Arrête Frankie c'est pas bon
Il est possible d'accorder à Frank Lebœuf des circonstances atténuantes et le bénéfice du doute dans le procès pas toujours objectif qui lui est fait depuis longtemps (voir ici). Sur ses performances sportives, le débat reste largement ouvert. Mais sur le plan de sa personnalité, si quelques réserves pouvaient être faites en raison des déformations opérées par le prisme des médias, les déclarations récurrentes du joueur laissent peu d'espoir de le trouver vraiment sympathique un jour.
Note : Les citations sont extraites de La Provence (09/10), sauf mention contraire.
Au lendemain difficile d'un France-Algérie amer (lors duquel sa demi-prestation n'a pas été étincelante), on n'a entendu qu'une voix désagréable de la part d'un joueur, et ce fut inévitablement celle de l'ami Frank, accompagné du bruit de ses gros sabots. Lui aussi est gagné par la psychose, et déclare que "cette rencontre n'avait pas lieu d'être, surtout dans le contexte actuel". Il affirme aussi qu'il n'y avait pas 1200 stadiers autour du terrain. Personne ne lui a expliqué que les stadiers ne sont pas seulement autour du terrain… Signalons-lui aussi que tout le monde a dénoncé le grave défaut d'organisation, ce n'est pas la peine de crier que "tout cela n'intéresse visiblement personne", histoire de mettre un doigt de "on nous cache tout". Une fibre paranoïaque qu'il confirme d'ailleurs : "J'avais demandé à ma famille de ne pas venir au Stade de France. Je le sentais". Tu sentais quoi?
Le plus déplorable est bien cet appel à la peur. Les 80.000 spectateurs devaient-ils aussi avoir peur? A vrai dire, les millions de gens qui prennent les transports en commun dans les grandes villes ont effectivement un peu peur, mais ils vont bosser quand même, sachant en outre que pour eux l'unité de temps pour le million de francs n'est pas le mois. Lebœuf est le premier à se proclamer "ambassadeur" de la France, mais son sens des responsabilités s'arrête au goût des honneurs. Se plaindre que ce match avait une finalité politique, c'est oublier que toutes les rencontres des bleus ont cette dimension, et c'est nier que cet intérêt politique-là était défendable.
Alors voir un joueur professionnel, constamment placé dans un cocon, assisté dans toutes ses démarches, avec une totale sécurité financière, blêmir de trouille devant des incidents mineurs, voilà qui énerve un peu, connaissant justement le "contexte actuel" qu'il évoque lui-même.
"Franchement, j'ai eu très peur. Tout aurait pu basculer dans le drame, dans l'horreur en quelques minutes (…) Il aurait peut-être fallu qu'il y ait un mort pour réaliser le réel danger". "Réduire les incidents à 200 personnes, c'est vraiment ne rien comprendre à ce qui s'est passé. On a mis nos vies en danger" (L'Equipe, 09/10). Cette dramatisation est à ce point exagérée qu'elle finit par ressembler à un pur message politique, comme en délivrerait n'importe quel partisan de la répression ou du "zéro tolérance", voire de la crispation entre communautés. Les faits qu'il décrit semblent sans commune mesure avec la réalité, simples prétextes à amalgame avec d'autres faits sans rapport, surtout en gravité. Le constat ressemble étrangement à un verdict: "Ces événements ne peuvent qu'accentuer les haines et accréditer certaines thèses nationalistes. C'est très dommage d'en arriver là…" On n'est pas sûr qu'il s'en réjouisse, mais en tout cas, il semble s'y résigner facilement.
La différence avec les propos de Thuram est terrible. Le latéral, lui aussi — mais sincèrement — a été bouleversé par les incidents, parce qu'il en percevait les enjeux et se rendait compte de ce qui avait été compromis. Lui aussi est critique envers la surcharge symbolique de la rencontre, mais il assume ce risque et ses propres responsabilités. C'est pour ça aussi qu'on l'aime, Thuram, le footballeur avec une conscience. Le seul?