Tirs de mortier entre l'OL et L'Équipe
Nos deux puissances nationales vont-elles ramener un peu de spectacle en Ligue 1 en se déclarant la guerre?
Auteur : Thibault Lécuyer (avec Pierre Martini)
le 11 Oct 2007
Cela aurait pu ressembler à une simple succession d’articles sur le même thème. Mardi 2 octobre, Vincent Duluc signait un papier lapidaire sur la "balance déficitaire" des transferts lyonnais de l’intersaison. Jusque-là, rien que de très routinier pour le quotidien du sport et de l’automobile, qui sait exploiter les mêmes sujets durant plusieurs mois. Peu habitué à un tel traitement, Jean-Michel Aulas réagira le lendemain, suite à la défaite de ses ouailles face aux Rangers, avec une virulence peu commune: "Malheureusement, moi je ne peux pas écrire dans L'Équipe le jour du match. C'est inadmissible. On s'en souviendra". Sans chercher à savoir ce que recèle cette menace, on ne peut réprimer un sourire à l’idée que le président lyonnais regrette vraiment de ne pas pouvoir écrire dans L'Équipe.
Front commun
On a beau être le personnage le plus influent du football français, il y a des institutions plus difficiles à faire plier que d’autres. Et le quotidien sportif déteste qu’on prétende lui apprendre son métier (on se découvre, au passage, un point commun avec JMA). Dès le jeudi matin, on pouvait lire un nouvel article, signé des trois journalistes ayant suivi le match de Coupe d’Europe de l’avant-veille. Intitulé "Lyon nie la crise", il constitue un véritable barrage d’artillerie dirigé contre Jean-Michel Aulas, qualifié de "président qui protége trop ses joueurs, trop son action en bourse, et pense à la Coupe de l’UEFA". Les attaques frontales contre le président lyonnais y sont trop nombreuses pour être retranscrites sur ces pages. Les auteurs – dont la triple signature semble montrer qu’ils feront front – poussent le vice jusqu'à proposer une infographie de la chute du cours de l’action de l’OL dont on parie qu’elle est du genre à agacer passablement son principal dirigeant (1).
Nous faisions remarquer, il y a quelques jours (lire "Pourquoi Lyon ne sera pas champion"), que le président lyonnais n'avait, jusqu'à présent, jamais fait plus de quelques pas de l'autre côté de la ligne jaune, mais qu'une situation critique augmentait le risque de dérapages plus prononcés. S’attaquer frontalement à L'Équipe, voilà justement une stratégie risquée, le quotidien n’étant pas prêt à laisser entamer son magistère moral ni ce qu'il conçoit comme sa liberté d'expression. Déjà, en fin de saison passée, on avait senti que le journal se tenait prêt à tirer le fil de la "crise" si celle-ci daignait s'étendre. On connaît justement le rôle moteur des journalistes dans l'accélération desdites crises... Et gérer les médias en période de tension est une tâche extrêmement délicate (2).
On attend donc avec curiosité le prochain épisode du feuilleton. Même s'il sera ardu, au cas où Aulas et L’Équipe décident de se déclarer la guerre, d'arbitrer ce choc de titans.
(1) L'action d'OL Groupe, au lendemain de la défaite contre Glasgow, avait chuté de 5% (pour un montant de 19 euros), ce qui portait à 21% la baisse depuis son introduction, le 9 février dernier.
(2) On peut s'amuser de ce que le club démente, dans un communiqué officiel, les rumeurs du transfert de Kader Keita au mercato d'hiver – véhiculées par des sources aussi fiables que footmercato.fr et Foot Transferts: "Le club ne regrette absolument pas d’avoir acheté Kader Keita, ni de l’avoir acheté à ce prix qui était celui du marché". Le même texte affirme que l'OL a eu "raison de faire confiance à Fabio Santos", dont les récentes prestations "justifient son arrivée au mois de janvier dernier". S'agit-il de rassurer les actionnaires sur l'activité "trading de joueurs"?