Armstrong 1982, de l'Ulster à la lune
[saga Mundial 1982] Un jour, un but - Le 25 juin 1982 à Valence, Gerry Armstrong inscrit face à l'Espagne le but le plus important de l'histoire du football nord-irlandais.
Il n'y a pas qu'en France qu'une erreur de Luis Arconada est associée à un moment de football historique. En Irlande du Nord, on a gardé en mémoire l'exclamation du commentateur qui hurle le nom du gardien espagnol juste avant celui du héros à venir : "Arconadaaaa... Armstrong !"
L'Irlande du Nord participe à la Coupe du monde 1982 et, pour beaucoup d'observateurs avisés, c'est déjà un exploit en soi. Ce petit bout d'île jamais tranquille, toujours sous l'autorité du Royaume Uni, compte à peine plus d'habitants que ce que l'Angleterre dénombre en footballeurs.

Un petit bout d'île jamais tranquille
Son équipe pratique un kick'n'rush qui s'appuie sur une solide défense et un gardien de premier plan, Pat Jennings, le keeper d'Arsenal. Ce sera d'ailleurs l'une de ses forces lors de son premier match à Saragosse contre la Yougoslavie.
Les coéquipiers de Safet Susic font tourner le ballon mais ils se heurtent à la défense rugueuse des Britanniques menée par Sammy McIlroy, de Manchester United (0-0).
Face au Honduras pour le deuxième match, le onze nord-irlandais démontre qu'il a aussi des arguments offensifs. Il ouvre le score après dix minutes de jeu grâce à son avant-centre Gerry Armstrong, attaquant de Watford, tout frais champion d'Angleterre... de deuxième division.
À ses côtés papillonne le très british Billy Hamilton, attaquant du Burnley FC, champion d'Angleterre de... troisième division. Et derrière eux se révèle un meneur de jeu de dix-sept ans - le plus jeune joueur de l'histoire de la Coupe du monde - qui n'a joué que deux rencontres professionnelles avec Manchester United, Norman Whiteside.
Les Nord-Irlandais auraient pu inscrire un ou deux buts supplémentaires, mais ils se font finalement rejoindre en début de seconde période par une égalisation hondurienne (1-1).
Avec deux matches nuls, ils se retrouvent malgré tout en position de se qualifier au moment d'aborder son troisième rendez-vous. Curieusement, même le sélectionneur Billy Bingham n'y croit pas trop. Ses hommes affrontent l'Espagne, l'hôte du tournoi en quête de rachat après deux premières rencontres sauvées par quelques penalties providentiels.
Cette affiche du 25 juin 1982 au stade Luis Casanova de Valence va pourtant être le sommet du football nord-irlandais. Comme face aux Yougoslaves et aux Honduriens, les hommes de Bingham canalisent une équipe espagnole décidément très brouillonne.
Une légende nord-irlandaise
L'événement survient en début de seconde période. Gerry Armstrong, replié dans son camp, chipe un ballon aux attaquants espagnols. De sa position d'arrière droit, il entreprend de remonter le terrain très vite vers l'axe.
Balle au pied, il passe la ligne médiane et arrive à une quarantaine de mètres de la cage d'Arconada. Bloqué par trois défenseurs espagnols, il transmet sur sa droite à Billy Hamilton. Le numéro 11 irlandais fixe Gordillo, puis déborde sur l'aile droite.
Sans regarder, à la britannique, il centre dans la surface de réparation. Il pensait trouver Armstrong, mais il trouve Arconada. De sa ligne, le gardien espagnol plonge au niveau des six mètres. Une erreur, car il ne fait que repousser le ballon, alors que deux de ses coéquipiers sont à ses côtés.
Une grosse erreur, même puisque le ballon arrive idéalement vers Gerry Armstrong, complètement seul au niveau du point de penalty. L'Espagnol gesticule mais l'Irlandais frappe. Le ballon passe entre les jambes du gardien, et entre les jambes aussi du défenseur Alexanko, venu se positionner sur la ligne.
Le reste du match devient un morceau de bravoure qui forge les légendes. Les Nord-Irlandais se regroupent derrière et bloquent les attaques espagnoles. Ils terminent la rencontre à dix, Mal Donaghy étant expulsé pour avoir giflé Antonio Camacho.
Le bloc reste soudé, solidaire et hermétique. Et lorsque cela ne suffit pas, il y a Pat Jennings qui règne en maître dans sa surface de réparation. À trente-sept ans, le gardien d'Arsenal savoure la première Coupe du monde de sa carrière, en se disant que ce sera probablement la seule.
Les boys de Billy Bingham tiennent jusqu'au bout et décrochent une victoire historique qui les propulse au second tour. Ils poursuivront leur balade en éliminant notamment l'Autriche, mais sombreront aux portes de la demi-finale contre une équipe de France euphorique. Peu importe, personne dans les six comtés du Nord de l'Île n'oubliera le but de Gerry Armstrong.

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