Au pays des aveugles
Un jour, les commentateurs découvriront la quatrième dimension, ils apprendront la règle du hors-jeu et ils laisseront les arbitres arbitrer.
Auteur : Pierre Martini
le 9 Fev 2009
Lights, camera, revolution
Un jour, n'en doutons pas, la lumière tombera sur Olivier Rouyer, tels ces faisceaux lumineux de la palette 3D de Canal+ qui s'abattent sur les joueurs. Le consultant l'a entraperçue, dans son commentaire de Lille-Sochaux (Jour de foot). Il se montra d'abord aussi catégorique qu'à l'accoutumée, quoique, cette fois, en "validant" le penalty sifflé par Éric Poulat (poussette de Beria sur Sverkos). Du moins avant que son collègue n'émette un doute: la faute a-t-elle été commise à l'extérieur ou à l'intérieur de la surface de réparation? L'ancien joueur de Nancy admit alors le doute en remarquant qu'au moment approximatif du contact, le défenseur était à l'extérieur et l'attaquant à l'intérieur... Un abîme métaphysique s'ouvrait sous ses pieds.
Un jour peut-être, à partir de cette bête constatation, Olivier et ses amis parviendront à cette conclusion: une "faute" – en tant qu'enchaînement complexe de mouvements dans les trois dimensions de l'espace et dans celle du temps – ne peut pas toujours être ramenée à l'alternative "yapéno / yapapéno" ou "cédedans / cédehors".
Pavlov on the beat
Avant que ce jour n'arrive, il faudra toutefois que les journalistes sportifs de télévision révisent un peu la règle du hors-jeu, qu'ils ont fini par confondre entièrement avec le jeu imbécile du "révélateur". Résumé de Lorient-Monaco. Ludovic Duchêne et Patrice Rio commentent l'image arrêtée au moment de la passe qui avait mis Mollo sur le chemin du but. Verdict: "Mollo n'était absolument pas hors-jeu, c'est très facile à vérifier: Le Lan est complètement en couverture derrière".
Précision parfaitement inutile: comme le montre le plan, Mollo partait de son propre camp... La ligne médiane, comme révélateur, c'est bien aussi. Mais pour les commentateurs, se jeter sur le verdict du réalisateur est devenu une activité réflexe qui n'appelle plus la moindre réflexion (lire "Le révélateur au placard")

Angle of mercy
Certains gadgets technologiques sont moins gratuits (dans tous les sens du terme) que le révélateur – cet objet du culte pour les grands prêtres du hors-jeu au centimètre. Du moins servent-ils, parfois, à mettre le doigt sur des évidences négligées. Ainsi, la palette en trois dimensions de Canal+ a-t-elle permis, lors de l'avant-dernière journée de championnat, de montrer au téléspectateur l'angle de vision de l'arbitre, sur l'action du "penalty non sifflé" sur Ilan, lors de Lyon-Saint-Étienne. Fabio Santos, placé dans l'axe, masque complètement le geste probablement illicite de Boumsong.
L'image ci-dessous fait un excellent plaidoyer, non pour l'arbitrage vidéo, mais pour l'arbitrage à cinq: en pareil cas, un juge placé derrière la ligne aurait eu une vision parfaitement dégagée pour apprécier l'action (lire "Quintette au carré").

Ah oui, et pendant ce temps, Gilles Veissière continue de faire passer ses interprétations pour des vérités révélées afin de laminer ses anciens collègues.