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Le Tissier : les footballeurs heureux n'ont pas d'histoire

Les joueurs d'exception – Homme d'un seul club, Matthew Le Tissier a traversé sa carrière en dilettante et en régalant ses supporters de buts délicats et sublimes.

Auteur : Thomas Fourquet le 29 Sept 2011

 

 

"Le God". C'est le surnom qu'ont donné les supporters de Southampton à Matthew Le Tissier, milieu de terrain atypique, nonchalant, déroutant. Avec son air perpétuellement tombé du lit, sa lenteur, son allure d'échalas lymphatique et son peu d'enthousiasme pour l'hygiène de vie que requiert le sport de haut niveau, il partait pourtant de loin. L'histoire de sa carrière tient en quelques lignes. Né à Guernesey (dans les îles anglo-normandes, de là son patronyme français), il pose à dix-sept ans ses valises dans le grand port de la côte Sud, Southampton. Il y reste jusqu'à la fin de sa carrière en 2002, marquant au passage 162 buts en 443 matches de première division anglaise entre 1986 et 2001 – pas mal pour un milieu de terrain. Palmarès: néant.


Slaloms languides

On se souvient de lui pour une belle palanquée de buts exceptionnels. Les tops 10 tels que celui-ci ci-dessous ne suffisent pas: cette très belle vidéo, sur une musique de... Mozart, en montre d'autres tout aussi époustouflants. Pas des buts venus d'ailleurs, non, au contraire, des buts qu'on a pas vu ailleurs, ni avant ni après. Des rushes de cinquante mètres au ralenti, des slaloms languides dans des défenses ensorcelées. Son but le plus célèbre, marqué contre Newcastle, est un chef-d'œuvre d'improvisation, un enchaînement sublime aile de pigeon-grand pont-sombrero-tranquille plat du pied.



Le Tissier possédait également une frappe phénoménale (des deux pieds) et d'autant plus surprenante que l'exécution est lente – une frappe étrange, flottante et imprévisible. Sur un coup franc aux vingt mètres, il se fait donner la balle en retrait, se la lève et envoie tranquillement le ballon dans le petit filet. Il s'est aussi permis de lober Peter Schmeichel aux dix-huit mètres, dans un mémorable 6-2 infligé à Manchester United (à voir aussi pour le commentaire anémique).


Iguane sous Lexomil

Enfin, avec 48 penalties réussis pour... un échec, Le Tissier est probablement l'un des meilleurs tireurs de penalties de l'histoire. Normal, le bonhomme était aussi nerveux qu'un iguane sous Lexomil. Ce détail n'est pas négligeable, si l'on se souvient que l'équipe d'Angleterre a souffert d'une faiblesse chronique aux tirs aux buts dans les compétitions internationales.
Et pourtant, sa carrière internationale est restée embryonnaire. Sélectionné quelques fois en équipe d'Angleterre avant l'Euro 96, des performances moyennes contre l'Italie et la Roumanie l'écartent du groupe. Un triplé pour l'équipe d'Angleterre B, juste avant le Mondial 98, ne suffira pas à convaincre Glen Hoddle de l'inclure dans la sélection. Si l'on en croit le joueur, Platini, à la recherche d'un meneur de jeu, aurait tenté de le faire venir en sélection française, apparemment sur la foi de son patronyme!

Il y a plusieurs raisons à ce manque de réussite. D'abord, son profil était jugé similaire à celui de Gascoigne, et un joueur comme lui s'insérait difficilement dans un 4-4-2. Ensuite, le football anglais ne savait pas trop quoi faire de ses grands techniciens: avant lui, le lutin Peter Beardsley a été constamment ignoré par Graham Taylor au début des années90. Enfin, et c'est sans doute la clé, dans un club qui luttait chaque année pour éviter la relégation, Le Tissier était condamné à une semi-obscurité.


letissier_autobio.jpgBig fish in a small pond

Alors, pourquoi être resté à Southampton? Si le joueur a bien eu des touches avec de plus gros clubs, il n'a jamais manifesté la moindre envie de quitter les Saints. Même Tottenham (à cent trente kilomètres) était trop loin. Tout au long des années 80 puis 90, Southampton a squatté le bas de tableau, enchaînant les sauvetages à la dernière journée. Il n'y avait donc que trois matches réellement importants dans la saison: le dernier, et les deux derbies contre le voisin Portsmouth. Le Tissier serait pour toujours le prototype du big fish in a small pond: le gros poisson dans une petite mare.

C'est pourquoi son autobiographie, Taking Le Tiss, est assez pauvre en sensations fortes. De fait, Le Tissier fait partie de ces joueurs qui n'ont jamais signé dans un club parce qu'ils étaient "séduits par le projet sportif", pour "franchir un palier" et "gagner des titres". À partir de dix-sept ans, Matt Le Tissier n'a plus franchi de palier. Il est arrivé à Southampton en bonne partie parce que c'était le club de première division le plus proche de Guernesey. Il n'était pas question pour lui de "se donner à 110%", bien au contraire: le joueur raconte – un peu complaisamment – quantité d'anecdotes sur son allergie à l'effort ou à la diététique. Sur un terrain couvert de givre, à l'arbitre qui estimait que "Ça irait si les joueurs étaient à 90%", il aurait répondu qu'il était hors de question pour lui de fournir des efforts supplémentaires.


Loin de l'Europe


Le Tissier est un joueur pré-Bosman, pré-droits-TV. En lisant son autobiographie, le téléspectateur abreuvé de Ligue des champions, de stars internationales et de transferts faramineux découvre (ou plutôt redécouvre) à quel point, il n'y a guère plus de quinze ans, l'audience d'un footballeur de haut niveau pouvait être limitée. Le Tissier n'a jamais joué contre une équipe de club étrangère, si ce n'est en match amical. Il n'a même jamais lutté pour une place européenne. Les rencontres de Southampton n'étaient diffusées dans le programme Match of the Day que lorsque l'équipe rencontrait un poids lourd. Dans l'ère pré-YouTube, l'horizon des joueurs d'une équipe moyenne était encore largement confiné à l'ici et maintenant, c'est-à-dire au stade.

Le Tissier a gagné assez bien sa vie, sans plus – son salaire de l'époque, à son maximum, doit être celui d'un joueur moyen de deuxième division aujourd'hui – pris quelques cuites, enchaîné les saisons sans gagner aucun titre. Au total, une carrière pépère, peut-être en décalage avec les dons exceptionnels du joueur, mais en harmonie parfaite avec son caractère. Après sa retraite, il a été embauché comme commentateur dans l'émission Soccer Saturday 2. Toujours placide, Le Tissier explique qu'il n'en revient toujours pas d'être payé grassement pour regarder des matches et les commenter...

letissier_2.jpg

Manque d'ambition? Peut-être, mais qu'aurait eu à faire dans un club qui luttait pour la Ligue des champions un joueur qui, de son propre aveu, aimait jouer au foot, mais pas courir ni tacler? Dans ce club moyen, Le Tissier a pu exprimer sa classe éblouissante, du moins lorsque l'entraîneur en place était assez intelligent pour donner à son équipe la seule consigne raisonnable: passez-lui le ballon. Dans un plus grand club, il aurait été contraint de fournir des efforts (horreur!) et de s'insérer dans un schéma tactique pas fait pour lui, pour finir probablement sur le banc.

De Le Tissier, il reste un gros blaire, l'adulation d'une ville, une poignée de buts mémorables et un détachement qui semble aujourd'hui un peu irréel – même si Jérôme Leroy a repris le flambeau avec quelque succès. Qu'ils soient loués, ceux qui ont mis leur talent au-dessus de leur carrière.

Réactions

  • magnus le 29/09/2011 à 14h48
    Finalement, le joueur qui se rapprocherait le plus de Le Tissier, ne serait-ce pas Podolski? encore que même à Cologne il a une efficacité inférieure à ce qu'il fait en équipe nationale.

  • roms le 29/09/2011 à 14h53
    Marrant, je pensais à Bakero hier en regardant le Barca, et par association d'idées, à Guerrero, et à une discussion similaire en face y a quelques années...

    Zola a tout de même un joli palmarès. Comme italien, j'aurais plutôt cité Enricho Chiesa. Bernd Schneider me semblent coller à peu près. Et Kastendeuch, aussi, tant qu'à faire.

    Parmi ceux qui jouent encore, Valeron, et un joueur dont j'essaye de grappiller les dernières miettes de football : Pablo Aimar.

  • roms le 29/09/2011 à 14h56
    Ah oui, De la Peña...

    C'est parti pour une après-midi foot-nostalgie...

  • magnus le 29/09/2011 à 14h57
    leo
    jeudi 29 septembre 2011 - 14h47
    "Et partir de l'Athletic pour jouer à Seville ou l'Atletico Madrid, ce n'est pas vraiment une progression, malgré les résultats récents de ces clubs.
    L'Athletic Bilbao est une institution du championnat d'Espagne !"

    Ben, avec Séville ou l'Atletico t'avais au moins des opportunités d'aller loin en Europa League. Et un plus gros salaire, j'imagine. Je suis d'accord pour le rayonnement de Bilbao en Espagne, et a fortiori pour ceux qui sont du coin, mais à part éventuellement la Copa del Rey, t'auras pas grand chose à te mettre sous la dent.

    Bon, et Di Natale? le gars est encore parti sur des bases très élevées, c'est quand la dernière fois qu'on a vu un pluri-capocannoniere rester dans un club provincial? Riva à Cagliari?

  • roms le 29/09/2011 à 15h01
    Jesus Navas suivra peut-être la voie de Guerrero, pour des raisons probablement différentes.

  • magnus le 29/09/2011 à 15h06
    Ah oui, Schneider! dommage qu'il n'ait pas 10 ans de moins, j'aurais bien aimé le voir accompagner encore un peu les Ozil, Muller et cie.
    Chiesa est un joueur qui s'est imposé sur le tard en Serie A, à la fin il s'est posé à Siena mais il ne pouvait pas espérer vraiment plus, surtout vu le pedigree des buteurs italiens dans les années 90. Les Signori et Baggio qui passent quelques saisons dans des "provinciale" comme Bologne et Brescia c'est quand même pas mal, ils sont d'un tout autre calibre.

  • Jean-Luc Skywalker le 29/09/2011 à 15h16
    C'est vrai que parmi les joueurs mono-club, en général, ils sont a minima du niveau du club. Il y a peu de spécimens de très bon joueurs qui font leur carrière dans un club moyen. Et dans l'ère post Bosman où les joueurs n'ont même plus de libre arbitre, c'est carrément mission impossible.

  • José-Mickaël le 29/09/2011 à 15h32
    Comme joueur de top niveau qui joue dans un petit club, je pense aussitôt à Johnny Rep à Bastia. C'est tellement improbable... Mais bon, ce n'était pas pour des raisons sentimentales.

  • magnus le 29/09/2011 à 15h42
    Milan Rapaic a joué quelques saisons à Perugia, où il s'est révélé en Serie B. Le gars était pas un phénomène, mais il était largement au-dessus de ce à quoi le club pouvait aspirer à l'époque (1 ou 2 qualifs pour l'UEFA puis lutte pour le maintien), et l'idole des supps locaux.

  • Vas-y Mako! le 29/09/2011 à 17h03
    José-Mickaël
    jeudi 29 septembre 2011 - 15h32
    Comme joueur de top niveau qui joue dans un petit club, je pense aussitôt à Johnny Rep à Bastia. C'est tellement improbable... Mais bon, ce n'était pas pour des raisons sentimentales.


    Je ne pense pas que c'était pour le fric. Il était peut-être amoureux de l'île de beauté? Ou sa mère était retenue en otage par le FLNC?

La revue des Cahiers du football