et on transforme les victimes en coupables, pour exonérer la police et la hiérarchie de toute responsabilité.
    La principale différence est que, comme au SdF, il n'y a heureusement pas eu de mort, l'attention va vite retomber, si ce n'est déjà fait. J'ai donc peur que ta première phrase "La gestion catastrophique de l'après-Stade de France est en train de se retourner contre Gérald Darmanin et les responsables du fiasco." ne soit trop optimiste. A part quelques journalistes, quelques spécialistes des mouvements de supporters ou du maintient de l'ordre et une poignée de passionnés comme nous, qui s'est donné la peine de se renseigner de manière précise sur ce qu'il s'est passé ? Qui a suivi les émissions dans lesquelles sont intervenus Nathalie Iannetta, Ronan Evain, JL (un important CdFiste que les plus perspicaces d'entre vous reconnaîtront derrière ces initiales) et quelques autres ? Qui a lu les articles, du Monde par exemple, et a retenu deux semaine et demi après le détail de ce qu'ils ont rapporté, des questions troublantes et des faits accablants pour les autorités ? Surement pas grand monde. Sans doute que beaucoup de gens n'ont pas pris les mensonges de Darmanin et de Lallemant pour argent comptant, mais pour la plupart, ils sont passés à autre chose. C'est comme ça, l'actualité déferle et les derniers sujets recouvrent les précédents...
    Darmanin le savait forcément. Il sait que le mensonges et la calomnie laissent toujours des traces, alors que le temps fait oublier les détails, c'est à dire les défaillances de ses services, les siens, ainsi que son cynisme et sa lâcheté de ne pas assumer ses responsabilités. Il va rester ministre et donc de son point de vu, il sera le vainqueur de cette crise, parce que les supporters de Liverpool, leur réputation et ce qu'ils ont physiquement et psychologiquement subi le 28 mai à Saint-Denis, vous pouvez être sûr qu'il n'en a rien à faire.

  • Mangeur Vasqué le 15/06/2022 à 23h40
    Je partage une partie des grandes lignes de ton analyse et m’associe pleinement à la frustration qui s’en émane.

    Quelques remarques en vrac.

    Au sujet de la phrase d’intro que tu cites (“La gestion catastrophique de l'après-Stade de France est en train de se retourner contre Gérald Darmanin et les responsables du fiasco”) en t’interrogeant sur son degré d’optimisme.

    Certes, la formulation peut paraître optimiste vu que personne n’a été viré et que Darmanin ne semble pas avoir été inquiété outre mesure par Macron.

    Sauf une engueulade, apparemment. Une soufflante qu’on devine tout de même robuste, car Jupiter n’a pas dû aimer qu’on se torche ainsi sur la France à travers la planète. Il a quand même bien dû le remettre à sa place àma. Le fait que Darmanin ne soit probablement plus le ‘blue-eyed boy’ lien de Macron (son favori) est dejà en soit une conséquence pour Darmanin et peut-être pour sa future carrière politique, au sommet de l’État j'entends.

    Le Panda du Havre, s’il est élu en 2027 (lui ou tout autre spécimen gris interchangeable de la droite), se risquera-t-il à promouvoir – premier ministre – ou recaser le fébrile Darmanin à un poste ministériel à risque ? Pas sûr. Darmanin a prouvé avec cette histoire qu’il est une ‘liability’, davantage un risque qu’un atout. Il ne respire pas la sérénité dirait-on en jargon footballistique. C’est un danger, un fardeau, c’est pas la Sécurité sociale.

    Pour ce qui est des conséquences, c’ est une question de gradation et perspective. Y’a du tangible et de l’intangible. “Gérald Darmanin et les responsables du fiasco” est aussi une forme de métonymie ici.

    Darmanin a été exposé universellement comme le Roi des Incompétents et un calomniateur hors pair, et ça c’est déjà un beau csc par rapport à son objectif de départ, une agitation frénétique du spectre hooligan anglais et autre. On se retrouve maintenant avec Darmanin, la France et par association Macron, et la FFF, exposés pitresquement à la face du monde comme non seulement incapables d’organiser un banal événement footeux mais en plus en belles ordures qui tentent pied-nickelésquement de faire porter le chapeau aux supporters anglais. Tout ça a bien marqué l’opinion internationale.

    On constate déjà des conséquences à ce fiasco et à ce torrent de calomnies et mensonges. A commencer par les énormes dommages à l’international et la dégradation de l’image de la France. Dommages qui, forcément, entament la crédibilité de la France avec les instances internationales du football par exemple, ce qui devait se traduire soit par des sanctions, soit par une placardisation de la France.

    La France va probablement se prendre des sanctions de l’UEFA, au moins un match à huis-clos j’imagine. De toute manière, sanctions ou pas, on voit mal l’UEFA confier de nouveau une finale à la France de sitôt, et ça c'est déjà une grosse tache dans le bilan Darmanin.

    Après le fiasco de Wembley en juillet dernier, l’Angleterre avait été sanctionnée de deux matches à huis clos – dont un avec sursis. Ce match 'behind closed doors' s’est joué à Molineux la semaine dernière vs l’Italie. Southgate, le sélectionneur, a parlé d'un ‘embarrassment for the country’ lien.)

    Rappelons que l'Angleterre avant le désastre de la finale de l’Euro, partait favori pour organiser la Coupe du monde 2030 (plutôt le Royaume-Uni d'ailleurs, car matchs prévus au pays de Galles, en Irlande du Nord et en Écosse, si ces derniers font toujours partie du club maudit d'ici là), mais doit (très probablement) se contenter de la co-organisation, avec l’Irlande, de l’Euro 2028 suite aux graves incidents de Wembley.

    Ce qui est certain est que ce qu’on a vu au SdF, une finale dont Macron avait fait une affaire personnelle lien (donc finale qui revêtait un aspect symbolique, Macron se portant garant en quelque sorte), n’a ni fait avancer la cause personnelle de Darmanin, ni celle du gouvernement, ni celle de la France, ni celle de la FFF auprès des instances internationales.

    Évidemment, les gens passent vite à autre chose, un scandale chasse l’autre et l’ère s’est radicalisée avec les rézosocios et une appétence retrouvée pour les ‘strongmen’. Alors, qui sait, on retrouvera peut-être Darmanin président un jour. Mais là, dans l’immédiat, je vois mal comment le crime pourrait lui profiter. (On a vu bien plus ouf relativement récemment : l’élection des Conservateurs 3.0 en 2010, leur rouleau-compresseur illibéral et autre ont été, et sont toujours, un choc (vos scandales de type corruption systémique politico-financière et votre néolibéralisme macronien vous paraîssent sûrement, et légitimement, épouvantables mais à côté de la version British c’est du pipi de cloporte marxiste hein) ; Trump ; Brexit ; Boris Johnson élu triomphalement avec une énorme majorité.)

    Il est par ailleurs tout de même clair (sondages) que la vaste majorité de l’opinion publique pense que Darmanin a menti. Seulement 4 jours après ce fiasco, y’avait une grosse majorité de gens qui ne croyaient pas Darmanin, cf ce sondage lien. 90 % des sondés pensent que cela entache l’image de la France dans le monde et 73 % sont vénères.

    Certes, y’avait au départ, les premiers jours mettons, probablement pas mal de demeurés qui pensaient que c’était aussi la faute des ‘hooligans anglais’ mais cette proportion doit quand même avoir fortement baissé. Après forcément, à l’heure des haters, y’aura toujours une bonne frange d’irréductibles. D’où le recours des populistes à la stigmatisation (stigmatisez, il en restera toujours quelque chose).

  • Red tattoo le 16/06/2022 à 09h24
    Tout cela est très vrai et nous sommes, je crois, d'accord sur à peu près tout dans cette lamentable affaire : dispositif policier prévu pour la guerre contre le fantôme des hooligans des années 80, incompétence de la préfecture de police, lâcheté, cynisme et mensonges des responsables, ministres en tête, image de la France gravement abimée, Darmanin qui passe pour ce qu'il est aux yeux d'une partie de l'opinion, etc.
    Mais j'aurais voulu plus, tellement plus, sur ce dernier point, Je voudrais qu'il subisse des conséquences politiques à hauteur de l'insulte et de la blessure qu'il a infligées à tous les supporters de Liverpool. D'où ma frustration en constatant qu'une fois de plus (tu donnes quelques exemples de triomphes récents du mensonge et de la malhonnêteté), il y aura quelques secousses de court terme, puis plus rien... Enfin, je me trompe peut-être :)

  • Mangeur Vasqué le 16/06/2022 à 22h08
    Cette impunité récurrente est écœurante. Là aussi, parallèles avec Hillsborough. Est-ce qu’une nouvelle fois personne (de haut placé) ne va payer dans cette affaire ?

    A Hillsborough, seul un (relatif) lampiste fut condamné, Graham Mackrell (comme le dit l’article, juste à une amende, et en 2019 lien). Le pire dans l’histoire c’est qu’après Hillsborough Mackrell fut promu (il n’est pas le seul). Il resta à Wednesday une dizaine d’années après la tragédie (j’y allais souvent à l’époque, habitant à dix minutes en voiture de là), puis fut nommé ‘chief exec’ de West Ham (viré après 8 mois), puis comme je l’écrivais dans un poste sous cet article lien, hérita d’une pantouflerie à la League Managers Association. Il a aussi bossé pour l’UEFA.

    Pas mieux en Angleterre (qu'en France) après les gravissimes défaillances à Wembley en juillet dernier. Le rapport accablant (surtout pour la FA et pour la Met - la police londonienne) publié en décembre 2021, n’a entraîné aucun limogeage ou démission. Ni parmi les responsables de Wembley, ni à la FA, ni au ministère de l’Intérieur, ni à l’UEFA bien sûr, ni à la Met.

    La notoirement incompétente Cressida Dick, cheffe de la Met, aurait dû être mise à pied (elle se traîne une impressionnante collection de casseroles elle, depuis des années, mais elle est archi couverte. Déjà, en 2005, alors en charge de l'unité contre-terrorisme à Londres, un pauvre Brésilien totalement innocent, Jean Charles de Menezes, s'était fait descendre par son unité dans le Tube londonien, comme ça, sans sommation ni rien ("méprise sur la personne") lien. Affaire classée sans suite, Le monde lien "Le Brésilien, âgé de 27 ans, était en fait un citoyen innocent, électricien, victime d’une bavure restée impunie. Aucun policier n’a été condamné pour la mort du jeune homme." Loin d'être inquiétée, elle n'a cessé d'être promue. Elle a tellement aidé Boris Johnson au cours des années, et tout récemment, que pas touche. Elle et lui sont de vieux potes elle et il l’avait pistonnée pour le poste de boss de la Met en 2017 (nomination par le ministre de l’Intérieur).

    Elle vient enfin d’être éjectée pour autre chose (62 ans, retraite), après des années de prévarication, dont des tentatives de blocage du rapport de 2021 dénonçant la “corruption institutionnelle” et les graves dysfonctionnements au sein de la Met lien (ses derniers faits d’armes : lien. Le traitement par la Met du féminicide sur Sarah Everard en 2021 est particulièrement révoltant – avant, pendant et après lien).

  • Mangeur Vasqué le 16/06/2022 à 22h43
    Et la colère ne faiblit pas en Angleterre. Article du Guardian hier, où il apparaît que la ‘confusion’ avec Hillsborough est bien l’un des déclencheurs : lien "Outrage as report on Paris final policing links Hillsborough with hooliganism".

  • Mangeur Vasqué le 18/06/2022 à 11h20
    Cinglant billet de David Conn hier dans le Guardian contre l’ignorance de la direction des services de police et ceux des renseignements français ('ignorance' est faible ici, j'aurais plutôt choisi 'inculture profonde', voire 'obscurantisme') : lien

    “Reference to Hillsborough in pre-match intelligence points to negligence of French police in dealing with Liverpool fans”

    Comme tout le monde au Royaume-Uni (sauf le lectorat des tabloïds, toujours prompt à charger les supporters de football/Liverpool et/ou ‘l’immigration’), Conn n’en revient pas des amalgames odieux, du niveau d’incompétence, d’impréparation et d’ignorance des services concernés.

    Morceaux choisis :

    "The truly shocking revelation about the disastrous approach of the French police at the Champions League final in Paris appeared in plain sight in the first, flawed official report into the near-disaster released last Friday.

    […]

    The single sentence about police “intelligence” before the match has provided the first glimpse of an explanation as to why the officers were so tooled-up, and acted like self-appointed last-ditch defenders of civilisation rather than guardians of safety for fans attending a glittering final with hope in their hearts.

    It appears to confirm the worst suspicions of Liverpool and their supporters: a note that the Paris police had prepared for the 2022 Champions League final by referring to the 1989 Hillsborough disaster. At Hillsborough, 97 people were unlawfully killed in horrific circumstances due to police gross negligence in managing the match, and Liverpool supporters behaved well and heroically. But the French police concluded from that historic disaster that although safety failures had been responsible for the deaths, they needed “a firm policing arrangement, to maintain order in riot gear, in order to be able to respond to a risk of collective phenomena of hooliganism and havoc”.

    There are two broad ways in which this was catastrophically misconceived. The first and most obvious, the stinging ignorance, has caused renewed offence and despair to bereaved Hillsborough families and survivors, who established the truth through a 27-year justice campaign against South Yorkshire police lies. The second points to an even blunter failure of intelligence and planning: why on earth were the Paris police thinking about Hillsborough at all?

    […]

    Liverpool have continued to play football every season since; they played in the French capital against Paris Saint-Germain as recently as 2018. As Cadot’s report even acknowledges, they do not generally cause trouble, but somehow the police steeled themselves for a riot because of a disaster in 1989?

    […]

    The shambolic organisation raises urgent questions about Uefa’s own competence but the dreadful policing and the French government’s indulgence of it have broadcast an alarming picture of France itself. So far its ministers seem to accept this only dimly, having to recognise that their efforts to blame Liverpool supporters have not succeeded, and acknowledge grudgingly that the chaos was an embarrassment for the country’s image. It is far more serious than that: the scenes have shocked the world.

    To be clear, advance intelligence is of course a routine and necessary part of planning for any football match. But it is vanishingly unlikely that the French police would have received such nonsense about Hillsborough from any other organisation involved in the planning.

    Geoff Pearson, professor of law at the University of Manchester, an expert on football fan behaviour and safety regulation, explains that French police have been deploying riot officers at football matches quite routinely for many years. “This happens regardless of intelligence, so there is a major question, yet to be answered, about why the French police deploy in riot gear, but I don’t see it changing any time lien

    […]

    The stony-faced cops wielding pepper spray will not have given a thought in their Hillsborough “intelligence” to the reality that 24,000 Liverpool supporters were at that 1989 disaster. Many, including many of the 97 who died, were young at the time because football was more affordable then; tickets for the Leppings Lane terraces cost £6. So, very many survivors of that terrible day are still Liverpool supporters, now in their 50s and 60s, and they were at the match in Paris. Many experts have observed that the trauma and collective memory of Hillsborough contributed to the supporters’ “exemplary” behaviour, as Merseyside police described it, and prevented the appalling bottlenecks bodged by the French police descending into another fatal crush.

    […]

    Just as there remains calamitously flawed understanding of the truth about Hillsborough, so there is insufficient appreciation about the complete overhaul in safety since, regulated by law, to guard against it happening again.

    The terrible twist is that the French police’s ignorance of Hillsborough contributed to them nearly precipitating another disaster, as they tooled up for a riot and failed to focus on safe flows of visitors, to a flawed stadium in a rough area on a day further complicated by a rail strike.

La revue des Cahiers du football