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Un barbare qui sait pleurer

C'était l'an passé dans notre numéro "Paris, Paris, on t'adule!", et le texte est plus que jamais d'actualité: confessions d'un supporter du PSG qui ne demande pas l'absolution.
Auteur : Jérôme Reijasse le 22 Avr 2008

 

cdf33_paris.jpgSupporter du PSG... Les rires, déjà, lèchent mes entrailles. Les rires des autres. Ceux convertis en 1998, ceux complexés par leur province, ceux qui voudraient raser et, même pourquoi pas, fusiller tout Boulogne, ceux qui écrivent football avec un petit f dédaigneux. Tribune K Bleu Bas, rang 1. Géographiquement à la droite de Boulogne, juste histoire d’écœurer un peu plus les curieux. Dix années d’abonnement. Même place, les genoux comprimés par ce balcon de béton, glacial été comme hiver, mon nom sur le siège, mon meilleur pote à ma gauche. Les cris, les insultes, les joies, les explosions, la mauvaise foi, les larmes parfois, bien rentrées, la mauvaise foi encore, la haine des arbitres, les plaisanteries qui soignent, la vie. 


Jamais une machine à gagner

1980 : un ange se pose au Parc. Rocheteau choisit le PSG et je le suis. Aveuglément. À l’école, à l’heure des échanges de vignettes Panini, les doubles des joueurs parisiens atterrissent systématiquement sur mon pupitre, "Tiens, le faux Parigot, colle-toi au cul tes pauvres joueurs. Hé, j’ai celle de la salope de Rocheteau, tu la mettras sur tes chiottes". Les enfants sont formidables. J’achète Onze, souvent, et, interdit de télévision, j’écoute la radio, tout le temps. Je vibre dans le noir, partage les victoires avec Dieu, vu que mon entourage, lui, semble avoir choisi les Canaris, les Verts ou les Girondins. Tsoin, tsoin. Marseille n’intéresse alors personne. Douce époque. Luis, Safet, la liste est longue. Elle n’appartient qu’à moi. Je ne suis pas un historien, juste un barbare qui sait pleurer.

Les matches se confondent tous. Très vite, je comprends que supporter le PSG, c’est d’abord accepter une évidence: l’obsession de la victoire est un passe-temps réservé à ceux qui confondent réussite et appartenance. Et puis, si Paris gagne, c’est parce que la capitale bénéficie de soutiens souterrains, ou qu’elle a affronté un adversaire déjà soumis. Et si Paris perd, c’est l’expression de la justice totale. Moi, derrière les moqueries, je sais. PSG ne sera jamais une machine à gagner, malgré les titres, malgré les grands joueurs qui ont honoré le maillot. PSG, c’est le refuge de ceux qui ne veulent pas se contenter de respirer. Une tragédie pathétique. Seul(s) contre tous. Un miracle.


barbare_paris.jpg


Le bonheur et la guerre


Le Parc des Princes. Un vaisseau spatial échoué sur terre. Acoustique de l’apocalypse, chants qui prennent à la gorge, le stade de la fidélité toujours au rendez-vous. La première fois, c’est le choc. Mes jambes tremblent. Le petit garçon a grandi mais pas tant que ça. Weah marque. Un inconnu se jette sur moi, il pleure, non? Je communie. Je comprends. Les rumeurs perçues à la radio s’incarnent. Ici, c’est Paris. Ici, c’est chez moi. Pour la vie.
Championnat de France, Coupe de France et de la Ligue, coupe d’Europe, Rai, Pilorget, Pouget, Madar, Le Guen, NGotty, Fournier, Gaby, Valdo, Rabesandratana, Leonardo, Bats, Lama, Ginola, tout se mélange, encore une fois. Quand le PSG domine, années 90, c’est évidemment le bonheur, quand le PSG est bafoué par Biétry et tous les autres, c’est la guerre. Mais c’est exactement la même. Appartenance.

Celui qui croit à la victoire éternelle est un crétin. Quand les trompettes du succès auront cessé leur douce et martiale mélodie, les stades se videront. Tous. Sauf le Parc. Bien sûr, ici comme ailleurs, les mécréants s’abonnent. Mais ils ne font que passer. Le Stade Français leur tend les bras, qu’ils n’hésitent pas. Un nouveau déguisement, rose, pourquoi pas ?
Je n’ai jamais su composer, jamais su faire la part des choses. J’aime le stress d’avant-match, j’aime la tristesse et la solitude d’après-match. Tout le monde aime la victoire. Mais c’est bien sûr dans la défaite que les vrais supporters se reconnaissent. J’aime surtout l’idée que, parce que je suis un supporter du PSG, je vais irriter, agacer, dégoûter, voire faire peur. J’aime ça. "Nobody likes us and we don’t care". La devise de l’équipe anglaise de Millwall. Je la revendiquerai jusqu’au bout.


Chambre d’enfant

Aujourd’hui, le PSG sombre. Depuis 1998, il a entamé son processus d’autodestruction. Gestion catastrophique, conflits de couloirs, viol du maillot... Mais quel genre de mari quitterait sa femme parce que le médecin vient de confirmer que c’était bien un cancer qui la rongeait ? Une enflure, rien d’autre. La Ligue 2 est en vue. Ça me réveille la nuit. Je fixe le classement et mes yeux ne peuvent plus s’en détacher. Je calcule, prévois dans le vide. Je hais Paris parce qu’il me déçoit, parce qu’il me rend fou, parce qu’il gangrène ma vie sociale. Et donc je l’aime. Pour plaisanter, je me dis que le prix de l’abonnement l’année prochaine sera dérisoire, blablabla. J’ai peur.

C’est certainement ridicule, "le football, c’est juste un ballon qui entre (ou pas) dans une cage". Mille fois cette phrase m’a été jetée à la face. Circonstance aggravante : je n’étais pas seulement un supporter. J’avais choisi le PSG. Club de nazis, club de riches, club corrompu, club Canal. Mon club. La tête de Kombouaré. Le coup franc en Belgique. Le 3-0 à Marseille, avec Ronnie qui humilie avec grâce. Galatasaray. La Juventus qui mérite ses applaudissements. 1982, la Coupe, ma chambre d’enfant excroissance impossible du PSG. La Corogne intraitable. Les poings serrés. Souvent. Encore. Champion de France. Le pointu de Leroy contre le Bayern. Bordeaux qui fête son titre au Parc. Les Champs-Élysées en avril. Rai qui pleure.

Alors, la Ligue 2, je prends aussi. Pas grave. Terrible. Mais pas grave. Être supporter du PSG, ça ne sert à rien. Ça ne vaut pas une femme, des enfants, une existence. Je ris maintenant. L’orgasme est une foutaise comparée à l’instant où ce ballon minable franchit la ligne. Et où le Parc défie la gravité. Une foutaise ! Quand votre meilleur pote (toujours le même) vous massacre l’épaule parce que là, tout de suite, plus rien ne compte, plus rien ne compte. Tout est là. Vingt-cinq ans d’appartenance.

Il y a quelques années, en soirée :
- Si tu devais choisir entre moi et le PSG vainqueur de la Ligue des champions, mon amour ?
- Chérie, serait-ce du pur masochisme, ainsi, en public, ou bien...
Elle est, depuis, sortie de ma vie. J’ai même  du mal à me souvenir de la couleur de ses yeux. Diané, Cissé, tous les boiteux du PSG, eux, sont là. Aujourd’hui. Demain. Dieu n’est pas mort. Paris non plus.

Réactions

  • José-Mickaël le 24/04/2008 à 09h13
    Sur le thème "une passion peut-elle prendre le pas sur l'amour pour une femme ?" je vais vous raconter l'histoire de Vito Dumas, un cultivateur Argentin passionné par les océans, qui s'est trouvé confronté à ce choix...

    (Source : "La grande aventure des océans", G. Blond.)

    Dumas a toujours été intéressé par la mer, mais n'ayant pas les moyens (c'est un simple cultivateur), il doit attendre des années et des années avant de pouvoir s'acheter un petit bateau. C'est au cours d'un voyage en France qu'il le trouve. Juste un petit voilier fait pour la navigation côtière, ancien, à retaper. Il l'achète, il le retape rapidement, et il décide d'économiser le billet de retour : il rentrera en Argentine avec. Tout le monde le prend pour un fou, mais il part au large. Sa traversée de l'Atlantique est un calvaire : il doit écoper en permanence (il a mal rafistolé le navire), il ne peut pas dormir (sinon par microsommeil), il se blesse en chutant à l'intérieur. Mais il survit. Cet homme bizarre, que l'être humain lambda a sans doute du mal à comprendre, décide alors que, puisqu'il a survécu à cette épreuve, il va s'en infliger une autre. Pire. Faire le tour du Monde en solitaire à la latitude des quarantièmes rugissants. Ce que personne, à l'époque (nous sommes maintenant en 1940 et quelques, c'est la guerre), n'a fait. Il prévoit trois haltes au Cap, à Wellington et à Santiago, séparant les trois océans. La plus longue étape sera Le Cap-Wellington. Le tout sur son vieux rafiot (qu'il prend le temps de retaper sérieusement, quand même).

    Le tour du monde en solitaire, à l'époque, n'a rien à voir avec ce qui se fait maintenant. Il n'y a pas de GPS, pas de prévisions météo pour ces régions, pas de secours par hélicoptère possible. En fait, à cause de la guerre, il n'a aucun secours à attendre : les navires qui croisent en mer coupent leur radio, ou communiquent par code. D'ailleurs, à un moment donné, il croisera des navires anglais qui refuseront de lui donner sa position exacte, car alors ils donneraient la leur (Dumas n'a pas de quoi faire un point précis). C'est tout le trajet qu'il va faire avec les quarantières rugissants, et ça va durer près d'un an, pas deux ou trois mois comme maintenant. Et puis le tour du monde en solitaire, de nos jours, se fait sur des catamarans à la technologie de pointe, pas sur des vieux rafiots rafistolés et non conçus pour la traversée de l'océan. Bref, Dumas est le genre d'homme qui décide, maintenant qu'il a une bonne partie de sa vie derrière lui, de s'imposer une grande épreuve, de mettre sa vie en danger, pour réaliser quelque chose d'exceptionnel et suivre l'appel de l'océan, qui le ronge depuis son enfance.

    Dumas commence par traverser l'Atlantique sud à 40°, là où le vent souffle en permanence et les tempêtes sont plus que fréquentes. Bien sûr, il doit écoper sans cesse et ne dort jamais. En essayant de réparer les voies d'eau, il s'est coupé et infecté la main (à cause du produit à calfater - sorte de goudron). De jour en jour, son bras gonfle et produit une odeur infecte. Il sait qu'il doit l'amputer, mais ne sait pas comment faire. Finalement il est sauvé par ses prières : un matin, il découvre que du pus s'écoule en abondace.

    Bref, tant bien que mal, Dumas arrive au Cap. Lorsque les marins apprennent son exploit, il se fait inviter un peu partout. En particulier, il reçoit l'invitation d'une jeune femme célibataire, fille unique issue d'une famille de navigateurs hollandais, qui lui propose de visiter sa villa en bord de mer. Ils se rencontrent et parlent de la mer, de navigation, etc. Elle est belle, intelligente, riche et, surtout, comme lui passionnée par la mer. Bref, ils tombent amoureux. Elle lui propose de rester (n'a-t-il pas déjà accompli un exploit unique ?), elle veut vivre avec lui.

    Dumas a quitté la villa en catimini en pleine nuit et est reparti. Sa traversée de l'océan Indien a été la plus périlleuse : tempêtes en permanence, tornades (il a approché l'Australie en pleine saison des tornades), manque d'eau douce, manque de sommeil (qui a failli le tuer)... Ensuite : Wellington, Santiago puis Buenos Aires. Dumas a accompli son rêve : il est le premier homme à avoir fait le tour du monde en solitaire à la latitude des quarantièmes rugissants, et pour les navigateurs c'est un héros. Il a survécu à une épreuve qui aurait dû lui coûter la vie. Et il a préféré braver la mort plutôt que de vivre au Cap avec une femme qui était faite pour lui.

    Alors, une passion peut-elle prendre le pas sur l'amour pour une femme ? A-t-il eu tort de quitter la belle sud-africaine ? A-t-il eu raison ? Je pense que personne ne peut répondre à sa place.

    Ces personnes qui vivent leur passion à fond, égoïstement, au risque de détruire leur vie, le font parce qu'ils ont en eux quelque chose que nous n'avons probablement pas (nous les gens paisibles).

    A côté de ça, la passion d'un supporter qui voue sa vie à son club (je ne parle pas forcément de l'auteur) est bien anodine. En tout cas, je pense qu'on ne doit pas juger ce genre de personne. Et puis, il y a des excès dans les deux sens : à l'opposé d'un Vito Dumas, il y a tous ceux qui vivent en métro-boulot-dodo et seront morts sans avoir vraiment vécu.



  • El mallorquin le 24/04/2008 à 20h25
    Bon, une dernière petite réaction en vitesse. De toute façon, ma position reste la même.

    Anti, j'ai trouvé ta réponse mignonne, du coup, je culpabilise depuis l'autre jour de t'avoir dit que tu manichéisais ;-).

    Loul, ben c'est difficile de prouver que c'est débile de préférer voir son club au sommet plutôt que de rester avec telle personne. D'une part, si on ne définit pas la relation avec ladite personne, c'est forcément plus dur et personnellement, à la lecture de l'article, j'ai eu un sentiment qu'il exprimait d'une certaine façon "les choses passent, le PSG reste". Et c'est vrai même pour moi, beaucoup de choses, passent, le foot et le PSG sont restés, même s'ils restent d'une manière un peu intemporelle, je ne les relie pas vraiment au reste de ma vie. J'ai des souvenirs, par exemple d'une réception de l'aj auxerre au mois d'aout juste après le recrutement de florian maurice et d'une surprise de mes amis qui venaient me souhaiter mon anniversaire, j'ai le souvenir d'où j'étais le 12 juillet 1998, d'auxerre-dortmund en demies de l'uefa, de la finale de l'euro 2000, de celle de la coupe du monde 2006, et bien d'autres, mais le foot n'a jamais défini ma vie, il est là, comme un goût qui demeure, mais pour moi, c'est à côté de ma vie. Quelles que soient les périodes, que j'aille bien ou mal, une défaite du PSG a toujours influé sur mon moral et le foot m'a procuré de très grandes joies (monaco 2004 par exemple) mais ça ne peut pas être plus que dans certaines proportions, j'ai en moi quelque chose qui remet les choses en place, qui relativise l'importance du foot, ce qu'il est réellement.
    Donc certes, je préfère effectivement le foot à certaines personnes, et je comprends que l'on puisse rejeter quelqu'un qui veuille nous couper de ce plaisir, mais dans ma petite philosophie personnelle, je considère que l'humain est une chose empiriquement sacrée, le foot pas du tout. Voilà pourquoi je trouve ça débile. Ca fait peut-etre pompeux, mais tu m'as demandé pourquoi je disais ça, donc je te réponds. Mais effectivement, encore plus empiriquement, on peut très bien considérer les choses différemment puisque dans l'absolu, le sacré, la morale, le bien, le mal sont des choses que l'on peut toujours relativiser. Et il y a une différence entre le monde des principes et celui de la réalité (dans lequel reijasse est surement quelqu'un qui me serait sympathique).

    Et puis voilà, je sèche un peu sur ce que je pourrais rajouter. Donc j'arrête là.
    Ah oui, un jugement n'est pas toujours condescendant et puis comme je l'ai déjà dit, je crois qu'il vaut parfois mieux être traité de condescendant plutôt que toute autre alternative.

  • El mallorquin le 24/04/2008 à 20h28
    Voilà, reijasse me serait surement sympathique MALGRE LE COTE UN PEU FANATIQUE (pouvant conduire à certaines choses comme l'a dit piocelle) QUE JE LUI TROUVE.

  • El mallorquin le 24/04/2008 à 20h33
    Et en plus, dernier point, il ne m'est pas antipathique du tout dans le monde des principes.

  • sup'alagrimace le 28/04/2008 à 18h05
    Etonnant que cet article suscite autant de réactions aussi tranchées.
    Je crois pas que son auteur ait voulu dresser une analyse "intelligente" de sa passion pour le PSG.

    Il a juste mis en exergue le côté irrationnel de son attachement au PSG, et la finesse de sa plume laisse penser que les ficelles un peu grosses sont volontairement mises en avant, et ne traduisent pas du tout un manque de finesse de sa part.

    Bref, chapeau l'auteur. Très joli témoignage.


La revue des Cahiers du football