Paris avant Ibrahimovic
Zlatan Ibrahimovic a estimé qu'avant lui, il n'y avait rien au Paris Saint-Germain. Offrons-lui une visite guidée de son club, quelques années avant son ère.
À l'issue du match entre Paris et Nancy, Zlatan Ibrahimovic a estimé que le public du Parc des Princes était très exigeant, au regard du néant qui l'a précédé. Intéressante théorie du Big Bang: avant l'explosion suédoise, à Paris, il n'y avait donc rien. Allons donc, Paris a bien dû posséder quelques attaquants que la star multi-tatouée gagnerait à considérer avec respect, si ce n'est avec humilité...
Futurs Ballons d'Or
On pourrait remonter jusqu'à Carlos Bianchi, et s'interroger sur la capacité du Suédois à battre son record datant de 1978: du temps où le PSG n'avait rien, le goleador argentin a tout de même marqué 37 buts en championnat. Dans la foulée, oublions aussi Pauleta, accessoire recordman des buts marqués sous le maillot bleu et rouge. Un aigle qui, noblesse oblige, refusait de déployer ses ailes après avoir marqué contre ses anciens clubs. Zlatan n'en a peut-être jamais entendu parler. On pourrait évoquer Weah, et Ronaldinho... si cela ne nous amenait à verser dans une inélégante facilité. Après tout, peut-être Ibra remportera-t-il un jour le Ballon d'Or après être passé par le Paris Saint-Germain, lui aussi? En attendant, sa Zlatanité continue à se croire seule dans les rangs parisiens. Avec sur le dos un numéro 10 que Susic, Rai, et quelques autres ont peut-être davantage fait briller.
Non, s'il faut vraiment mettre les points sur les "i" et expliquer à l'actuel meilleur buteur de la L1 qui a joué au PSG avant lui, il serait peut-être plus poli de lui présenter des joueurs qu'il est moins regrettable de ne pas connaître. Des sans-grades. Des oubliés. Des inexistants.
Le public du Parc, qui il est vrai cultive avec une remarquable constance sa mauvaise éducation, a été mal nourri dans son enfance. Il a grandi avec les bicyclettes d'Amara Simba. International météoritique, Amara ne possédait pas de statistiques ronflantes, ni de palmarès grandiloquent. Mais ses retournés acrobatiques affichés en quatre par trois ont incarné une certaine idée du Paris SG au début des années 1990. Pas un gamin de la capitale qui n'ait marqué un temps d'arrêt devant elles, provinciaux en exil compris. Souhaitons à Ibrahimovic d'offrir un jour ce que Simba a pu leur donner: un rêve de football. Pas un rêve de fric, de stats, de titre. Un rêve de foot, juste le fantasme d'une action merveilleuse qui occulterait tout le reste.
Leroy, Christian et le soutien du Parc
Avant de déployer le tapis rouge à Zlatan, le Parc des Princes avait également accueilli Laurent Leroy. Autre spécialiste de la bicyclette, autre buteur modeste (20 buts en 90 matches sous les couleurs du PSG), autre pas-tout-à-fait-mais-presque-inconnu. Alors, avant Zlatan, Paris n'avait rien? Ou alors avec Laurent Leroy, Paris avait-il tout? Leroy, c'est un pied, qui lui permettra de marquer l'un des plus beaux buts de l'histoire du club, à la Corogne. Ce sont aussi des larmes, à la fin de ce même match. Match de Ligue des champions perdu pour construire la légende maudite d'un club à part. Leroy, c'est une jambe, brisée pour son club, et une partie de sa carrière avec elle. Lui aussi a fini par quitter Paris... Tous le font. Mais à voir l'attaquant se dépouiller au service de son équipe aussi longtemps qu'il évolua sous ce maillot, aucun supporter n'a jamais pu douter que son cœur battait pour le club. Ibra ne dégage pas forcément la même impression de don de soi. Mais il ne connaît pas Laurent Leroy, alors comment s'en inspirerait-il?
Dernier fantôme à exhumer, Christian Corrêa Dionisio... Lui, les Bordelais ne peuvent l'avoir oublié. Les Parisiens de 1999 non plus. International auriverde, Christian débarqua fin août pour la 5e journée de championnat. Il restera muet ce match-là. L'autre aussi. Et le suivant. Muet. Conscient des attentes déçues, le joueur de Porto Alegre traîna son inefficacité comme un boulet, montrant une réelle souffrance en dehors des terrains. Le cauchemar s'étirera jusqu'au 24 octobre, soir de la 12e journée. Enfin Christian marquait, à Sedan. Mais le public du Parc, si difficile, n'aura pas attendu aussi longtemps pour montrer son soutien au Brésilien. Bien avant, le Virage Auteuil déploiera une banderole "Coragem Christian" en tribunes, en son honneur. Au bout de cette saison-là, Christian aura tout de même offert 16 buts au Paris Saint-Germain, dont un quadruplé. S'il s'intéressait un peu à son club, Ibra aurait appris qu'au Parc des Princes, il fut un temps où certains attaquants étaient encouragés, même dans l'échec... Cela aurait presque pu lui donner l'idée de rechercher pourquoi.