Dans les cartons des Dé-Managers : #15
Le duel entre Manchester City et Barcelone, l'utilité de Miroslav Klose, la défense à trois de l'OM, la flexibilité du Bayern, le roi Diego, les arbitres de surface... Et même Jérémy Morel.
Changements de dispositifs ou de joueurs, batailles philosophiques et stratégiques, échecs et réussites… Chaque semaine, les quatre Dé-Managers proposent leurs billets d’humeur.
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City-Barcelone: ailiers et forces de l’axe
Christophe Kuchly (@CKuchly) – Jamais sans doute le football n’a connu autant d’équipes aux effectifs aussi denses en qualité. Le Real, le Bayern, Chelsea, Manchester City et Barcelone disposent, hormis peut-être sur les lignes arrières, de multiples solutions de rechange qui permettent toutes les adaptations tactiques. Et les deux derniers cités, qui s’affrontent mardi soir, ont en plus des techniciens nouveaux, venus avec leur propre philosophie, et qui savent changer d’approche.
Il est ainsi très compliqué de prédire qui sera sur le terrain et quels seront les systèmes de jeu. Le 4-3-3 barcelonais et la volonté d’avoir la balle devraient être au rendez-vous, et l'on imagine aisément Manuel Pellegrini demander à ses hommes de jouer bas pour profiter des espaces en contre-attaque. Un style qui déplaît fortement aux Catalans, eux qui sont vulnérables sur les côtés à la perte du ballon. C’est en cela que le choix des hommes sera important. Côté barcelonais, les très offensifs Dani Alves et Jordi Alba semblent incontournables. À droite, préférer Pedro à Alexis Sanchez changerait surtout l’aspect offfensif, l’Espagnol dévorant les espaces et pressant plus. À gauche, placer Andrés iniesta ou Cesc Fabregas voudrait dire contrôler la possession et le jeu, là où Neymar l’enflammerait… mais ne pourrait pas jouer le pompier pour contenir les offensives de City.
Les Anglais, eux, ne pourront pas compter James Milner, suspendu, pour verrouiller tout le côté gauche à la Dirk Kuijt. C’est autant de chances en plus de voir des duels débridés sur l’aile, avec Jesus Navas et David Silva prêts à prendre la profondeur dans le dos de leur latéral à la moindre occasion. C’est sans doute là que se trouve la première clé du match: Barcelone doit trouver le juste équilibre entre agression offensive et défense de ses intérêts face à deux ailiers qui connaissent parfaitement les forces et faiblesses de ce 4-3-3.
L’essentiel de la bataille se déroulera néanmoins dans l’axe, un domaine qui a semblé définir de manière inéluctable les résultats des Citizens cette saison. Javi Garcia (ou Fernandinho s’il est apte) aura la lourde tâche de bloquer les triangulations offensives en empêchant Lionel Messi d’être trop libre, ce qui fut le cas de Thomas Müller dans un rôle similaire début octobre. Car si Yaya Touré peut exploiter la moindre faille, son abattage ne permet pas de renverser seul le rapport de force au milieu. Ces considérations tactiques comportent néanmoins une variable qui pourrait être la vraie problématique: Manchester City, qui devrait également être très dangereux sur les coups de pieds arrêtés, possède-t-il la condition physique pour combiner travail défensif minutieux et projections vers l'avant?
Maison Klose
Julien Momont (@JulienMomont) – Peu d'attaquants sont plus adroits dans la surface que Miroslav Klose. La saison dernière, 39,5 % des tirs de l'Allemand ont fini au fond des filet, meilleur ratio pour un joueur à plus de quinze buts. Une efficacité qui lui a longtemps assuré la place de titulaire à la pointe de l'attaque de la Nationalmannschaft, même lorsqu'il était remplaçant au Bayern Munich. C'est elle, aussi, qui a conduit la Lazio à lui proposer, à trente-cinq ans, une prolongation d'un an de son contrat, jusqu'en 2015.
Klose n'est pas spécialement rapide. Il ne sort pas du lot techniquement. Il n'est pas particulièrement puissant et participe peu à la construction du jeu. Dimanche, à Catane, l'Allemand n'a touché que trente-huit ballons – plus faible total du match pour un joueur ayant disputé plus de quarante-cinq minutes. Mais ses qualités de finisseur suffisent à le rendre incontournable. Il a achevé neuf des douze dernières saisons avec au moins dix réalisations à son actif en championnat, neuf sur dix si l'on exclut son passage sur le banc bavarois entre 2009 et 2011. Avec lui, le moindre instant d'égarement d'une défense peut suffire à faire basculer un match.
Mais lorsque celui-ci n'arrive pas, Miroslav Klose est tributaire de ses coéquipiers. Ce sont eux qui lui offrent ses munitions. Parce qu'il ne se crée par de buts par lui-même, ce sont eux qui lui permettent d'exister, qui fondent sa pertinence et sa légitimité sur un terrain. Lorsqu'ils faillissent dans leur tâche créative, sa présence devient vaine, voire pénalisante. Elle prive une équipe qui en manque d'un détonateur potentiel. C'est ce qui est arrivé dimanche midi à Catane, alors lanterne rouge de Série A. Rapidement devant au score dans chaque mi-temps, les Siciliens ont évolué en bloc bas et regroupé. Déchet excessif, manque de percussion: les Romains ont été incapables de trouver la faille. Signe de l'impuissance des Laziales: huit de leurs dix tentatives ont été effectuées par des milieux de terrain.
Klose, lui, était privé d'espaces face à la densité défensive adverse. Seul recours, dès lors, pour l'alimenter: les centres. Trente au total, coups de pied arrêtés compris. Sept, seulement, ont trouvé preneur. Sur l'un d'eux, l'attaquant allemand a réalisé son unique tir du match, une tête trop décroisée, à la... 78e minute. Une seule occasion. Cela lui a certes souvent suffi par le passé pour être décisif. Mais en ce début d'année, Miroslav Klose est un buteur endormi. Il n'a marqué qu'une fois en sept matches en 2014.
On a aimé
Henri Bedimo n’a toujours pas marqué cette saison, mais qu’importe. Altruiste, il a offert à Jimmy Briand un but sur plateau d’argent, ajoutant une sixième passe décisive à son compteur. Au-delà des statistiques, le latéral gauche domine vraiment son sujet en ce moment.
Mieux que personne, Alexandre Lacazette illustre le renouveau des aboiements lyonnais dans le jeu. Il l’a encore prouvé ce dimanche, dans un jaillissement de courses croisées et de remises en pivot, embarquant notamment Ricardo Faty sur le but tout en suavité de Gueïda Fofana.
La construction du troisième but de Catane face à la Lazio, parfaite exploitation d’une couverture déficitente de l’ailier laziale Lulic sur le latéral sicilien Gino Peruzzi. Le rush de l’Argentin a suffi à désorganiser la défense romaine, incapable de colmater la brèche ouverte à la base. Premier but de la saison pour l’ancien de Vélez, familier des accros à Football Manager.
Le match de Mesut Özil en Coupe d’Angleterre face à Liverpool. Pris pour cible ces derniers temps, l’Allemand a bien réagi, tout en subtilité, emmenant les contre-attaques de son équipe et conduisant son jeu. Le deuxième but d’Arsenal est lancé par une de ses passes parfaitement dosées dans la profondeur.
La prestation d’Angelo Ogbonna face au Chievo. Face à un duo Théréau-Stoian très axial pour empêcher Bonucci d’être le premier relanceur de la Juve, il a pris ses responsabilités: 114 ballons joués – 18 de plus que Pirlo – et une faculté intéressante à casser les lignes par la passe ou la course balle au pied. L’illustration d’une défense turinoise pleine de ressources.
On n'a pas aimé
La prestation défensive d’Abdoulay Konko contre Catane. L’arrière droit français a accumulé les fautes – six au total –, dont plusieurs totalement inutiles permettant à la lanterne rouge de s’extraire de la timide pression laziale. Le genre de détails qui peuvent empêcher une remontée au score en offrant à l’adversaire des moyens de casser le rythme.
Les jeunes de l’AC Milan coachés par Pippo Inzaghi, certes vainqueurs de la Viareggio Cup face à Anderlecht, mais avec deux cartons jaunes pour simulation en finale (un Belge sera également sanctionné pour la même raison). Le dénommé Fabbro, l’un des avertis, aura ensuite la bonne idée de fêter son but en prolongation en enlevant son maillot. Un carton rouge stupide qu’on qualifiera d’erreur de jeunesse.
Le comportement de Leverkusen sur le coup franc de Schalke 04 qui mène au but de Klaas-Jan Huntelaar. Les joueurs de Gelsenkirchen sont venus en nombre dans la surface sur un coup franc axial assez lointain. Ceux de Sami Hyypiä n’ont pas joué le hors-jeu et pris le risque d’une tête perdue. Celle du Hollandais a fini dans les cages de Bernd Leno.
La maladresse de Villarreal, symbolisée notamment par Jérémy Perbet, impeccable pour se démarquer et favoriser le développement du jeu mais malheureux à la finition. De quoi laisser le Celta, dominé tout le match, repartir avec avec une victoire inespérée.
L'infographie de la semaine
Le positionnement moyen des Marseillais face à Saint-Étienne dimanche soir. Où l’on voit que Morel et Dja Djédjé jouent effectivement les rôles de pistons caractéristiques d’une défense à trois, dans ce qui ressemble à un 3-2-4-1. (Via StatsZone)
La décla
“En cours de match, [Pep Guardiola] va, par exemple, dire à l’attaquant de faire des courses différentes, ou ajuster légèrement la position des milieux centraux l’un par rapport à l’autre. Je pense que nous sommes maintenant encore plus flexibles, nous avons encore plus le contrôle et nous sommes plus imprévisibles.” Philipp Lahm, à propos de ce que Pep Guardiola – “un fou de foot, dans le sens positif du terme” – a apporté au Bayern.
La vidéo de la semaine
Diego Maradona, formidable buteur, pouvait aussi faire des passes. En voici dix, qui ne sortent pas du lot en tant que telles mais montrent son extraordinaire capacité à garder toute lucidité après des actions d’éclat individuelles.
L'anecdote
La partie entre Vasco et Flamengo ce week-end a été le théâtre d’un fait, sinon jamais vu, très rare: l’implication des deux arbitres de surface sur des phases de jeu similaires. Le premier, pourtant collé au poteau, n’a rien signalé alors que le coup franc de Douglas avait franchi la ligne (de 33 cm selon la télévision brésilienne). Quelques minutes plus tard, de l’autre côté et là aussi sur coup franc, celui d’Elano a été accordé par… l’autre arbitre de surface. Une décision qui a provoqué la colère des joueurs de Vasco mais qui semble être la bonne.
Le bonus sociétal
Immersion (en anglais) au Pakistan, dans l’un de ces endroits qui contribuent pleinement au football sans jamais que l’on parle d’eux: une usine de fabrication de ballons.
La revue de presse (presque) anglophone
Jonathan Wilson part de l’exemple d’Hugo Lloris pour revenir sur d’autres exemples historiques de gardiens-libéros et leur influence sur le jeu.
Ian King revient sur six règles absurdes plus ou moins brièvement introduites dans l’histoire du football, dont la merveilleuse suppression du hors-jeu sur tout coup franc direct.
Les tactiques de David Moyes sont-elles d’un autre âge? À en juger par ces captures d’écran, celles-ci souffrent de la comparaison avec celles du Bayern guardioliste… On invitera néanmoins à se méfier de ce genre d’images arrêtées, prises hors de leurs contextes déjà bien différents, et des lignes tracées qui pensent détenir la vérité. Acharnement?
Moussa Dembélé n’est pas un milieu offensif. D’accord, mais alors: qu’est-il donc?
Et si la clé de la formation des jeunes joueurs était de leur faire toucher le ballon à outrance?
Les principes de Johan Cruijff ne sont pas réservés à Barcelone ou à l’Ajax. La preuve par l’exemple avec ce que Carlo Ancelotti fait actuellement au Real.