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À balles réelles

La mort d\'un supporter et la tentative de lynchage qui l\'a précédée peuvent-elles permettre un profond changement, ou ne sont-elles que le constat d\'une impuissance générale?

Auteur : Jérôme Latta le 27 Nov 2006

 

Les plus optimistes estimeront qu'à ce drame, quelque chose sera bon, comme une prise de conscience... On peut en douter, tant le problème, complexe, ne suscite que des réactions sporadiques, entre exploitations politiques à la petite semaine et traitement médiatique sans lendemain. Tant, aussi, il est ancien et ne se résume pas à une pathologie qui serait spécifique au football – ni même aux supporters du Paris SG (1). En placardant sa une d'un "Quand le football tue" sur fond noir, L'Équipe produit un raccourci absurde (obligeant d'ailleurs l'éditorial, sur cette même page, à démentir l'assertion). Mais l'attitude inverse, consistant à exonérer le football ou le club lui-même parce que les faits se sont déroulés hors de l'enceinte sportive, n'a pas plus de sens.


L'horreur au pied des stades
La confusion des événements, dont on peine encore à débrouiller les circonstances, leur impact émotionnel, les incertitudes qui planent encore sur eux sont autant d'éléments qui incitent à un minimum de prudence. Mais s'il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur les responsabilités des deux victimes, l'opération qui a précédé le coup de feu a toutes les formes du lynchage (lire le témoignage de Philippe Broussard, journaliste de L'Express présent au moment des faits). Sans chercher à dramatiser une situation qui l'est déjà assez, que l'on garde à l'esprit ce qu'un lynchage a d'ignoble.

Le propre de ce fait-divers est que sa principale victime a toutes les apparences de la culpabilité, même si celle-ci est forcément partagée avec tous ceux qui ont composé cette foule vindicative. On va peut-être découvrir que les deux jeunes atteints par la balle n'ont pas forcément le profil de l'antisémite ou du hooligan typique – on pourrait ainsi, à bon escient, s'interroger sur ce qui a pu les amener à se trouver au milieu d'une chasse à l'homme.
La logique aurait aussi voulu que le premier décès, aboutissement d'un processus qui s'était contenté, jusque-là, de frôler le pire, soit celui d'une victime expiatoire de ces expéditions punitives – qui sont même très loin du hooliganisme originel et des codes "d'honneur" censés présider au combat de rue.


Tous coupables
Cette tragédie résulte d'une somme de responsabilités qu'il est plus utile de reconnaître dans leur ensemble plutôt que de chercher à les hiérarchiser. Celle des dirigeants successifs du club qui ont, depuis le milieu des années 80, alterné tolérance coupable et démarches plus volontaristes jamais menées à leur terme (et dont le turnover intensif n'a pas contribué à asseoir leur pouvoir). Celle des dirigeants du football français, dont on apprend aujourd'hui qu'ils ont arrêté précocement de soutenir les actions menées au Parc des Princes (2). Celle des pouvoirs publics, qui n'ont pas pris la mesure du problème, préférant l'exploiter à des fins politiques (voir ci-dessous). Celles des associations de supporters, coupables d'indulgence envers leurs membres les moins recommandables, responsables aussi de leur propre immaturité – ratant toutes les occasions de peser d'un poids "politique" sur le football français. Celle des forces de police, incapables d'exploiter leurs propres connaissances et d'empêcher de dégénérer une situation malheureusement courante aux abords de la Porte de Saint-Cloud, incapables même de coordonner les efforts des différents services. Celle des médias, qui simplifient à l'extrême en produisant toutes sortes d'amalgames, qui fourbissent leur collection de clichés, avalent tous les diagnostics des "experts" sans regarder d'où ils parlent ni chercher à enquêter par eux-mêmes (3). Celle, même, des associations antiracistes, souvent coupables d'une récupération clientéliste des événements, quand elles ne se révèlent pas impuissantes à imposer un autre mode de réflexion aux médias.


Les forces de l'ordre ne protègent qu'elles-mêmes?
En tout cas, le déploiement massif de forces de l'ordre montre bien ses limites: elles sont totalement inutiles si elles ne sont pas déployées au bon endroit et si elles n'ont pas, à défaut, la capacité d'intervenir très rapidement (4). On a parfois le sentiment que les unités mises en place en pareil cas ont surtout vocation à se protéger elles-mêmes des agressions, sans se montrer capables de garantir la sécurité de deux hommes pris à partie par une ou plusieurs dizaines d'autres... Comme si leur contribution à l'ambiance de guerre civile était finalement plus cruciale.

Le paradoxe est là : la mort d'homme est survenue après l'intervention d'un policier seul, qui ne faisait pas partie du dispositif et a voulu interrompre une scène pourtant assez courante Porte de Saint-Cloud – où les débarquements en force, slogans frontistes à la gorge, donnent régulièrement lieu à des méfaits qui vont de l'intimidation à la ratonnade (5). "Les 'ratonnades' ne sont pas rares, mais habituellement personne n'intervient. Cette fois, un élément courageux est venu perturber l'enchaînement habituel de la violence", a estimé dont le sociologue Patrick Mignon, ancien médiateur auprès des supporters parisiens (Le Monde). Si ce policier n'avait pas surgi, doit-on penser que l'incident se serait résumé à un "simple" tabassage raciste qui n'aurait fait que quelques lignes dans les journaux du lendemain? Et surtout, pourquoi les personnels de police sur place ne sont-ils pas formés pour intervenir en pareil cas, afin d'appréhender ceux-là même que tout le monde veut mettre hors d'état de nuire?


Effets d'annonce
L'effet secondaire le plus prévisible devait être l'intervention du ministre de l'Intérieur, selon un scénario désormais parfaitement rodé: invitations Place Beauvau pour les protagonistes et annonce de durcissement. Tous les incidents liés au hooliganisme ont, au cours des dernières années, ainsi justifié des sorties tout à la fois lyriques et menaçantes, des annonces retentissantes et des promesses de rétablissement de l'ordre. Parfois mot pour mot et toujours en obtenant une couverture médiatique exceptionnelle sur ce terrain-là (voir Sarkozy bloqué au même stade)...

Samedi, affirmant vouloir "sauver le football", le président de l'UMP a annoncé une énième "batterie de mesures"… Trois sur cinq ont déjà servi, à plusieurs reprises, aux fracassantes annonces précédentes. Notamment cette fameuse interdiction des associations prônant la violence ou le racisme. Comme si certaines inscrivaient ces tendances dans leurs statuts, et comme si le problème n'était pas justement les supporters "indépendants". Il annonce encore la multiplication des interdictions administratives de stade, dont on apprend qu'il faudrait de nouveau textes pour en améliorer l'efficacité (6). 
Restent, en guise de nouveautés, la tenue de réunions avant les matches, impliquant la police et les représentants des associations de supporters, ainsi que la vente exclusive des billets aux membres de ces dernières, afin de limiter l'accès des "indépendants". Il reviendrait ensuite à la Ligue de prononcer des sanctions plus sévères, comme des matches à huis clos.


Compétence zéro
De l'avis de nombreux spécialistes, le problème réside avant tout dans la non-application de dispositions dont certaines sont aussi vieilles que la loi Alliot-Marie (1994). Plus embêtant, les mesures décidées par le gouvernement au cours des dernières législatures paraissent soit inappliquées, soit inefficaces: annoncé depuis deux ans, le renforcement des opérations d'infiltration des milieux Ultras n'ont visiblement donné aucun résultat, par exemple.

On atteint les limites de la rhétorique sarkozienne : le candidat à la présidentielle ne cherche pas à faire disparaître les problèmes de violence et de délinquance, tant il en a besoin pour exister médiatiquement et politiquement. Mais voilà, passé un certain point, le système montre ses failles. Sur un dossier qui lui a permis de beaucoup se montrer à la tribune, Nicolas Sarkozy a mis en évidence l'impuissance de sa politique. Or, si l'ex-maire de Neuilly s'avère parfaitement incompétent pour traiter les problèmes de sécurité, que lui reste-t-il? Peut-être des trésors d'indulgence de la part des médias, à en croire le titre de L'Équipe, ce dimanche – "Sarkozy promet de frapper fort" – ou celui du JDD – "Foot: la riposte, enfin". C'est fou comme certaines professions sont enclines à croire les promesses, même celles qui n'ont jamais été tenues.


On en revient à l'interrogation de départ: peut-on, dans les conditions actuelles, espérer un profond changement? L'incurie de toutes les parties prenantes, en la matière, laisse plutôt penser que les 150 supporters parisiens qui posent problème (selon les RG) pourront continuer à alimenter l'actualité et à pourrir l'ambiance des matches au Parc des Princes. Avec ou sans mort d'homme.



(1) Le 25 février dernier, deux frères d'origine maghrébine de 17 et 20 ans ont été passés à tabac près de Gerland, peu avant le match contre Rennes, par une douzaine d'individus. Cinq hommes, dont en possession d'une carte du FNJ (Front national des jeunes), avaient été interpellés, quatre poursuivis. Le parquet de Lyon avait ordonné en mars une instruction en retenant la circonstance aggravante de violences commises en réunion "en raison de l'appartenance à une race".

(2) Dans une interview accordée à L'Équipe, l'ancien responsable de la sécurité du PSG, Jean-Pierre Larrue (qui avait perdu son bras de fer avec les associations parisiennes au cours de la saison 2004/2005), est explicite: "Quand j'ai été nommé, Frédéric Thiriez m'encourageait. Mais il a ensuite fait passer ses encouragements au second plan quand il a vu le bordel créé à Paris. Comme Canal+, Thiriez a alors préféré mettre le business en avant en fermant la fenêtre de tir que j'avais ouverte (…) La Ligue a eu peur que le bordel s'étende à tous les stades de France".

(3) Parmi les invariants de la médiatisation, il y a bien sûr le rappel du "modèle anglais", nos voisins d'Outre-Manche ayant parait-il réussi à juguler le phénomène. Proférer bêtement ce lieu commun, c'est se fourrer le doigt dans l'œil: là-bas, on a déplacé le problème en l'éradiquant des stades (et donc en l'éloignant des caméras), sans pour autant l'éliminer.

(4) Le match n'ayant pas été classé "à hauts risques", ce sont "seulement" 700 policiers qui étaient présents autour du stade. La préfecture de police a indiqué qu'en raison d'une intervention côté Auteuil, la Porte de Saint-Cloud s'est trouvée dégarnie.

(5) Le 11 novembre, cette fois loin du Parc des Princes, un jeune Manceau d'originaire malienne a été agressé, après le match Le Mans-PSG, par six "supporters". Deux d'entre eux (des frères âgés de 20 et 22 ans) ont été condamnés à quatre six mois de prison ferme, après avoir exprimé leur racisme à la barre.

(6) Selon lequipe.fr, les interdictions administratives seraient au nombre de 11 (pour 63 interdictions judiciaires). On est très loin des objectifs successivement clamés en janvier-mars 2004, décembre 2004 et octobre 2005.

Réactions

  • Vikash Thoracique le 29/11/2006 à 20h39
    J'ai posté une réaction à ce communiqué sur PEM que je replace ici, effectivement c'est complètement hypocrite et irresponsable.
    Le paragraphe sur les responsabilités de la police est le plus ahurissant:

    -être "abattu" et prendre une balle perdue ce n’est pas la même chose.
    -le statut de témoin assisté n’empêche rien et permet une enquête approfondie.
    -la « présence incongrue » : c’est vrai, laissons l’espace public aux CRS passifs et hooligans, c’est tellement mieux.
    -l’intervention « aventureuse » : là encore ne faisons rien, c’est tellement mieux.
    -on remplace « policier effrayé » par « policier pourchassé et frappé »;
    - …qui n’a pas perdu ses lunettes tout seul…;
    -du coup le « sang-froid » devient un peu plus difficile à garder.
    -les foules de « pompiers, fonctionnaires et étudiants » se comportent-elles comme les hooligans ?
    -passons sur le terme « sous-citoyen » qui est simplement risible (de la part d'associations reçues au ministère de l'intérieur au passage).

  • fr@n le 30/11/2006 à 07h59

    - entre être "abattu" et "prendre une balle" la seule différence c'est... aucune pour les parents et la famille d'un mort (qui entre parenthèse ne s'était jamais fait remarqué par quelque autre acte de hooliganisme que ce soit à part une tentative d'introduction de fumigène en 2004) ... et tant pis pour l'image de fou abreuvé de sang qu'on donne de lui (notez que je ne nie en rien son statut d'agresseur mais de là à justifier la peine de mort).

    - "la « présence incongrue » : c’est vrai, laissons l’espace public aux CRS passifs et hooligans, c’est tellement mieux".... uu l'art de détourner un texte qui vaut ce qu'il vaut mais qui a le mérite d'être plus ouvert que les interventions parano des hooligans revendiqués... en dehors des crs (absents à ce moment là) il existe une police spécialisée dans le hooliganisme... la victime n'en faisait pas partie (il était attaché à la sécu dans le métro)... c'est dommage.

    - "l’intervention « aventureuse » : là encore ne faisons rien, c’est tellement mieux."... voir ci-dessus pour la lecture biaisée. L'intervention du policier a été très courageuse et téméraire ça va mieux comme ça?

    - "on remplace « policier effrayé » par « policier pourchassé et frappé »" ... donc effrayé. Encore une fois je pense que les groupes ultra ne nient absolument pas l'innocence du policier, ni la raison de son intervention... ils constatent juste les éléments objectifs quiont conduit au drame

    - "…qui n’a pas perdu ses lunettes tout seul…" ... ça j'en sais rien et toi non plus

    - "du coup le « sang-froid » devient un peu plus difficile à garder."... on est d'accord... ça n'en reste pas moins dommage

    - "les foules de « pompiers, fonctionnaires et étudiants » se comportent-elles comme les hooligans ?"... ben parfois...

    - "passons sur le terme « sous-citoyen » qui est simplement risible (de la part d'associations reçues au ministère de l'intérieur au passage)"... en l'espèce les convocations au ministère s'apprentent le plus ouvent à une convocation dans un super-commisariat pour s'entendre donner des instructions fermes (mais tranquilles)... niveau dialogue!

    Bref j'ai posté ce texte pasque dans le bordel médiatique actuel ou tout le monde confond tout et mélange tout (supporter, PSG, hooligan, casuals, ultras etc.) on avait une voix plutôt mesurée de la part de supporters parisiens... finalement il n'y a pas tant de différence que ça avec le très bon article des CdF. A mon avis vaut mieux tendre la main plutôt que de radicaliser par un discours stéréotypé (style la banlieue tous pourris, tous des racailles, tous en prison) une frange de supporters qui souffrent au quotidien de la présence des fachos de boubou et qui se sentent mis dans le même sac!

  • babou le 30/11/2006 à 12h42
    à noter que les articles de l'équipe d'aujourd'hui sur le sujet sont plutôt corrects, et évitent en tout cas les poncifs jusqu'ici utilisés et que critiquait etienne melvec.

  • houbahouba le 30/11/2006 à 17h06
    Que dire du communiqué des Authentiks et Supras ?

    Je m'étonne juste que dans la liste des responsabilités amenant à cette tragédie ne figurent pas en 1er lieu les groupes de supporteurs ou les indépendants qui ont pris possession d'une partie du kop de Boulogne pour en faire une zone de non droit où la haine et le racisme sont érigés en valeurs absolues !

    En fait, ce communiqué, même partant de bons sentiments, reprend les éternels poncifs que nous servent trop souvent les associations de supporteurs avec les pressions et violence policières, ou les mensonges des médias.

    Certes les Authentiks et les Supras d'Auteuil n'ont rien à voir avec certains fachos de la tribune Boulogne, et si je reconnais que l'ambiance, les champs, les encouragements viennent des 2 kops, je m'étonne également de cette insistance à vouloir utiliser des fumigènes dans les tifos malgré leur interdiction.

    J'interprète cela, au mieux comme un entêtement infantile, au pire comme la volonté de transgresser lois et règlements.

    Chaque "camp" a sa propre version des faits : bavure ou action héroïque.

    Précisons simplement qu'un policier a obligation d'intervenir lorsqu'il voit un acte délictueux en train de se commettre : qu'il soit en mission ou pas, dans son secteur ou non, en service ou pas. Même si les keufs respectant cette règle se font de plus en plus rare….

  • fr@n le 30/11/2006 à 18h27
    sur lien

    Tragédie au Parc des Princes
    Vie et mort d'un « hooligan » ordinaire 13 réactions
    Pourquoi Julien Quemener, dépanneur en électroménager, est-il mort un soir de défaite du PSG ? Contaminé par le virus du hooliganisme, il voulait pourtant se marier et sortir de la spirale de la violence

    Ce jeudi soir, Julien Quemener arrive devant le Parc des Princes vers 19 heures. Il vient de garer sa nouvelle Clio dont il est si fier, le long des terrains de tennis, juste derrière le stade. A 25 ans, ce dépanneur en électroménager a rendez-vous avec Alexandre, son ami d'enfance de Savigny-sur-Orge (Essonne). Les deux copains doivent assister au match de coupe d'Europe PSG-Hapoël Tel-Aviv. Julien est un fan du club parisien. Depuis quatre ans, il est membre des Boulogne Boys, une des associations de supporters les plus turbulentes du club. Julien n'est pas un « ultra », ces fanatiques qui ne manquent jamais un match de leur club fétiche, même à l'extérieur. Pas un militant néonazi et violent non plus. «Mon fils ne s'intéressait pas du tout à la politique, insiste aujourd'hui sa mère, le coeur lourd. Il n'avait même pas sa carte d'é lien le présente comme un skinhead au crâne rasé. En fait, il était complexé par un début de calvitie et avait préféré se raser entièrement le crâne. C'était la lien Fils d'une employée de la fonction publique et d'un menuisier, des origines bretonnes du côté de Dinard, une passion pour la voile transmise par son grand-père, un bac pro, un job et Emilie, sa copine, une métisse japonaise de 19 ans qui veut être styliste et joue au foot féminin dans le club de Breuillet (Essonne). La vie d'un banlieusard bien tranquille.




    Côté foot, pourtant, Julien n'est pas un enfant de choeur. Il est fiché aux Renseignements généraux depuis deux ans. Depuis qu'en mai 2004 il avait tenté d'introduire des fumigènes interdits au Stade de France, juste avant la finale de la Coupe de France PSG-Châteauroux. L'incartade n'en fait pas un casseur ultraviolent. «Juste un fauteur de troubles, toujours prêt à faire le coup de poing en bande, comme il y en a pas mal autour du club», estime un policier spécialisé.
    Ce soir de match au Parc, l'ambiance est électrique. Avec l'accumulation de mauvais résultats ces dernières semaines, les tribunes sont à cran. Et les supporters adverses en rajoutent dans la provoc. Ils sifflent « la Marseillaise », qui monte des tribunes parisiennes, lancent des fumigènes vers les fans du PSG. Les travées s'échauffent dans les deux camps. Drapeaux du Bétar, le mouvement extrémiste de la jeunesse juive, contre drapeaux palestiniens. «Israël vaincra», d'un côté, «Mort aux juifs», de l'autre. Ambiance guerrière...
    Julien et ses potes ont pris place dans le haut de la tribune réservée aux Boulogne Boys. Mais, rapidement, ils descendent plus bas, en R2, où se réunissent habituellement les agités proches de l'extrême-droite. Les durs des durs. «En fait, on était plus à l'aise pour voir le match à cet endroit. Ce soir-là, cette tribune était à moitié vide, les mecs les plus dangereux n'étant pas venus», assure Alexandre, le meilleur ami de Julien. Un fait confirmé par les RG : «La cinquantaine de hooligans les plus violents avaient fait l'impasse sur ce match sans doute parce qu'ils savaient que nous allions les surveiller de très près.»
    Sur la pelouse, le club parisien sombre. Le PSG prend une raclée 4-2 contre les modestes Israéliens qui ne s'attendaient pas à pareille fête. Forcément, l'après-match est houleux. Depuis que les stades français sont équipés de caméras vidéo, les hooligans se méfient. Ils préfèrent déchaîner leurs violences incognito dans la rue, à la sortie du match. «Et ils sont où les sales juifs?» hurlent les supporters parisiens les plus excités, prêts à tous les dérapages. Ici et là, les CRS lancent quelques charges. Tout ce qui ne porte pas écharpe et maillot du PSG est apostrophé au hasard. «Sale juif!» Yanniv Hazout, un étudiant de Sarcelles de 21 ans venu assister au match, se retourne. Il n'en faut pas plus pour qu'il se fasse prendre en chasse par une dizaine de jeunes parisiens. «Il n'a pas été agressé parce qu'il était juif, crâne Vincent, commercial à Paris et membre des «indépendants», les supporters les plus incontrôlables. On fait la même chose avec les Lensois ou les Marseillais. En même temps, poursuit ce témoin des faits, c'est vrai que quand vous voyez de grands drapeaux israéliens sous votre nez, c'est peut-être plus énervant que de voir des drapeaux irlandais...»
    Comment Julien se retrouve-t-il alors dans le groupe d'assaillants ? Sa mère ne comprend toujours pas. «C'était un garçon sérieux quiparlait de se mettre en ménage avec sacopine Emilierencontrée sur internet, il y a quatre ans. Son père retapait pour le couple un petit appartement près de la gare de Savigny. Julien voulait même se faire baptiser pour se marier à l'é lien Ce soir, le fiancé modèle a des allures de lyncheur.
    Yanniv, le supporter juif pourchassé par la horde, est sous la protection d'un policier en civil. Un gardien de la paix antillais. Affecté au Service régional des Transports parisiens (SRTP), Antoine Granomort travaille ce soir-là comme « garde routier ». Son job ? Véhiculer ses collègues chargés des contrôles d'identité dans le métro, aux abords du stade et les raccompagner à la fin de leur service. Selon les premières déclarations du gardien de la paix à la justice, ses supérieurs n'avaient même pas jugé bon de le munir d'un brassard « police ». Granomort attendait à côté de sa Jumpy Citroën, quand il aperçoit le jeune Yanniv poursuivi par des hooligans, ceinturons à la main. Athlète de 32 ans, en parfaite forme physique, il rattrape Yanniv en quelques foulées et s'interpose. Les deux hommes reculent face au groupe d'agresseurs. D'après plusieurs témoins, le policier décline par deux fois sa qualité de policier. En vain. «J'ai vu le supporter de Tel-Aviv et un grand métis qui le protégeait en lui demandant de rester derrière lui. Je l'ai pris pour un déséquilibré. Je n'ai pas compris qu'il était policier, affirme Fabrice, professeur d'économie, supporter du PSG non-affilié et témoin du drame. Autour, il y avait une poignée d'agresseurs d'une vingtaine d'années, et surtout beaucoup de badauds, comme lien La confusion règne. La bombe lacrymogène que le policier a réussi à attraper avec son seul bras libre n'impressionne guère les assaillants. Il la vide en deux jets, sans parvenir à ralentir la foule menaçante. Dans la course-poursuite, le flic trébuche une première fois. Puis tombe à nouveau à l'entrée du dépôt de bus de la porte de Saint-Cloud. Dans sa chute, le policier perd ses lunettes. A cet instant, pour le fonctionnaire myope et astigmate, les hooligans ne sont plus des supporters en furie. Juste une inquiétante masse sombre qui fonce droit sur lui. Un coup de feu claque.



    Quand et comment le gardien Granomort a-t-il tiré ? L'analyse balistique est en cours. Selon ses premières déclarations à l'IGS, la police des polices, il a dégainé son Sig Sauer 20-22, l'arme de poing de la police, en se relevant. «Il voulait tirer en l'air pour se dégager», maintient son avocat, Me Bertrand Burman. Plusieurs témoins corroborent la thèse du policier. D'autres apportent des variantes. Fabrice, le badaud présent à quinze mètres du drame, n'a pas vu la même chose. «Le policier braquait la foule en déplaçant son pistolet de gauche à droite quand il est tombé. La foule a accéléré le pas et s'est retrouvée à deux ou trois mètres de lui. Il s'est relevé et a tiré très calmement devant lui», explique-t-il. Ce témoignage ne figure toutefois pas au dossier. «Quand j'ai appris qu'il y avait eu un mort, j'ai été tenté d'aller voir la police. Mais je suis fonctionnaire et je n'ai pas envie de contredire les autorités qui ont tout de suite validé la thèse de la légitime défense du policier», se justifie-t-il.
    Seule certitude, le coup de feu permet au gardien de la paix et à son protégé de trouver refuge dans le McDonald's voisin, en attendant les renforts. Mais la horde de hooligans, tenus en respect par l'arme du policier, se déchaîne sur les vitres du McDo. D'après plusieurs témoins, certains font le salut nazi. D'autres vocifèrent «On va te niquer sale négro!» et «Le Pen président!». Le gardien Granomort attend de longues minutes avant que ses collègues, joints par radio, alertent les CRS et dispersent la troupe des assaillants. Antoine Granomort sait-il déjà qu'il a mortellement touché Julien ? Ce dernier gît à terre. Il a été touché par une balle qui ne lui était pas destinée. Une seule et unique balle de 9 mm à la trajectoire folle. Elle a d'abord touché le hooligan qui était juste devant lui. Un type qu'il ne connaissait même pas. Un certain Mounir Bouchaer. Elle a transpercé son poumon droit puis a fini sa course dans le coeur de Julien. Un seul tir, deux victimes. Mounir, 26 ans, chauffeur-livreur du côté d'Evreux, est un miraculé. Blessé légèrement, Mounir rejoint le pub des Trois Obus, avant d'être transporté à l'hôpital. Fiché comme hooligan, père de famille d'origine marocaine (sa femme attend actuellement un deuxième enfant), il est plus connu au Parc sous le sobriquet de « Francis » pour son admiration pour Francis Llacer, un ancien joueur du club connu pour sa rudesse. « Il a été interdit de stade il y a sept ans pour jets de fumigènes,révèle un enquêteur. Il est répertorié comme violent. Il a été impliqué dans une autre bagarre, il y a deux ans à Versailles. Avec six de ses acolytes, il avait agressé des supporters de rugby à la sortie d'un lien
    Julien Quemener, lui, n'ira plus aux matchs, ni avec ses potes, ni avec sa copine Emilie. «Il aimait surtout le stade pour l'ambiance, se souvient la jeune fille, au bord des larmes. Il chantait du début à la fin. Ce n'était pas un costaud, il n'était pas du genre à chercher la lien Tragique destin : huit jours plus tôt, écoeuré par les bagarres survenues à la suite d'une défaite du PSG contre Bordeaux, Julien avait hésité à reprendre sa carte de supporter...

    Olivier Toscer, Sophie des Deserts
    Le Nouvel Observateur


  • fr@n le 30/11/2006 à 18h32
    ... admiratif de Francis Llacer!!!!!!!!!!

  • Si le vin vil tord le 30/11/2006 à 21h24
    Outre le coup sournois de Francis Llacer, il y aurait beaucoup à dire sur cet article dont on sent que l'auteur a voulu bien faire avec des détails très utiles comme les voitures que les gens ont acheté.
    " c'est vrai que quand vous voyez de grands drapeaux israéliens sous votre nez, c'est peut-être plus énervant que de voir des drapeaux irlandais..."
    Qu'est-ce qu'il faut pas lire? C'est une question de couleur c'est ça?
    "Julien voulait même se faire baptiser pour se marier à l'église."
    C'est dire s'il est sérieux. La droiture même :)
    "Mais je suis fonctionnaire et je n'ai pas envie de contredire les autorités qui ont tout de suite validé la thèse de la légitime défense du policier"
    Le courage des fonctionnaires. C'est fou ça! Que quelqu'un puisse penser que témoigner lui vaudra des problèmes me laisse sans voix!
    "Blessé légèrement, Mounir rejoint le pub des Trois Obus, avant d'être transporté à l'hôpital."
    Non rien :)

    En fait, voilà c'est le vilain hooligan qui était visé mais la balle a traversé et a tué le gentil supporter, même pas fan de Francis Llacer. En plus, je viens d'apprendre à la télé que le policier va être inculpé. C'est dire qu'il est méchant aussi.

    Tssss

  • fr@n le 30/11/2006 à 23h03
    ... il va être inculpé pour escroquerie (13.200 euros) ... ce qui n'a rien à voir avec la présente affaire on est d'accord!

  • Tapas Tef y Graf le 01/12/2006 à 09h44
    Reaction interessante sur le traitement de l'affaire par les medias, lu sur agoravox:

    lien

La revue des Cahiers du football