L'arche d'Allianz
Il ressemblera à un énorme Zeppelin ou à un gigantesque pneu, il pourra devenir rouge ou bleu et il accueillera 66.000 spectateurs pour le match d'ouverture de la prochaine Coupe du monde. À Munich, l'Allianz Arena va donner un coup de vieux à l'Olympia Stadion…
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La construction d'un second stade de grandes dimensions aux portes Nord de Munich, future résidence du Bayern et du TSV 1860, a été décidée au terme d'un référendum organisé dans la capitale bavaroise. Après une vive campagne, deux tiers des électeurs ont fait le choix de cet équipement. Un exemple de démocratie locale dont devraient s'inspirer nos élus dispendieux (voir La folie des grandeurs du foot français et Les élus au stade de la mégalomanie).
Les polémiques ne cessent pas pour autant, car si le projet est essentiellement financé par des investisseurs privés (les deux clubs munichois ont constitué le Consortium à parts égales), la collectivité doit prendre en charge la réalisation des infrastructures et des équipements, notamment en matière de transport. En ces temps où la crise allemande perdure et où les finances municipales sont au plus mal, la pilule passe mal, malgré la bouffée d'oxygène pour une industrie du BTP sinistrée et les emplois créés.
Toujours est-il qu'un an jour pour jour après le résultat du vote, la première pierre du "stade le plus moderne d'Europe" a été posée le 21 octobre dernier. Entre-temps, un concours d'architecture a été remporté par les Suisses Herzog et de Meuron, et la future enceinte choisie pour faire partie des 12 sites de la Coupe du monde. Le contraire aurait été surprenant avec Franz Beckenbauer président du Bayern et du comité d'organisation.
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Le défi Arena
L'objet est impressionnant, déjà de l'extérieur. Il faut espérer que les effets de transparence et l'éclairage par l'intérieur cassent son aspect massif. Avec son parti-pris de cocon se refermant sur la pelouse, il rappelle en tout cas le Parc des Princes.À l'intérieur, les Munichois apprécieront de se trouver dans un vrai stade de foot, sans piste d'athlétisme, et avec un recul limité derrière les buts. Les équipes visiteuses vont sentir la différence avec le très aéré stade olympique.
L'Allianz Arena souscrit au modèle du stade "resort", véritable machine commerciale pour le spectateur-consommateur, comme cela a pu être mis en œuvre avec l'ArenA d'Amsterdam (voir Amsterdam aux couleurs de l'Euro ), doté de nombreux équipements destinés à assurer une activité continue. Il abrite donc quatre restaurants (les deux clubs en ont chacun un de 1500 couverts), une cafétéria, 28 kiosques de restauration, des boutiques du supporter, des "Halls of fame"...
Il pourra évidemment accueillir des concerts et des manifestations en réaménageant ses tribunes. 104 loges attendent les sponsors et leurs invités. Pour le moment, aucun hôtel n'est prévu, contrairement au tout neuf BayArena de Leverkusen qui accueille aussi des salles de conférence avec vue sur le stade (et qui confirme accessoirement que le mot Arena est en vogue).
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En Allemagne, le Bayer Leverkusen porte déjà le nom d'une entreprise (précisons que le Hertha Berlin n'a toutefois rien à voir avec un fabricant de saucisses sous vide).Cette fois, c'est l'assureur Allianz qui donne son nom à l'Allianz Arena.
Au cas où cela échapperait aux visiteurs, le logo de la société s'étale sur les flancs de l'édifice, et pour les spectateurs, sur le toit. Cet honneur a été acquis au terme d'un appel d'offres sur les "droits de nomination" du Stade, le contrat courant jusqu'en 2021…Le marquage publicitaire de l'espace urbain franchit ainsi une nouvelle étape avec une marque apposée littéralement sur un monument qui n'a plus de public que le nom.
On peut se demander si cela serait possible en France, où l'on préfère baptiser les stades du nom d'hommes politiques — ce qui est relativement logique, puisque c'est la collectivité finance leur édification.
Une telle propriété foncière, si toutefois elle ne s'avère pas un gouffre financier, permettra en tout cas aux clubs d'accroître leur assise économique et fera rêver quelques présidents français, qui aimeraient bien être propriétaires de leurs infrastructures (mais tant que c'est la collectivité etc...).