Ballon d'Eau fraîche 14/15, les candidats : Jonathan Brison et Souleymane Camara
Mon premier se définit comme un homme lambda et lit (vraiment) des bouquins, mon second est un super-sub plein d'humilité. Mon tout donne deux candidats très crédibles à la couronne d'eau fraîche.
Brison la glace
Rien ne prédestinait Jonathan Brison à une carrière de footballeur professionnel. On peut même aller plus loin: sa présence dans l’effectif d’un club pro est un miracle tant les obstacles se sont multipliés sur son chemin sans parvenir à le détourner de son objectif.
Il naît, roux, en Picardie. Lorsque ses parents décident de déménager, c’est pour aller s’installer à Reims, qui navigue à l’époque entre le National et le CFA. Très tôt, les signes ne manquent donc pas pour lui signifier qu’une carrière de footballeur n’est pas envisageable.
Jonathan Brison trouve tout de même le moyen de se faire remarquer et intègre, à seize ans, le centre de formation de Nancy. Il passe pro, certes, mais sous les ordres de Pablo Correa. Utilisé alternativement comme arrière gauche ou milieu gauche, il sait se rendre indispensable et dispute près de 300 matchs sous les couleurs nancéiennes. Après neuf saisons dans son club formateur, couronnées d'une Coupe de la Ligue en 2006, il décide de relever un nouveau challenge en rejoignant l’ASSE lors du mercato 2011-2012.
Le précédent arrière latéral passé de Nancy à Saint-Étienne se nommant David Sauget, les supporters stéphanois sont sceptiques. Dans le Forez, il change de statut. Il n’est plus un homme de base de l’équipe. Il doit d’abord affronter la concurrence de Faouzi Ghoulam, puis de Benoît Trémoulinas. Enfin, il subit de plein fouet la reconversion en arrière gauche de Franck Tabanou. Tout cela, il l’accepte sans jamais faire de vagues et en conservant une bonne humeur qui le rend très populaire dans le vestiaire stéphanois.
Malgré un temps de jeu relativement faible (il est quand même titulaire en finale de la Coupe de la Ligue en 2013), il est considéré comme un homme important au sein du groupe, si bien qu’il a prolongé son contrat à l’été 2014 jusqu’en 2016. Christophe Galtier apprécie son professionnalisme et son implication. Même son de cloche chez ses coéquipiers, François Clerc le qualifiant de “vrai joueur de club, un exemple pour toute l’équipe”.
Jamais vraiment excellent, il ne commet pas non plus de grosses bourdes. Il honore son poste d’arrière latéral, mais pas comme tous ces attaquants reconvertis qui laissent des boulevards dans les couloirs. Dur sur l’homme, il aime poser de gros tacles bien lourds le long de la ligne de touche, comme en district. Côté physique, il rougit au fur et à mesure de ses nombreux allers et retours, au lieu d'arborer crème de jour et coiffure fantasque comme nombre de ses collègues contaminés par la fièvre métrosexuelle.
En dehors des terrains, il se distingue par sa discrétion et se définit lui-même comme quelqu’un de lambda, “un homme comme un autre”. Il règne sur les parties de tarot de l’effectif stéphanois et parraine le prix littéraire de la fondation de l’ASSE, Coeur vert. L’occasion pour lui de parler de l’une de ses passions: la lecture, qui lui permet de trouver le calme auquel il aspire. Ce goût pour les livres lui a d’ailleurs valu d’être surnommé par Guilavogui “L’intellectuel”, alors qu’il ne porte même pas de lunettes.
Point fort
Il a réussi à faire briller Ghoulam, Tabanou et permis à Trémoulinas d’être de nouveau sélectionné en équipe de France.
Point faible
Il n’aime pas que l’on parle de lui.
Le slogan de campagne
C’est pas l’agence tout risque, mais Brison est futé.
Bonus : la chanson de campagne
Par Jankulovic Hasek, sur l'air de "Jonathan" de Renaud.
Entre football et rugby
Jonathan a bien choisi
Il fait plaisir à Galtier
À Roch’teau
Ça donne des bras aux manchots
Son pied droit fait rigoler
Sur les Cahiers
Et couper du saucisson
À Saint-Étienne, dans le chaudron
Jonathan ne mange jamais de grillaton
Entre le vert et le blanc
Jonathan n'a pas choisi
Car depuis la nuit des temps
Il sait aussi
Que les Lyonnais sont honnis
Romeyer et Caïazzo
Sont ses héros
Jonathan sait pourtant
Qu'à Saint-Étienne, dans le Chaudron
Que les Greens sont plus sauvages et plus méchants
Jonathan est Nancéien et un peu roux
Un peu badab’, un peu tout fou
Mais Jonathan est Andrézien avant tout
Rebelle vivant et debout
Entre les loups, les agneaux,
Jonathan, on t'a choisi
Tu vas remplacer François Clerc
Et puis Paul Baysse
T’as pris la place de Tabanou
Christophe t’a parlé de Florentin Pogba
Des enfoirés qu'ont eu Mollo
Et puis Loïc, et puis Suljic
Jonathan, tu rentres à la place d’Erding
Jonathan, on est comme toi un peu fous
Un peu badab’, mais pas trop roux,
Un peu lyonnais mais stéphanois avant tout,
Rebelles, vivants et debouts
Entre football et rugby
Jonathan a bien choisi
Il fait plaisir à Galtier
À Roch’teau
Ça donne des bras aux manchots
Son pied droit fait rigoler
Sur les Cahiers
Et couper du saucisson
À Saint-Étienne, dans le chaudron
Jonathan ne mange jamais de grillaton
Cours Camara, le vieux monde est derrière toi !
Malgré tous les Camara qui ont foulé les pelouses de Ligue 1 (Titi, Henri, Zoumana, Aboubacar, Papa, Abdoul, Pape Abdou, Ibrahima…), il arrive quand même à se démarquer. Souleymane Camara, c’est un peu le super-sub made in Ligue 1, le Ole Gunnar Solskjaer de la Paillade. 375 matches de championnat, Ligue 1 et Ligue 2 confondus, dont 144 (38 %) en tant que remplaçant. Si le ratio n’est pas si impressionnant, c’est qu’il a été un homme clé de la reconstruction du MHSC menée par Rolland Courbis. Il a tout de même inscrit un tiers de ses buts en sortant du banc (vingt-et-un sur soixante-six), dont cinq l’année du titre de champion de Montpellier.
L’ailier sénégalais est le bon petit soldat dont rêve tout entraîneur: suffisamment ambitieux pour ne pas se contenter de sa situation de joker, mais assez lucide et humble pour l’accepter et en tirer le meilleur. "Chaque joueur veut être titulaire, mais ce sont les entraîneurs qui doivent faire des choix, souligne-t-il dans une interview à So Foot. On doit respecter ces choix et essayer de faire le maximum. Du moins, moi, je le fais. (...) Le foot, même si c'est cinq minutes sur le terrain, cela reste un privilège. Il faut penser aux autres sur le banc qui n'ont pas eu la chance d'entrer en jeu, il faut les respecter. Donc on a beau être mécontents de débuter sur le banc, il ne faut pas le montrer et réagir sur le terrain. Je vois les choses comme ça." L’intérêt collectif avant tout.
Sacrifice ultime, en février 2008, c’est même lui qui enfile les gants en seizième de finale de Coupe de France face à Sochaux, après l’expulsion de Geoffrey Jourdren en prolongation. Il aurait pu en ressortir ridicule, plusieurs buts dans la musette. Au contraire, il réalise plusieurs arrêts superbes pour arracher les tirs au but. Il a moins de réussite au cours de la séance: aucun arrêt, et une tentative manquée qui élimine le MHSC.
Lorsqu’il débarque à Monaco depuis Dakar, il n’a que seize ans. Le dépaysement est total. Il doit apprendre la vie en autonomie, le système des cartes téléphoniques pour appeler à l’étranger, histoire de s’éviter des factures de 750 € comme au début. Il se sent responsable de sa famille, restée au Sénégal. "J’aurais pu être à leur place", glisse-t-il dans une interview pleine d'eau fraîche à Libération. L’humilité est sincère mais ne dissimule pas la force de caractère d’un attaquant pour qui tout n’a pas été facile. Comme lorsque Frédéric Antonetti, son entraîneur à Nice entre 2005 et 2007, lui assène qu’il n’a "même pas le niveau de National".
Au coeur de sa quatorzième saison professionnelle, Souleymane Camara porte un regard lucide sur l’évolution de son milieu: "Quand je suis avec les jeunes, ils me parlent de foot. Mais quand j’écoute leurs parents, ils me parlent d’argent, et c’est de pire en pire. Forcément, la crise économique influe, les gens sont sous pression. Le foot n’est pas hors du monde. Mais la carrière d’un mec, c’est fragile."
Point fort
Il a permis à Vitorino Hilton et Loulou Nicollin d’être champions de France.
Point faible
Il a permis à Geoffrey Jourdren d'être champion de France.
Le slogan de campagne
Méfiez-vous du Camara caché