Fulham en peine - 1879-1986
Un siècle de ventre mou dans un stade mythique – En 1996, Fulham était dernier de 4e division anglaise et jouait devant 2.500 spectateurs dans un stade sur le point d’être rasé. Ce soir, le club dispute une demi-finale de coupe d’Europe.
Auteur : Kevin Quigagne
le 22 Avr 2010
1879 – 1949 : les soixante-dix peu glorieuses
Fulham FC (surnommé les Cottagers - ou les Whites) est le plus vieux club professionnel londonien, fondé par des religieux en 1879. Le football vit des débuts chaotiques, et comme tant d’autres clubs, son existence est nomadique. Fulham comptera neuf domiciles en quinze ans avant de trouver le bon: Craven Cottage. En 1894, le club rachète un vaste terrain sur les bords de la Tamise dans le quartier de Fulham (ouest de Londres), là où une imposante chaumière vient de brûler (d’où le nom de "Cottagers", aux résonances si incongrûment champêtres au beau milieu de Londres).
Pour construire Craven Cottage, le club fait naturellement appel au plus célèbre des architectes de stades: l’Écossais Archibald Leitch, l’inventeur du "stade à l’anglaise" (à son palmarès: Highbury, Anfield, Old Trafford, Ibrox Park). Le Pavilion Building situé dans un virage (qui évoque un pavillon de cricket), est un monument historique classé d’où sortent les joueurs pour rentrer sur le terrain. Le stade compte aujourd’hui 25.700 places.

Fulham s’engage d’abord dans les championnats locaux, comme la London League et ses équipes aux noms historiques ou évocateurs, tels le Thames Ironworks FC (qui deviendra West Ham), le Leavesden Mental Hospital, ou même le Crouch End Vampire FC. L’absence de publicité fait que nombre de clubs créés autour des années 1870 choisissent des noms originaux. Il s’agissait de se faire remarquer, et les clubs créés plus tard joueront la carte identitaire de la territorialité: City, Town, County, etc. Fulham devient professionnel en 1898, et évolue alors dans les Leagues régionales.
1907 est l'année de la montée en Division Two. Hormis quatre saisons en D3 (de 1928 à 1932), ils resteront en D2 jusqu’à l’après-guerre.

1949 – 1968: les "Glory Years"… et Johnny Haynes
Fulham passe douze saisons sur dix-neuf en Division One dans ces années-là, sans jamais parvenir à fracturer le Top 10. En 1949, pour la première fois de son histoire, le club accède à l’élite, enfin. Et retombe illico en D2 en 1952… Néanmoins, en cette saison 1952-1953, un jeune joueur prometteur de dix-sept ans fait ses grands débuts: Johnny Haynes. Cet "inside forward" (inter – milieu offensif) deviendra l’un des plus grands joueurs anglais de tous les temps. Surnommé "The Maestro", il sera sélectionné 56 fois en équipe nationale (dont 22 fois comme capitaine), pour 18 buts. Pelé disait de lui qu’il était "le meilleur passeur qu’il ait jamais vu". 657 matches pour Fulham, 158 buts. Seules des séquelles aux genoux, à la suite d'un accident de moto, l’empêcheront de participer à la Coupe du monde 1966 sur le sol anglais.

En 1961, Fulham refuse même une offre de 80.000 livres du AC Milan pour lui, une somme faramineuse pour l’époque (le record étant de 152.000 livres pour Luis Suarez, du Barça à l’Inter, ce même été 1961). Haynes est un précurseur, souvent considéré comme le Beckham de l’époque. Il est le premier joueur à avoir eu un agent et l’un des premiers à avoir fait de la publicité. Et il est le premier Anglais à profiter pleinement de l’abolition du salary cap en 1961: il passe la barre des 100 livres par semaine avant tout le monde (et quintuple ainsi son salaire).
1968 – 1986: les années molles... avec Bobby Moore et George Best
1968. Fulham descend en D2. L’ascenseur D2-D3 se met en route. Pas grand-chose à se mettre sous la dent durant ces années, si ce n’est une finale de FA Cup en 1975 (défaite contre West Ham). Deux recrues viennent cependant perturber cette monotonie. Bobby Moore tout d’abord, de 1974 à 1977. Le capitaine des champions du monde 1966 arrive à Fulham en provenance de West Ham (646 matches en 16 ans avec les Hammers). Moore n’est plus le jeune homme fringant et dominateur des années 60, il a connu beaucoup de pépins depuis 1970. Il disputera tout de même 124 matches sous le maillot de Fulham.

L’autre recrue fracassante de ces années 70 est George Best. Un Best post-Manchester United, carrière en pente douce, gosier en pente raide. Le "Fifth Beatle" revient des Los Angeles Aztecs (co-financés par Elton John) pour faire une pige à Fulham. Et n'y fait pas que de la figuration: il dispute 47 matches en tout (en un peu plus d’une saison). Malgré l’anonymat de la D2, Best déclarera plus tard avoir vécu l’une des meilleures années de sa vie à Fulham – la présence à Fulham de Rodney Marsh, fêtard invétéré, expliquant peut-être cela (1).
Saison 1977/1978. Best, Moore et Rodney Marsh partis (tous les trois aux Etats-Unis), pendant trois ans le club vacille pour finalement retomber en D3 en 1980. Afin de diversifier ses activités (dettes obligent), Fulham fonde un club de rugby à 13, le Fulham Rugby League (les rubgymen quitteront Craven Cottage en 1984). Ce "produit dérivé" estampillé Fulham FC deviendra plus tard le Harlequins Rubgy League et joue aujourd'hui parmi l'élite anglaise du rugby à 13.
1981/1982. Plusieurs joueurs de qualité arrivent au club, dont Ray Lewington et Ray Houghton (qui portera le maillot irlandais à 73 reprises). Quelques jeunes prometteurs complètent l'effectif, dont Tony Gale et Paul Parker (qui deviendra international anglais en 89 et sera du Mondial en Italie). Les Cottagers remontent en deuxième division. L’équipe est performante et rate de peu la montée en D1 à la fin de la saison 82-83. Cependant, les difficultés financières menacent la survie du club, et graduellement, les meilleurs joueurs sont vendus...
Deuxième partie : Fulham conquérante – 1986-2010
(1) En Californie, Best a monté un bar avec un compagnon de déroute, le "Bestie’s Beach Club", qu'ils avaient prévu de le rénover eux-mêmes. Le début des travaux tardant, un jour, alors que son associé lui demandait quand il comptait commencer la rénovation, Best, ivre, prit un tabouret et le jeta sur un énorme miroir en braillant: "Je déclare la rénovation commencée".