Dans les cartons des Dé-Managers : #14
L'intermittence de Milan, les bienfaits du jeu à réaction, les multiples centres de Manchester, les futurs coaches diplômés, les sessions d'entraînement de Guardiola...
Changements de dispositifs ou de joueurs, batailles philosophiques et stratégiques, échecs et réussites… Chaque semaine, les quatre Dé-Managers proposent leurs billets d’humeur.
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Entre deux eaux, Milan se noie
Christophe Kuchly (@CKuchly) – Regarder Naples dominer Milan ce week-end, c’était surtout être exposé aux faiblesses de l’équipe de Clarence Seedorf. Non pas que les Napolitains aient fait un mauvais match, loin de là, mais c’est comme s’ils n’avaient eu qu’à profiter des offrandes de leur adversaire. La tâche est évidemment beaucoup plus facile quand on n’a qu’à exploiter un déséquilibre plutôt que de devoir le créer. Dans ce cas précis, on pourrait qualifier l’erreur stratégique comme étant celle d’un “non choix”. Ne pas savoir si l'on doit presser ou attendre, contrôler la possession ou pas, viser les pieds ou la profondeur.
À la rigueur, se rater offensivement n’est pas si dramatique que cela. La capacité à marquer sur un malentendu existe toujours, surtout quand on aligne Adel Taarabt, qui économise en travail de replacement une énergie bien utile pour exploser et faire la différence seul. Son but initial, certes favorisé par une défense en surnombre qui recule sans envoyer un joueur en guise d’obstacle, prouve en effet que le talent individuel est une variable tactique beaucoup plus grande et permanente que ne peuvent l’être les décisions arbitrales par exemple. L’indécision défensive est en revanche beaucoup plus embêtante.
Urby Emanuelson et Mattia De Sciglio ont fait une erreur qui semble à la mode en ce moment: jouer haut sans déborder. Une faute imputable au duo Essien-Robinho, incapable d’assurer correctement l’orientation du jeu après les récupérations de Nigel de Jong, lesquels n’ont, en plus, pas reçu de soutien des ailiers Taarabt (économe) et Abate (latéral). Jamais servis, le surnombre offensif provoqué par leur position ne l’a été qu’à hauteur du milieu de terrain, ce qui n’a aucun intérêt. Les récupérations de balle ont pu profiter à Lorenzo Insigne et Dries Mertens, trouvés sans peine dans la profondeur, tandis que Gonzalo Higuain pouvait profiter de cette tendance générale de la défense à s’avancer pour prendre Rami et Mexès – obligés en plus de sortir sur Marek Hamsik – dans leur dos. La qualité du jeu de passe de Jorginho, parfait depuis son arrivée, et d'Inler a fait le reste.
À ce stade de la réflexion, tous les noms des joueurs de champ milanais ont été mentionnés sauf un. Invisible sur le terrain, il a droit à sa photo en guise d’illustration. Quelque soit le motif des larmes de Mario Balotelli samedi, la vue de la rencontre révèle un autre problème, tactique celui-là: à talent équivalent, une équipe capable de fulgurances mais sans travailleurs peut difficilement s’en sortir. Et l’attaquant de pointe, peu importe ses ratés, est alors l'un des derniers à mettre sur le banc des accusés.
Liverpool, la contre-attaque et le pressing
Raphaël Cosmidis (@rcosmidis) – De Liverpool-Arsenal et de Monaco-PSG, deux matches aux résultats diamétralement opposés, on retiendra cependant des débuts de rencontres similaires dans l’intensité grâce au pressing des Reds à Anfield, et à celui des Rouge et Blanc à Monaco. Dans les deux cas, le leader a été dépassé, plus en Angleterre qu’en Principauté, par la hauteur et l’agressivité de la première ligne adverse. Marco Verratti a perdu plusieurs ballons très proche de son but, et du côté d’Arsenal, c’est Mesut Özil qui a vu Jordan Henderson et Philippe Coutinho débouler plusieurs fois sur ses chevilles pour lui voler le cuir.
Si Paris est parvenu à s’échapper des zones de pressing, notamment par un ailier en réalité quatrième milieu, Javier Pastore, Arsenal a subi l’efficacité destructrice de Liverpool, concédant coups de pied arrêtés (dont deux ont fini sur Skrtel et dans le but de Szczesny, et un a conduit à la frappe monumentale de Luis Suarez) et possessions, se montrant impuissant face aux surgissements des Scousers.
Ce 4-0 en vingt minutes, qui rappelle la victoire sur Everton dix jours plus tôt, illustre parfaitement le virage pris par Brendan Rodgers depuis les recrues de l’hiver dernier, Daniel Sturridge et Philippe Coutinho. Autrefois fidèle de la possession, Rodgers tend de plus en plus vers le pragmatisme (Liverpool n’est classé que 9e meilleure possession en Premier League), sans doute après s’être rendu compte que son effectif n’était pas le groupe idéal pour multiplier les phases de construction. Un développement logique pour un ancien disciple de José Mourinho, spécialiste de l’adaptation. Avec le vieillissant Steven Gerrard et sans défenseurs à l’aise ballon au pied, Liverpool était une proie facile pour des adversaires courageux. L’importance grandissante du jeu de contre sublime d’ailleurs les qualités de Philippe Coutinho et de Raheem Sterling, qui peinaient depuis le début de la saison, mais brillent ces dernières semaines. Et elle prouve qu’un jeu reactive (opposé à proactive outre-Manche) n’est pas forcément synonyme d’ennui.
On a aimé
La justesse et l’altruisme d’Alejandro Dominguez, qui distribue trois offrandes après avoir marqué, ainsi que le voir partager vingt minutes avec son compatriote Ariel Ibagaza. En marchant, d’une pichenette par dessus la défense puis d’un ouverture parfaite en profondeur, le vétéran met en lumière la beauté de l’avant-dernière passe dans l’angle de la surface. L’Olympiakos, vainqueur 5-0 de Veria, file vers le titre.
Wallyson, trois buts en vingt-cinq apparitions l’an dernier en Serie A avec Bahia, qui réussit contre le Deportivo Quito un triplé qui permet à Botafogo de disputer la Libertadores.
La nouvelle démonstration de Salzbourg, qui écrase le certes le championnat autrichien, mais avec style. Son dauphin Grödig, laminé 6-0 (et qui a désormais une différence de +2 contre +52 pour le Red Bull), en a vu de toutes les couleurs. Si Alan et Soriano, auteurs de deux triplés, sont mis en lumière, c’est toute l’équipe qui propose un jeu fluide et tranchant, avec notamment un pressing très haut (et parfois risqué) sur les attaquants adverses.
L'organisation asymétrique de Valence face au Bétis. Sofiane Feghouli en faux ailier droit qui se balade dans l'axe, le latéral Barragan très haut pour compenser, et un Javi Fuego prêt à coulisser en couverture. De quoi créer un surnombre autour de la sentinelle adverse sans perdre en largeur offensive.
La générosité de Clément Grenier, qui pallie ses quelques lacunes ès verticalité par un sixième sens de l'espace dans la latéralité. En témoigne son somptueux contrôle-passe pour Gomis, pour un non moins somptueux contrôle-tir de ce dernier. Attention toutefois à maîtriser son agressivité dans le pressing.
On n'a pas aimé
Le match catastrophique de l’Atlético à Almeria, dans la foulée d’une prestation décevante en Coupe contre le Real. Au-delà du résultat comptable, qui hypothèque les chances de victoire finale dans les deux compétitions, c’est la manière qui interroge. Sans rythme, sans jus, l’Atlético ne semble tout simplement plus capable de transcender une philosophie de jeu basée sur le volume physique de quelques éléments clé. Finalement assez logique vu le manque de turnover depuis août, mais pas du tout bienvenu à cette période clé de la saison.
Mené en fin de première mi-temps à Valence, le Bétis a tenté de revenir en évoluant plus haut. Mais sans pressing efficace – la faute notamment au replacement du physique Alfred N'Diaye en défense centrale – sur le doble pivote Fuego-Parejo, le club che s'est régalé dans la profondeur, à l'image des buts jumeaux de Feghouli et Vargas.
Le premier quart d'heure de Monaco en seconde période. Replacé dans son losange habituel, le club de la Principauté a manqué de cohésion et d'intensité dans le pressing. Résultat: une passe à dix parisienne avec des renversements efficaces d'un latéral vers l'autre, Thiago Motta en chef d'orchestre.
L'infographie de la semaine
Le nombre de points par match du top 5 des grands championnats ainsi que du Championship. Où l’on voit que les différences de rythme concernent surtout les trois équipes de tête (Via @sportingintel).
La décla
Extrait d’une interview donnée par Tim Sherwood, nouveau coach de Tottenham, à Sky Sports:
"Est-ce que vous êtes comme Harry [Redknapp], est-ce que vous dites à vos joueurs “on joue comme on sait le faire” et vous les laissez se débrouiller?
– C’est une façon de faire. Je pense que contre beaucoup d’équipes, c’est une façon de faire qui fonctionne. Mais face à d’autres équipes [plus fortes], il va y avoir un manque, une infériorité technique. C’est là qu’il y a un besoin d’ajustement. Le match contre Manchester City a été une leçon pour nous. Il y a très peu d’équipes avec lesquelles on ne peut pas rivaliser. Un club comme Tottenham doit avoir sa propre identité et son propre style de jeu et laisser l’adversaire se soucier de nous.”
La vidéo de la semaine
On peut supposer que, dans sa préparation d’avant-match face à Fulham, David Moyes a demandé à ses joueurs de mettre la balle dans la surface. Le résultat est assez hallucinant: 81 centres, un record depuis que cette statistique est comptabilisée. Le défenseur Dan Burn a comparé cela à du “football de Conférence" (le cinquième niveau anglais), ravi de “savoir ce qui allait se passer”. Pendant ce temps, Robin Van Persie et Wayne Rooney ont échangé huit passes en deux matches dont quatre… sur des engagements
L'anecdote
La nomination de Clarence Seedorf aux dépens de Filippo Inzaghi interroge sur la reconversion au poste d’entraîneur. Contrairement au Néerlandais, Pippo est en effet titulaire de l’UEFA Pro Licence. Ils étaient cinq autres champions du monde 2006 dans la dernière promotion italienne: Fabio Cannavaro, Fabio Grosso, Marco Materazzi, Massimo Oddo et Gianluca Zambrotta. Grosso, Oddo, Zambrotta ainsi que Andrea Sottil, ancien joueur de l’Udinese et de l’Atalanta, ont vu leur travail jugé particulièrement bon. Le major de promotion était Hernan Crespo, pour sa thèse “Le footballeur moderne: identité, nationalisme et internationalisation”.
Le bonus coaching
Les sessions d’entraînement de Pep Guardiola au Barça B, en espagnol. Près de cent pages remplies de schémas qui donnent une idée de la passion du technicien pour son métier.
La revue de presse anglophone
L’absence de Cristiano Ronaldo permet à Gareth Bale d’être le centre du Real offensivement et de donner sa pleine mesure selon Michael Cox.
Thesefootballtimes se penche sur l’influence de la philosophie de Johan Cruyff sur le football d’aujourd’hui.
Une nouvelle méthode d'analyse pour comparer des milieux axiaux: l'analyse de leurs angles et longueurs de passes et l'endroit d'où ils les font. À la clé, des infographies qui permettent notamment de voir que Busquets et Pirlo ont des jeux très spécifiques.
Analyse infographique détaillée de la répartition des tirs dans les quatre grands championnats. Et quelques constats forts qui peuvent surprendre, comme le faible nombre de frappes hors de la surface en Allemagne.
L’excellent site Granltand revient sur le choc de lundi dernier entre Chelsea et Manchester City avec ce constat: sans Fernandinho pour stabiliser le milieu, City est très affaibli.