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À la Ligue, Judge Fred fait la loi

L'arrangement à 50 millions d'euros entre la LFP et l'AS Monaco montre une conception très particulière du droit. Dont l'instance est malheureusement coutumière.

Auteur : Pierre Barthélemy le 31 Jan 2014

 

 

Dans Judge Dredd, Sylvester Stallone déclare: "La loi, c’est moi". Frédéric Thiriez est avocat au Conseil et président d’une Ligue professionnelle, mais il n’est ni Judge Fredd ni législateur. Universalité de la loi, égalité de tous devant la loi, autant de principes dont la LFP semble s’amuser selon la nature des enjeux en présence – entre extrême sévérité pour les uns et petits arrangements avec les autres.
 

 


 

 

Pur opportunisme

Le 21 mars 2013, le Conseil d’administration de la LFP décide de modifier l’article 100 des règlements administratifs de la LFP en matière de domiciliation sportive. À compter du 1er juin 2014, le siège de la direction effective de la société constituant un club de Ligue 1 ou de Ligue 2 doit impérativement être implanté sur le territoire français. Cette décision intervient alors même que Dmitri Rybolovlev vient d’acheter le club de l’AS Monaco et promet d’y investir substantiellement. Premier constat: un règlement centenaire à caractère universel fait donc soudainement l’objet d’une modification à objet individuel. Moralement, la méthode interpelle en ce qu’elle fait de la norme un outil malléable. Le régime fiscal dérogatoire de l’AS Monaco, accepté durant des décennies, devient donc inéquitable parce que son propriétaire est fortuné. Juridiquement, prendre une mesure réglementaire pour régir une situation individuelle est peu commun. Et ce d’autant plus que le droit considère bien souvent qu’un long silence devant un régime dérogatoire vaut acceptation tacite, et qu’une différence de situation (géographique et politique, en l’espèce) justifie une différence de traitement.


Cette manœuvre, de pur opportunisme économique, est néanmoins juridiquement difficilement contestable. En revanche, l’issue du différend qu’elle a fait naître entre l’AS Monaco et la LFP l’est bien davantage. En effet, dans une décision en date du 23 janvier 2014, soit six jours avant l’audience au fond au Conseil d’État, le Conseil d’administration de la LFP a autorisé son président à "finaliser la transaction" avec l’AS Monaco (lire aussi "Le dessus de table de l'AS Monaco"). 
 


Carte "Sortez de prison"

Régler un différend individuel par un mode alternatif comme la transaction est courant et vertueux. Autoriser une entité à s’abstraire de l’impérativité d’un texte à portée universelle est, en principe, parfaitement illégal [1]. Il ne s’agit pas ici d’une transaction mettant fin à un litige de droit privé [2], ni d'un arrangement pénal ou fiscal soldant une infraction passée, mais bien du paiement d’un "droit de ne pas respecter le droit pour l’avenir", si l'on peut dire. Car l’AS Monaco ne sera pas moins en infraction au 1er juin 2014 après avoir versé les 50 millions d’euros convenus. La LFP a simplement renoncé, contre de l’argent, à ne pas faire appliquer le droit qu’elle a elle-même établi [3].


Cette transaction, manifestement motivée par d’autres ambitions que le respect du droit, de la morale ou de l’équité, souffre donc d’une faiblesse originelle. D’une part, elle pourrait être illégale, car contraire à l’ordre public. D’autre part, elle n’est opposable qu’à la LFP... ce qui autorise tout tiers [4] à faire valoir le non-respect par l’AS Monaco dudit article 100. Rien ne semble interdire à chaque club de Ligue 1 de transiger avec l’AS Monaco la renonciation à tous recours contre le versement d’une somme d'argent. Le seul moyen de donner l’apparence de respecter le droit serait d’abroger cet article 100 avant qu’il n’entre en vigueur, alors même qu’il n’est précisé, ni les modalités de calcul du montant de 50 millions, ni pour quelle durée l’AS Monaco bénéficie de cette carte "Sortez de prison". Mais ce serait définitivement reconnaître que règlements et recours juridictionnels n’ont d’autre objet, dans l’esprit de la LFP, que de servir de levier financier.
 


Satisfaction des diffuseurs

Cette conception pécuniaire et utilitariste du droit et de ses principes heurte d’autant plus que cet épisode n’est guère isolé. Le week-end dernier, la ville de Bordeaux a pris, pour des raisons de sécurité, un arrêté interdisant la tenue de toute rencontre sportive sur les pelouses communales – dont le match entre les Girondins et l'AS Saint-Étienne. La LFP a choisi de passer outre afin de ne pas contrarier les diffuseurs. Elle a donc invoqué l’article 546 de son règlement, lequel prévoit l’inopposabilité par un propriétaire d’une interdiction d’accès à son terrain. Juridiquement, on peut s’étonner qu’un règlement sportif puisse permettre de passer outre une décision de police administrative garante de l’ordre public. Moralement, on peut s’inquiéter du fait que la satisfaction d’un diffuseur prenne le pas sur la sécurité des joueurs et des spectateurs présents au stade.


Pourtant, l’étonnement ne peut qu’être feint. En effet, la LFP montre depuis longtemps que les considérations financières et l’intérêt de ses diffuseurs priment sur la sécurité ou les libertés des spectateurs. Le conflit actuel avec le collectif Ligue 2 est à cet égard probant. Au-delà de la question d’une programmation horaire qui fait primer le téléspectateur sur le spectateur, ce différend traduit le peu d’égard de la LFP pour la liberté d’expression des supporters. Celle-ci a donc menacé les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 de les sanctionner si eux-mêmes ne sanctionnent pas leurs supporters se réclamant de leur droit à contester, par le truchement de banderoles, les horaires de programmation (lire "SOS Ligue 2 attaque la LFP en justice"). Ce commandement aux clubs de méconnaître leurs droits fondamentaux aux supporters semble pourtant n’interpeller personne.
 


L'ordre et la sécurité

Ce traitement fait écho à celui subi par les supporters matériellement les plus investis. En proposant explicitement d’interdire tous les déplacements de supporters (lire "La disparition programmée des Ultras"), la LFP se montre à nouveau encline à méconnaître un droit fondamental: la liberté d’aller et venir. S’il est possible d’interdire, individuellement et dans des circonstances de temps et de lieu précisément circonscrites, le déplacement de certaines personnes en vue de prévenir des troubles à l’ordre public, une interdiction absolue serait irrémédiablement illégale. Paradoxalement, la LFP invoque à cet effet la sécurité des spectateurs… cette même sécurité qu’elle leur dénie lorsque les conditions climatiques sont source de péril. La LFP invoque à cet effet la sauvegarde de l’ordre public… ce même ordre public qu’elle méconnaît en exigeant la tenue d’une rencontre sportive.


Annoncer vouloir méconnaître le droit pour menacer les éléments contestataires et plaire aux investisseurs est parfaitement symptomatique d’une dérive obsessionnelle de la LFP: valoriser les droits de retransmission.

 

[1] Lire à ce sujet la tribune de mon confrère Me Berthelot : "La Ligue réinvente les 'indulgences'". 
[2] L’article 2044 du code civil énonce que la transaction est "un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître".
[3] Pour rappel, l’article 433-1 du code pénal énonce qu’est "puni de dix ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public, pour elle-même ou pour autrui, afin […] qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat".
[4] Les articles 2051 et 2052 du code civil disposent que "la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres intéressés" et que "les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée".

 

Réactions

  • Tous en slip le 31/01/2014 à 16h05
    Effectivement :
    "La somme versée est censée compenser ce que l'ASM ne paie pas en contributions fiscales, mais elle contourne le fisc pour filer dans la poche de la LFP qui la redistribuera comme bon lui semble."

    En période de chasse aux sorcières, il serait étonnant que le gouvernement laisse passer...

  • José-Mickaël le 31/01/2014 à 18h51
    Tous en slip
    aujourd'hui à 16h05
    > En période de chasse aux sorcières, il serait étonnant que le gouvernement laisse passer...

    Pourtant, voici ce qu'on apprend dans le blog de J. Latta :

    « [...] la ministre des Sport Valérie Fourneyron ne s'est pas montrée plus perturbée que ça, se félicitant que "cet accord [réponde] aux attentes du football français et conforte la participation de l’AS Monaco au championnat de Ligue 1". »

    Hypothèse : Thiriez doit avoir des dons d'hypnotiseurs. (Vous voyez une autre explication ?)

  • Sidney le grand Govou le 31/01/2014 à 22h21
    C'est un Sith, il a utilisé la force pour lui faire accepter que c'était une bonne chose.
    Bon en même doit pas falloir s'appeler Yoda pour influencer ce type de personne...

  • loulou N le 03/02/2014 à 15h46
    @Chantonmiho et tous en slip et José.

    en fait c'est compliqué pour l'Etat d'intervenir grossièrement car la FFF et la LFP gèrent par délégation le service public sportif footballistique par délégation de l'Etat. c'est donc pareil (en théorie bien sûr).Tout ce qui rembourse le déficit de la FFF est donc intéressant pour l'Etat et de surcroît quand cet argent est reversé dans l'économie c'est intéressant aussi par les rentrées que ça lui génère. en revanche le risque plitique de s'en méler est énorme donc aucun intérêt pour l'Etat à intervenir officiellement

    et de toutes façons ça n'a pas d'incidence fiscale car quoiqu'il arrive c'est la convention fiscale france-Monaco qui s'applique et, sauf erreur de ma part, c'est le lieu où se trouve l'employé qui détermine la résidence fiscale, c'est à dire le lieu où l'impôt est dû.
    bref même si le siège de l'ASM est en France rien ne l'empêche d'employer ses joueurs et de les rémunérer à Monaco où ils paient leur impô lien ne suis même pas sûr que cela aurait une incidence sur les charges salariales si était créée une filiale.
    la seule perte fiscale consiste en une perte d'impôt sur les sociétés si et seulement si l'ASM fait des bénéfices ce qui n'est évidemment pas le cas. seul donc manque l'impôt sur les sociétés versé forfaitairement par chaque société, lequel forfait est très faible.

  • djay-Guevara le 04/02/2014 à 15h25
    Sur la forme,

    la phrase: "La LFP a simplement renoncé, contre de l’argent, à ne pas faire appliquer le droit qu’elle a elle-même établi [3]." emploie une double negation qui ne me parait pas utile. Est ce que ca ne devrait pas etre: "La LFP a simplement renoncé, contre de l’argent, à faire appliquer le droit qu’elle a elle-même établi [3]." ?

  • Chantôminho le 04/02/2014 à 17h35
    @djay-Guevara

    Effectivement, c'est une erreur de ma part. Merci de la remarque.

  • pinky le 10/02/2014 à 09h06
    Même si cette histoire de dédommagement de 50M est le dernier épisode édifiant d’une saga qui ne l’est pas moins, je suis un peu agacé d’entendre tous ces chouineurs – et avant tout ceux d’entre eux qui sont supporters du PSG - se plaindre de Monaco, qui n’est jamais que la dernière incarnation de l’absurdité ultra-libérale qui prévaut dans le foot pro.
    Il existe deux façons de réagir à cette affaire : soit on voit les choses de façon pragmatique, soit on se place sur le plan de l’éthique.
    S’il s’agit d’être pragmatique, il est incontestable que le retour au premier plan de Monaco est une excellente chose pour le football français en général et le championnat de France en particulier. Parce que la présence d’un second club de niveau international fait mécaniquement monter la valeur du championnat, et parce que les bons résultats qui sont susceptibles d’être obtenus en coupe d’Europe gratifieront la France de ses précieux points UEFA qui permettront de maintenir le 3e club qualifié en Champion’s League. Sans parler des transferts qui feront rentrer de l’argent dans les caisses des clubs français… quand ils auront de vrais bons joueurs à vendre, ce qui est hélas trop rare (Monaco était sur Kurt Zouma, mais a été battu par Chelsea, soit), parce qu’ils ne vont pas non plus acheter des chèvres juste pour faire plaisir aux autres présidents de Ligue 1. Il était donc parfaitement logique que tout ce « beau » monde s’entende, personne n’ayant intérêt à ce que Monaco soit exclu de la ligue 1 (à part la série A, qui n’attendait que ça pour l’intégrer, si ça se trouve). Et si les recours de Monaco avaient abouti, non seulement rien ne changeait mais la LNF aurait perdu l’occasion de mettre la main sur un beau magot, ce qui est impensable pour elle, en bonne péripatéticienne qu’elle est. Voilà pour le pragmatisme.
    Maintenant, j’entends d’ici vos cris d’orfraie « mais c’est pas juuuste ! où est l’équité dans tout ça ? ». A cela, je vous réponds : mais où diable avez-vous vu de l’équité dans le football pro ? Est-il juste qu’il y ait des gros clubs qui puissent acheter tous les joueurs – parfois même avec de l’argent qu’ils n’ont pas – tandis que les petits crèvent la dalle ? Est-il normal que des clubs disputant la même compétition (la Champion’s League) aient des régimes fiscaux radicalement différents, qu’un joueur anglais paie beaucoup moins d’impôts qu’un Français ? Est-il acceptable qu’un club soit soudainement racheté par une dictature monarco-théocratique (suivez mon regard), et ait de fait accès à des milliards lui permettant en quelques années de se hisser parmi les plus grands ? Tout cela, vous ne voulez pas le voir, mais par contre, les avantages fiscaux de Monaco (qui, soit dit en passant, a par ailleurs des désavantages irrémédiables, comme la faiblesse de ses rentrées de billetteries et le manque de soutien populaire, ce qui rééquilibre un peu les choses), vous faites une fixation dessus.
    Je n’ai rien contre la justice, je trouve même ça très sympa, mais alors, allons jusqu’au bout de la démarche. Si l’on veut un football équitable, alors il faut établir un plafond budgétaire, que tous les clubs disputant les compétitions partent sur un pied d’égalité. Tout le monde a le même budget, et que triomphent les meilleurs formateurs ou ceux qui arrivent à orchestrer le jeu de la meilleure façon. Ce serait très sympa, on aurait des vainqueurs différents tout le temps, le suspens serait à son comble… mais voyez-vous, dans le monde ultra-libéral dans lequel nous vivons (et il l’est encore plus dans le sport pro que dans la société), je crains fort que ce ne soit un combat d’arrière-garde et pour tout dire, une utopie.
    Alors soit vous acceptez, comme moi – au fond un peu bêtement, par amour du foot et cocarderie éhontée -, le monde tel qu’il est et vous vous réjouissez de voir arriver Monaco est ses avantages fiscaux, parce que cela bénéficiera à tout le foot hexagonal, soit vous faites vos anarchiste et tournez définitivement le dos au football, parce que franchement c’est un monde dégueulasse sans la moindre once de moralité et de justice. Mais se focaliser ainsi sur Monaco reviens à observer de façon obsessionnelle la paille sans voir la poutre, dans la plus parfaite hypocrisie.

La revue des Cahiers du football