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« Le fascisme se méfiait du football »

Interview L'historien Paul Dietschy explique comment les régimes totalitaires, à l'image du fascisme italien, ont mis le football au service de leur cause.

Auteur : Propos recueillis par Grégory Charbonnier le 31 Mars 2011

 

Paul Dietschy est docteur en histoire contemporaine, maître de conférences à l'université de Franche-Comté et à l'Institut d'études politiques de Paris. Spécialiste de l'histoire du football, il a publié Histoire du football (Perrin).

Comment le régime fasciste a-t-il utilisé le sport?

Dans ce domaine, le projet fasciste comporte deux volets: créer un homme nouveau et créer une nation sportive. Le premier projet vise à développer les sports de base: l'athlétisme, la natation. Les fédérations sont mises sous tutelle par le CONI, le comité olympique national. On construit des camps sportifs, des terrains de sport avec une piste d'athlétisme, de football, de saut. Le but est militaire faire des soldats pour les garçons, et hygiéniste pour les filles. En ce qui concerne le second projet, le régime compte utiliser la puissance symbolique du sport sur la scène internationale. Il veut rompre avec "l'Italieta" la petite Italie libérale qui n'avait fait que peu de choses pour le sport.

Quelle place prend le football dans ce projet?

Le football ne s'insère pas immédiatement dans la politique fasciste. Le foot n'a pas besoin du fascisme car il prend seul son essor dans les années 1920. Et le fascisme s'en méfie, car il est suspect pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il incarne le professionnalisme rampant dont la dénonciation considère les joueurs comme des mercenaires. De plus, il y a eu une affaire de corruption en 1927, impliquant des dirigeants du Torino qui auraient acheté un joueur de la Juve. Cela ne correspond pas à l'éthique de sacrifice. Enfin, le calcio est le théâtre de violences de la part de supporters.

« Le foot s'impose malgré le régime »

 

Le régime ne souhaite pas faire la promotion du football?

À la fin des années 1920, le football est d'autant plus suspect que le secrétaire du parti fasciste est Augusto Turati, un ancien escrimeur, qui veut un sport amateur, un sport de masse. Il crée d'ailleurs la "volata", une discipline de synthèse, un sport de loisir qui se joue à huit. Il essaye de développer le rugby, notamment par l'intermédiaire des groupes universitaires fascistes (GUF). Au début des années 1930, on va construire de grands stades. Pour les municipalités, va se poser le problème de leur exploitation: le foot permet de les remplir. Mais malgré les succès victoires aux Coupes du monde 1934 et 1938 le foot suscite des suspicions de la part du pouvoir. Les salaires font débat, par exemple. Le foot s'impose malgré le régime, en quelque sorte.

 

Benito Mussolini assiste à la finale du championnat 1929 Bologne-Torino au Stadio del Partito de Rome.

 

Les Jeux olympiques de Berlin arrivent dans un contexte particulier: l'équipe nationale est championne du monde, l'armée vient de conquérir l'Ethiopie suscitant la désapprobation de la Société des nations qui décrète un embargo économique. Quels sont les enjeux de la compétition?

1936, c'est le régime triomphant. Le pays a passé outre les sanctions de la SDN, Addis-Abeba vient d'être prise. Le régime est à son sommet jusqu'à l'automne 1936 et l'intervention dans la guerre d'Espagne.

Sport et totalitarisme sont souvent liés. Comment cela s'est-il passé dans l'Allemagne nazie?

En Allemagne, il n'y a pas de réticence à fabriquer une nation sportive, car il y a l'héritage de Weimar, pour lequel le sport était un moyen de pallier l'interdiction du service militaire. Donc, sous le national-socialisme, on continue avec par exemple neuf heures hebdomadaires de sport à l'école. Le sport est nazifié: on valorise l'affrontement, la puissance. Cela a d'ailleurs des conséquences sur le jeu: jusqu'en 1934, la Mannschaft joue comme les pays d'Europe centrale avec des passes courtes, un jeu technique. Ensuite, leur style devient plus physique, ce qui contribuera d'ailleurs à leur succès en 1954.

« Le football n'est pas le sport soviétique par excellence »

 

Et en URSS?

Pour l'Union soviétique, le sport est également un enjeu important. Il y a des débats dès les années 1920 en faveur d'un sport hygiéniste, prolétarien. Le régime refuse de participer aux épreuves internationales dans les années 1930. On développe l'éducation physique de masse, la natation, l'athlétisme, le tir, le ski... afin de former les futurs soldats. Le football est regardé avec suspicion, mais il est toléré. Ce n'est pas le sport soviétique par excellence.

Comment le régime de Vichy aborde-t-il la question en France?

La France et l'Etat français essayent dès 1940 de moraliser le sport et, par exemple, de supprimer le professionnalisme. Borotra veut préparer la revanche par le sport, qui doit se développer dans un esprit patriotique. Cyclisme et football restent tout de même les sports les plus prisés par le public. Vichy est contraint au spectacle de masse.

 

Stadio dei Marmi à Rome et Stadio Mussolini (futur Stadio Comunale) à Turin.

Stadio dei Marmi à Rome et Stadio Mussolini (futur Stadio Comunale) à Turin.

 

Revenons à l'Italie. Le football transalpin, après la guerre et jusqu'à nos jours, a-t-il bénéficié de l'héritage de la politique sportive fasciste?

Pour partie oui. Par exemple, jusqu'à la Coupe du monde 1990, certains stades sont ceux construits par Mussolini. De même, le championnat de Série A, qui a prospéré sous son règne, est peut-être la plus solide des institutions italiennes. Aussi, il reprend dès 1945 avec les mêmes schémas: les duels Inter-Juve, l'attention de la presse

N'y a-t-il pas des ruptures?

Si. Sous le fascisme, le sport préféré est le cyclisme. Mais dans les années 1950-1960, l'urbanisation entraîne la prédominance du football, dans lequel les Trente glorieuses amènent les mécènes. Jusqu'à la fin des années 1950, le foot italien n'est pas meilleur que son homologue français. Il connaît vingt ans de vaches maigres. C'est dans les années 1960 que l'Inter, l'AC Milan, la sélection au championnat d'Europe 68, gagnent. De nombreuses spécificités du football italien tel qu'on le connaît proviennent du fascisme. Mais c'est le dynamisme des grands clubs qui l'a fait renaître.

Lire aussi "Vaincre à Berlin", sur la victoire de l'équipe italienne aux JO 1936.

 

Réactions

  • Sens de la dérision le 31/03/2011 à 09h27
    Cool, maintenant on pourra dire que Materazzi est quand même l'héritier des fascistes ! Tout comme le rugby.

    Intéressante cette petite interview, elle donne vraiment envie de lire le livre.

  • Ô Mexico le 31/03/2011 à 09h32
    "Cyclisme et football restent tout de même les sports les plus prisés par le public. Vichy est contraint au spectacle de masse."

    Vous voulez dire que devant l'engouement populaire, le gouvernement de l'Etat français s'est empressé de remplir le Vél d'Hiv' ?


    (hum hum, à part ça, félicitations pour l'article et l'interview. Où d'autre peut-on lire ce type de choses si ce n'est sur les Cahiers ?)

  • Tonton Danijel le 31/03/2011 à 10h05
    Deux articles très intéressants sur les liens entre fascisme et football.

    Je me rappelle que "l'Equipe" avait sorti - peu avant la coupe du monde 98 il me semble - deux volumes de l'histoire de la coupe du monde, où la petite histoire rejoignait parfois la grande. Du très bon boulot (généralement "L'Equipe" s'en sort pas trop mal quand il s'agit de faire des rétros), avec un article sur Matthias Sindelar, le Mozart du football, star de l'équipe d'Autriche en 1934 qui refusa ensuite de servir l'équipe allemande suite à l'Anschluss en raison de ses convictions antinazis et de ses origines juives et qui décéda dans des circonstances mystérieuses (officiellement une intoxication au monoxyde de carbone) en 1939, un article sur la génération dorée hongroise qui échoua en 1954, 2 ans avant les émeutes de Budapest qui mettront fin aux espoirs de cette génération, un autre sur le contexte particulier de la coupe du monde 1978, en pleine dictature de Videla en Argentine...

    A propos de nos amis italiens, ils étaient revenus sur le quart de finale de coupe du monde 1934 contre l'Espagne. Un match où, selon les observateurs, les Espagnols se sont faits voler par un arbitre plutôt partial contre des transalpins très rugueux évoluant à domicile, sous les yeux du Duce. Détail particulier: la meilleure équipe espagnole de l'époque étant l'Athletic Bilbao, la majorité des joueurs de la Roja étaient basques. 3 ans plus tard, c'était Guernica (avec Franco bien aidé par Mussolini).

  • liquido le 31/03/2011 à 10h16
    Ô Mexico
    jeudi 31 mars 2011 - 09h32

    Où d'autre peut-on lire ce type de choses si ce n'est sur les Cahiers?

    --> ici: lien

    ---

    Merci sinon de rappeler l’affinité élective entre sport, discipline militaire voire projet guerrier, qui tous ont en commun la célébration de la force physique. Et puisque l'heure est à la lecture, un prolongement utile d'une histoire du sport sous les régimes totalitaires pourrait consister à étudier le recyclage post-totalitaire des bataillons musclés. Dans le cas soviétique, une référence passionnante: lien. Qui montre que le crime organisé (et plus précisément le business protection racket du capitalisme naissant) fut le débouché quasi-naturel de nombreux sportifs laissés sur le carreau par la chute du Mur.

  • magnus le 31/03/2011 à 10h26
    Il y avait un site en langue espagnole, thefutbolfactory, qui était une vraie mine d'or en matière de fiches joueurs et équipes de légende. Disparu du jour au lendemain, ou alors transféré à une adresse que j'ignore, ça m'a dégoûté.

  • Tonton Danijel le 31/03/2011 à 10h38
    Autre site intéressant: lien

    C'est là que j'avais lu l'histoire d'Alexandre Villaplane, capitaine des Bleus à la coupe du monde 1930, devenu par la suite "amateur marron" (sous-entendu, il monnayait des primes de match assez conséquente), puis escroc des champs de course, puis collabo pendant la guerre, avant de se faire fusiller à la libération. Pas mal comme oiseau. (Je me demande d'ailleurs si son personnage n'a pas inspiré le personnage de l'ancien cycliste de haut niveau devenu collabo dans "Lacombe Lucien").

  • Luis Caroll le 31/03/2011 à 12h56
    Superbes articles, bravo à l'auteur.

  • emink le 31/03/2011 à 16h07
    Le fascisme de Mussolini est aussi à l'origine de la désignation du foot par le mot "calcio", en réaction à l'anglicisme "football". Calcio, ça veut dire coup de pied, tout bêtement.
    Voili voilà...

  • Adoa de Formosa le 31/03/2011 à 19h29
    Difficile au passage de ne pas faire le lien avec la victoire de l’Argentine en 1978.

    Dans « Inverting the Pyramid », Jonathan Wilson aborde aussi ce sujet dans un chapitre intitulé « How Fascism Destroyed the Coffee House ». Il revient sur la manière dont le football italien a pris l’ascendant sur le football romantique autrichien dans les années 30. Professionnalisme, infrastructures, mais aussi un entraineur précurseur en la personne de Vittorio Pozzo.
    Après deux premiers échecs à la tête de l'équipe d'Italie en 1912 puis aux Jeux de Paris en 1924, son troisième passage sera le bon car toutes les conditions seront alors réunies avec le soutien du régime. Tactiquement, l'Italie est alors en avance sur les autres nations continentales. Alors que tout le monde est encore adepte du 2-3-5, les équipes italiennes maitrisent parfaitement le W-M, si bien que Pozzo pourra même l'adapter en équipe nationale avec une formation en 2-3-2-3 (W-W) qui lui permet de combiner l'avantage des deux modèles. De plus, Pozzo sera un des premiers à développer le marquage individuel, ce qui permettra notamment à la Squaddra de bloquer Sindelar lors de la demi-finale contre l'Autriche.
    Le style italien très physique et pragmatique laissera néanmoins beaucoup de sceptiques: « Comment devrait-on jouer au football ? Comme on fait l’amour ou comme on prend le bus ? » avait conclu le journaliste français Jean Eskenazi (la première, mais pas la dernière fois que l’on se posait la question...)
     

    Petite anecdote concernant le tournoi Olympique de 1936 : après l’encourageante demi-finale en 1934, l’Allemagne espère conquérir l’or à domicile, mais elle perd de façon humiliante en quart de finale contre la Norvège (2-0)... le seul match de football auquel Hitler ait jamais assisté.

La revue des Cahiers du football