<i>Ça m'énerve.</i> Aujourd'hui: Patrick Proisy
Après la nouvelle défaite de son équipe à Bastia, Le Président du RC Strasbourg a fait part de ses réflexions au journal le Monde (daté du 16 janvier). Affligeantes, elles tracent en contrepoint le portrait d’un homme qui, s’il reconnaît certaines erreurs, cherche à s’en défausser sur d’autres et se montre incapable d’en assumer les conséquences. Petite illustration commentée.
Tout d’abord, l’ancien tennisman reconnaît s’être trompé dans le domaine humain. Si le club va mal, c’est en partie parce qu’il n’a pas su trouver les bons éléments pour s’entourer. Dans le même ordre d’idée, l’omnipotence accordée à Claude Le Roy a également été une bévue. Avouez que pour le directeur d’une structure comme IMG France, de telles erreurs de management sont pour le moins surprenantes. Mais ceci n’est qu’un début. Vient l’aveu suivant: "la politique de recrutement n’a pas été réfléchie et la situation du Racing est totalement inacceptable et inadmissible; 8 de nos 28 professionnels n’ont pas le niveau de la première division". Diable! Voilà un état des lieux qui en aurait condamné beaucoup. Inacceptable et inadmissible. Mais pour qui? Pour le tout puissant dirigeant de Strasbourg directement à l’origine de cette situation, ou pour les supporters alsaciens obligés de subir la descente aux enfers de leur club en lieu et place des honneurs prévus par le premier lors de son arrivée à la Meinau. Nous passerons rapidement sur le cas Chilavert dont le fiasco éloquent est également à mettre au passif du président. Sa défense pour ce cas s’organisant autour d’une recherche de coresponsabilité avec Le Roy, d’un accueil glacial de l’équipe (mais peut être aurait-il fallu prendre en compte l’avis des joueurs avant de faire ce recrutement en solo) et d’une cécité générale qui se traduit par un étonnant: "Chilavert n’est pas cuit. Simplement on n’a vu que ses défauts". Y avait-il autre chose à voir?
Si l’incompétence de Proisy a de quoi surprendre à ce niveau de responsabilités, nous ne sommes pas au bout de nos surprises quant à la méconnaissance totale du monde du football de certains grands investisseurs. Là aussi, les propos énoncés semblent irréels. "McCormack a réalisé aujourd’hui que la gestion d’un club de football n’est pas aussi rationnelle qu’on le souhaiterait. Il y a des ratios qui sortent de l’ordinaire et des résultats parfois insensés. Le football ressemble trop à une loterie pour des financiers américains". Et la lumière fut! Nous rappellerons à ceux de nos lecteurs qui l’ignorent que Mc Cormack est un des plus gros agents du sport mondial. Un gars logiquement sensé être un peu au courant de quoi il en retourne en matière de compétition. Lui aura sans doute échappé la notion liée à la glorieuse incertitude du sport. Hallucinant n’est-il pas! Rassurant également. Qu’un principe aussi simple et fondamental que celui-ci puisse mettre en échec un raisonnement économique axé sur le profit (le fameux retour sur investissements lui aussi cité par Proisy dans cet article), voilà qui nous redonne un peu foi en notre sport préféré. En revanche, côté supporters strasbourgeois, l’inquiétude (ou le soulagement) pourrait bientôt être de mise à la lecture de ce constat. Car, pour le moment, si officiellement aucun retrait du groupe IMG n’est envisagé, il apparaît peu probable à la lecture de telles déclarations qu’il fasse de vieux os en Alsace. Menace à peine voilée dans la phrase suivante "quand on rachète un club, ce n’est pas forcément pour y rester cent ans. Le jour où nous aurons jeté les bases d’un grand club, il est possible que nous nous retirions". À chacun désormais d’avoir sa définition de l’expression "grand club". Est-ce compatible avec la deuxième division? La question reste posée, mais de telles précautions oratoires n’augurent rien de bon. L’avenir nous le dira mais pour peu qu’un repreneur se fasse connaître…
Le bilan en tout cas n’en restera pas moins extrêmement négatif quant au domaine sportif pour l’actuel président du club. Ce constat ne se limitant à cette simple année, se pose la question de la longévité de ce dernier à ce poste. Nous ne pousserions pas l’effronterie à rappeler que pour le quart de la moitié d’un tel bilan, n’importe quel entraîneur aurait déjà été licencié depuis longtemps mais nous nous interrogeons tout de même sur le manque d’honnêteté intellectuelle du dirigeant strasbourgeois. En effet, devant cette accumulation d’erreurs, beaucoup auraient déjà proposé leur démission. Or Proisy au cours de l’entretien ne l’évoque jamais, ni au présent, ni même au passé. Plus surprenant est le fait que jamais il ne semble avoir été menacé par son employeur. En dépit d’une image de marque ternie par la situation du club alsacien, IMG lui a conservé sa confiance. Situation suffisamment rare dans un univers économique peu enclin à la compassion pour qu’on ne s’interroge pas sur les raisons d’un tel statu quo. La cécité serait-elle une caractéristique plus répandue qu’on ne le croit même en dehors du domaine purement sportif?
Aussi peu conscient du luxe de sa situation actuelle que de ses erreurs passées, le dirigeant a encore le culot en fin d’interview, dans une ultime tentative pour brouiller les cartes, de se défausser en chargeant les pouvoirs politiques tant au niveau national qu’européen. Mêlant in extremis cas particulier et contexte général, il espère un amalgame qui ressemblerait dès lors à un bel écran de fumée, protégeant la somme impressionnante de ses propres incompétences.