Une grève passe
La paix sociale est subitement revenue entre les joueurs et les clubs. La révolution ne remplacera pas OM-PSG.
Il fallait une pointe de romantisme pour penser que les footballeurs allaient mener au bout une cause qui dépassait leurs propres intérêts, les associait aux autres "familles" du football et permettrait peut-être d'endiguer la volonté de pouvoir des patrons de club (lire "Grève: les joueurs plantent le piquet"). Mais alors que les deux parties affichaient leur intransigeance après un dégagement en touche de Bernard Laporte, elles négociaient en catimini les termes d'un compromis dont l'intégralité ne sera d'ailleurs dévoilée que le 14 novembre, date de l'assemblée générale extraordinaire de la Ligue. Le dénouement du conflit a été aussi rapide qu'avait été lente l'ouverture du dialogue.
Citoyen consultatif
L'accord négocié satisfait les protagonistes... c'est-à-dire qu'en échange de l'abandon des deux sièges supplémentaires espérés, les clubs obtiennent les coudées franches dans le domaine économique, pour lequel la voix des joueurs, des entraîneurs, des arbitres, des médecins et des administratifs ne sera plus que "consultative".
Les familles ont préservé la gestion paritaire des aspects sociaux, comme l'éventuelle remise en cause de la Charte du footballeur. Mais en abdiquant ainsi tout droit de regard sur des décisions qui auront pourtant des conséquences globales, admettant ainsi une forme d'incompétence citoyenne, les joueurs accordent bien légèrement un chèque en blanc à nos présidents. Mais, principaux bénéficiaires (sur le plan bancaire, leurs articulations étant moins enthousiastes) de l'essor économique du football, ils n'ont probablement pas trouvé aberrant de laisser les clés de leur prospérité à ceux qui l'ont assurée jusqu'alors. On ne mord pas la main qui nourrit.
"Moins craintifs"
L'occasion d'unir les différentes corporations du football pour limiter l'expansionnisme des actionnaires de clubs est bel et bien passée. "Nous avons trouvé un accord qui permet aux joueurs d'être moins craintifs sur l'avenir, c'était surtout ça qui était en jeu", a déclaré Philippe Piat, chef de file de l'UNFP, le syndicat des crampons. Une façon d'admettre que l'objectif n'était pas très élevé, au propre comme au figuré. Les joueurs ont peut-être craint l'opinion, et la stigmatisation d'un statut de privilégiés difficile à exhiber en cette période de préparation de plans sociaux. Les entraîneurs, par la voix de Joël Muller (président de l'UNECATEF), ont même voulu voir dans ce dénouement heureux le signe d'une meilleure compréhension à l'avenir.
Avec plusieurs trains de retard et à contresens du retour de bâton actuel, le football français a donc penché pour plus de dérégulation: alors que l'enjeu était sa gouvernance, les clubs ont à la fois obtenu des prérogatives élargies et neutralisé l'émergence d'un contre-pouvoir (ou du moins d'un discours critique sur leur emprise).
L'essentiel est que la menace d'une cessation des tacles ne plane plus sur l'organisation de la prochaine journée et de son "sommet". Comme à Disneyland ou au festival d'Avignon, les conflits sociaux ne doivent pas ternir la beauté du spectacle.