La Gazette, numéro 59
Duel au soleil
Tapie progresse à plus grands pas depuis qu'il a annoncé son retour sur le devant de la scène marseillaise, ce qui signifie un plan média impeccablement réglé pour garder l'initiative et couvrir la vacuité totale de sa politique et la gravité de la situation. Le Parisien a décidément ses faveurs, puisque c'est à nouveau dans ses colonnes qu'il avance ses pions en accusant sans le nommer Dubiton ("on") de lui pourrir la situation et d'être responsable de la plupart des fiascos de l'intersaison. Le directeur financier n'ignorait pas que la principale stratégie de Tapie consiste à accuser systématiquement les autres d'être responsables de ses propres errements, et surtout de parvenir à en convaincre les foules. Voilà notre légionnaire à découvert sous le feu de son ennemi, gageons que ce grand nerveux ne restera pas longtemps sans réagir, et que de nombreux épisodes de cette guerre tragi-comique sont encore à venir.
En tout cas, la stratégie esquissée tout récemment (voir Tapie V2.0) se confirme: il faut désigner Dubiton comme le responsable d'une situation intenable et préjudiciable au club, et en conséquence remettre les pleins pouvoirs à Monsieur Bernard. L'appel à RLD est cette fois explicite. Difficile ensuite de dire si le responsable sportif croit en la réussite de son plan ou seulement à l'assurance qu'il lui permettra de gagner du temps…
Coachise
Rapprochons-nous des terrains, mais pas complètement, avec le forum des entraîneurs qui s'est tenu à Genève la semaine dernière, notamment pour faire la promotion de quelques mesures qui ont pour point commun d'aller dans le sens des intérêts de nos virtuoses du banc de touche.
À commencer par la suppression du but en or, objet de discussions depuis longtemps. Il ne s'agit pas a priori d'une manœuvre pour empêcher l'équipe de France de gagner ses phases finales, puisque c'est un coach français qui s'est fait le défenseur de cette cause, en la personne de Gérard Houllier. Le but de la mort qui tue est déclaré "injuste", et est supposé encourager l'attentisme. Certes, mais la séance de penalties est-elle plus "juste", et surtout, combien d'entraîneurs n'attendent de toute façon qu'elle en verrouillant le jeu? Cette formule donne au moins l'avantage à l'équipe qui est allée de l'avant pour marquer, même si la terreur qu'elle engendre est effectivement de nature à inhiber tout le monde. Bon, ça se discute.
Plus amusante est la revendication concernant les jours durant lesquels les internationaux doivent être libérés par les clubs. Cette fois, c'est Arsène Wenger qui s'y colle en vantant les mérites d'un système à deux matches consécutifs pour les sélections —comme cela devient la règle aujourd'hui— mais en avançant le second au mardi. "Cela permet de dégager un jour de repos, cela fait une énorme différence", déclare le responsable d'Arsenal. Vous aurez rectifié vous-même : cela fait un jour de repos en moins entre les deux matches d'équipe nationale, et un jour de repos de plus avant le prochain match de club. Ici, les entraîneurs imitent la voix de leurs maîtres, sachant l'empressement des dirigeants des gros clubs européens à se plaindre du calendrier des sélections. Cette façon de balayer devant la porte des autres a de quoi amuser, venant d'un championnat anglais capable d'étaler une journée sur trois mois ou de faire disputer trois journées différentes en une semaine, à n'importe quelle heure de la journée.
Les entraîneurs redeviennent plus corporatistes lorsqu'ils réclament 20 joueurs sur la feuille de match et 5 changements par rencontre, ce qui reviendrait à accroître encore le pouvoir du "coaching", dont la part s'est constamment étendue lors des dernières décennies. Mais ce pas supplémentaire impliquerait une américanisation du football, avec une hypertrophie des calculs stratégiques et tactiques qui finirait par tuer le jeu en consacrant des joueurs d'échec plus que des joueurs de football.
Le Comité de lutte contre les gros plans ridicules communique :
L'Equipe TV est condamnée à verser aux fonds spéciaux des Cahiers du football une amende de 500 euros à chaque gros plan ridicule.
![]() David Marraud, solidaire : "C'est vrai, il faut en finir avec cette humiliation". |