Champion à plus d'un titre
Lyon, trois fois Lyon : l'OL écrit sa légende à sa façon et à son rythme, mais il est irrésistible.
Le mot que nous avons le plus souvent accolé à l'Olympique lyonnais cette saison — dès son entame — est "paradoxes". Ce n'est évidemment pas un titre acquis à l'issue d'une défaite (en fait, de deux défaites en incluant celle de Monaco) qui va dissocier les deux termes. Le match au Parc des Princes, presque anecdotique, n'est cependant pas de nature à amoindrir la performance de l'OL: il peut même se poser en symbole de la qualité restaurée du championnat de France tant le spectacle fut plaisant.
La seconde mi-temps a aussi constitué un joli rappel des mérites olympiens, un peu perdus de vue ces derniers temps. Le palmarès du club s'enrichit donc d'une nouvelle victoire sur le fil, véritable marque de fabrique qui estampille les trois titres consécutifs. La manière avec laquelle a été obtenue cette tierce royale lui donne en effet un lustre tout particulier.
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Une tête de plus que les autres
Les parcours des trois prétendants au titre, malgré des perceptions très différentes au départ, ont étonnamment convergé dans le final, à mesure que les écarts de points et de niveau se réduisaient. Après avoir survolé les débats avec une qualité de jeu rare, l'AS Monaco a progressivement perdu le fil de ses idées, aux lendemains de la victoire surréaliste contre La Corogne. Moins en verve, les Monégasques restèrent tout de même efficaces jusqu'à ce début d'année. Mais la répétition de leurs exploits en Ligue des champions a semblé amoindrir leurs ressources, du moins celles consacrées à la L1, et l'hémorragie de points les a conduits à une anémie fatale.
Le Paris Saint-Germain, auteur d'un début de saison catastrophique — mais qui a probablement joué en sa faveur au bout du compte — a longtemps été stigmatisé pour le manque d'ambition et la qualité déficiente de ses prestations. Ce procès a perduré de façon assez injuste, allant jusqu'à ignorer à la fois les progrès et les vertus spécifiques de ce groupe, capable d'assurer une maîtrise tactique considérable, mais aussi de développer de très beaux mouvements. Au fur et à mesure du rétropédalage de l'ASM et du "ralentissement" très relatif de l'OL (en termes de qualité de jeu), on a donc assisté à une sorte de nivellement entre les trois leaders. La différence s'est alors faite — et ce fut évident au cours des toutes dernières journées — sur l'efficacité, ce concept nébuleux que l'OL a su rendre ô combien concret, à Bordeaux et Metz en particulier.
Au décompte des victoires obtenues à l'arrachée, c'est lui qui a dominé ses concurrents. Ralenti à Strasbourg, le PSG a fait un hors-sujet à Bordeaux tandis que pour l'ASM, le but inscrit par Giuly contre Marseille dans les arrêts de jeu n'a été qu'une parenthèse dans une série de contre-performances. À ce stade du triplé lyonnais, il n'est pas question d'évoquer la seule réussite, ni de réduire le profil de l'OL à celui d'un sprinter: la course de fond lui réussit également assez bien, surtout si l'on considère le parcours suivi depuis trois ans.
La victoire d'un groupe
Privé d'Anderson, l'effectif lyonnais ne comprenait pas cette saison de véritable star, au contraire de ses principaux rivaux (avec Drogba, Pauleta, Morientes ou Giuly). Elber, faute d'une intégration réussie, n'a pas accédé à ce statut, et les figures majeures comme Juninho et Dhorasoo ne peuvent totalement y prétendre. Le Brésilien, malgré de jolis coups d'éclat, a significativement décliné dans le dernier tiers de la compétition et n'a pas eu un impact tellement plus visible (et constant) sur le jeu ou le déroulement des matches que lors des exercices précédents.
Dhorasoo a débuté la saison par de longs séjours sur le banc, a même été écarté du groupe en février, avant de devenir décisif dans la dernière ligne droite. Prenant le jeu à son compte avec une autorité et une vista remarquables, c'est lui qui, au Parc comme précédemment, a été le véritable moteur du nouveau titre. Mais paradoxalement encore, il est le premier partant de l'intersaison, laissant aux internationaux brésiliens et surtout à Grégory Coupet le soin d'incarner l'identité du club…
Quant à Sidney Govou, qui aurait dû franchir un palier cette saison, il a payé les séquelles de sa blessure contractée en Corée et laissé la vedette à un Peguy Luyindula en pleine ascension. Et voilà, avec sa charnière centrale apparemment peu complémentaire et sujette aux sarcasmes, avec son secteur offensif à géométrie très variable, l'OL a la meilleure attaque et la meilleure défense… Dès lors, c'est bien la victoire de tout un groupe qu'il faut saluer, malgré une ambiance pas vraiment fusionnelle, et celle de celui qui en avait la responsabilité.
Le Guen a raison
Dans cette consécration, Paul Le Guen cueillera ses propres lauriers avec autant de discrétion qu'à l'accoutumée. Pourtant — parce que c'est son deuxième titre consécutif, parce qu'on ne peut pas dire que n'importe quel entraîneur aurait été champion à sa place étant donnée l'intensité de la lutte et le total des points du trio de tête, et justement parce que son effectif n'est pas transcendé par des individualités qui "font la différence" à elles toutes seules — le mérite lui en revient forcément, quoi que l'on pense de l'homme et du technicien. L'homme fait les frais d'une apparence lisse qu'il entretient délibérément, tout comme il assume une langue de bois qui fait partie de son jeu (voir son interview).
Bien loin des gesticulations et des rodomontades de certains de ses confrères, il mène sa barque selon ses propres principes, jamais dupe des éloges ou des critiques auxquelles son poste l'expose. Quant au technicien, il incarne bien les incompréhensions que l'OL peut susciter sur tous les plans, ainsi que les limites des analyses tactiques des observateurs. Car ses choix, depuis son arrivée au club, suscitent une perplexité assez générale, qui tient en grande partie à la richesse de son effectif, forcément génératrice d'injustices ou d'incohérences apparentes. Mais en dehors d'un quart de finale de C1 qui a suscité des controverses nettement plus vives, ça a marché. Le vainqueur a toujours raison…
La suprématie nationale de l'OL ne fait donc plus aucun doute, comme en atteste l'intégration au cercle très fermé des clubs ayant réussi à conserver deux fois leur titre. Le paradoxe — encore lui — veut que la conquête des cœurs n'est toujours pas réalisée, et qu'au moment où l'objectif présidentiel des quarts de finale de la Ligue des champions est enfin atteint, ce sont Monaco et Marseille qui s'offrent une de ces épopées européennes qui manquent tant à l'image de l'OL. Cela dit, connaissant le mode de progression du club, lent mais inexorable, il y a fort à parier que cette récompense viendra aussi, en son heure. Note : nous avons choisi de n'évoquer dans cet article ni le rôle évidemment décisif de Jean-Michel Aulas dans la triple consécration de l'OL, ni la série de ses dernières déclarations, totalement indignes de son club et de son propre travail à sa tête.