Le G14 séquestre les internationaux, les week-ends de la Ligue sont bloqués, la FIFA tente d'organiser le bazar et même la Coupe du monde risque d'enfler. Inclus et en couleurs: le calendrier international harmonisé.
Le G14 met les joueurs sous clé
Au contraire du Club Europe qui a récemment mis fin à son existence, le G14, lui, n'entend pas mettre un terme à ses activités de lobbying, et confirmant que la Coupe des confédérations sera bien un champ de bataille privilégié entre les gros clubs et les sélections nationales (voir
Qu'est-ce qu'on fait des rations?), il vient de proférer la menace que ses membres ne libèrent pas leurs joueurs pour cette compétition — tout en réclamant plus diplomatiquement une négociation avec la FIFA (1).
Son vice-président, Peter Kenyon, également directeur général de Manchester United s'est exprimé dans les colonnes de France Football (11/03), affirmant notamment que "le G14 est le plus important groupement de clubs en Europe". Une façon de poser les hiérarchies assez révélatrice d'un mode de pensée qui considère que 18 clubs riches pèsent plus que tous les autres réunis. Plus, par exemple, que le Forum des clubs européens, créé sous l'égide de l'UEFA pour donner une instance représentative aux formations du continent et qui en regroupe 103 de toutes importances.
L'ironie est à son comble lorsque ce cacique dénonce les matches amicaux des sélections "à caractère commercial", alors que les clubs ne se privent pas de multiplier les déplacements pour des tournois exhibitions à but purement lucratif (voir la
Gazette 87). Dans le même interview, Peter Kenyon se vante ainsi d'une tournée de MU en Amérique du Sud cet été… Faut-il comprendre que lorsque des déplacements rapportent beaucoup d'argent, ils ne fatiguent pas les joueurs?
(1) En France, il est permis de douter que l'OL, membre récent du G14 (et seul club français significativement pourvoyeur d'internationaux, avec Auxerre), entre aussi frontalement en conflit avec la fédération et le sélectionneur (voire avec les joueurs concernés)…
L'harmonisation du calendrier mondial en 2005
De son côté, la FIFA a trahi son embarras vis-à-vis de cette Coupe des confédérations aussi mal placée que peu légitime en réduisant de 14 à 5 jours le délai de mise à disposition des internationaux par les clubs.
Elle a cependant réussi à faire avancer son projet de calendrier international harmonisé, dont une nouvelle version vient d'être entérinée pour la période 2005-2008. Il consiste en fait en une grille de dates consacrées aux équipes nationales et ne pouvant être déplacées, imposant aux confédérations et aux ligues de composer leurs compétitions en fonction de ce planning. La FIFA espère ainsi placer les clubs devant leurs responsabilités, et les obliger à respecter sans barguigner des délais de libération des joueurs clairs et prévus très longtemps à l'avance.
Les pressions des clubs ont fait leur effet, puisque la date réservée en avril aux matches amicaux des sélections sera supprimée, en raison de la densité des compétitions de clubs à cette période. Cela signifie que lors des années d'Euro ou de Coupe du monde, les sélectionneurs ne pourront pas faire travailler leur groupe entre la fin mars (date d'un unique et ultime match amical) et le moment du stage préparatoire…
Les compromis trouvés sont toutefois intéressants, puisqu'ils étendent la formule des "doubles dates" (deux rencontres dans la même semaine) qui permettent aux sélectionneurs de travailler sur des périodes plus longues et moins fractionnées, tout en réduisant le temps global de mise à disposition des joueurs — notamment les longs déplacements des Sud-américains, particulièrement visés par les clubs.
Le tableau représente les dates réservées aux équipes nationales. En bleu, les matches amicaux, en noir les matches officiels. |
Alors que les matches amicaux sont célibataires, les matches officiels (de qualification aux phases finales de championnat d'Europe ou de Coupe du monde) vont systématiquement par paires, placés le samedi et le mercredi suivant.
On remarque aussi que la grille connaît un minimum de variations, libérant totalement décembre et janvier (pour les ligues qui ménagent des trêves) ainsi qu'avril et mai. Une seule alternance se signale en novembre, selon que la saison se termine ou non par une phase finale. Dans ce cas, deux matches officiels (les ultimes rencontres des groupes de qualification) ont lieu en ces fins d'automne, et un match amical remplace en mars la double session de matches officiels.
Lors des saisons "impaires" (2004/2005, 2006/2007…), les sélections sont donc assurées de se retrouver sur le terrain à onze reprises, pour sept rassemblements, neuf pour six lors des années paires — auxquels s'ajoutent les éventuelles rencontres de phase finale, voire les matches amicaux disputé lors du stage préparatoire. Les matches amicaux sont plafonnés à trois par saison, et la pression exercée par les clubs sur les calendriers indique déjà que ce plafond sera rarement dépassé.
Casse-tête pour la Ligue
Un éclair de lucidité a frappé la LFP, qui s'est rendu compte (peut-être en découvrant le "peigne-calendrier" du
Feuilleton 20) qu'elle ne pouvait décemment pas laisser s'achever le championnat de France dans l'anonymat d'un mercredi. Aussi a-t-elle avancé la dernière journée au week-end du 24 mai — c'est l'avant-dernière qui se logera en milieu de semaine, le 20 mai. Ce sprint n'est pas idéal non plus, mais c'est tout de même mieux qu'un final en catimini.
En revanche, la CA de la Ligue a récemment planché sur le calendrier de la saison prochaine, et les choses ne sont pas simples pour Frédéric Thiriez qui avait deux objectifs: que le championnat se dispute le week-end, laissant les milieux de semaine aux coupes, et garantir une longue trêve en janvier-février. En raison de calendriers internationaux (clubs et sélections) surchargés, d'une L1 qui sera encore à 20 clubs et d'une Coupe de ligue toujours aussi superflue, le premier objectif ne sera que partiellement atteint, et le second pas du tout (rappelons aussi que le championnat devra s'achever à la mi-mai pour laisser la place à l'Euro 2004).
Le Mondial menacé d'hypertrophie
Jamais en défaut d'une idée saugrenue ou d'une surenchère, le football mondial a vu surgir l'hypothèse d'une Coupe du monde à 36 équipes (au lieu de 32), applicable dès l'édition 2006 en Allemagne. Outre la gymnastique consistant à adapter le tournoi à ce numerus pas clausus, la question se pose de l'intérêt d'une telle réforme, en dehors de ses motivations économiques et politiques. La FIFA aurait certes des soucis en moins sur l'attribution des places aux différentes confédérations, la proposition émanant justement de la CONMEBOL (le quota de l'Amérique du Sud est récemment passé de cinq à quatre), mais le jeu en vaut-il la chandelle, considérant le risque de transformer la Coupe du monde en gigantesque Barnum? Si 36, pourquoi pas 64? Et pourquoi ne pas organiser des Jeux Footballistiques incluant le futsal, le beach soccer, le baby-foot et le Subbuteo?
Franz Beckenbauer a affirmé que cela ne poserait pas de problème au Comité allemand d'organisation. Le Comité exécutif FIFA doit prendre une décision en mai, mais Sepp Blatter a fait part d'un enthousiasme modéré pour cette réforme express qui a peu de chances d'être validée. Malheureusement, les arguments critiques du secrétaire général sont purement pratiques et n'invoquent que la difficulté à modifier des contrats de diffusion et de marketing déjà signés (AP 12/03).
À ce propos, Deutschland 2006 vient d'annoncer la signature de son quinzième et dernier sponsor majeur, Mastercard. Pelé peut déjà préparer sa cravate orange de consultant.
Franz Beckenbauer, Sepp Blatter et un gars qui n'est pas le cousin germain de Roger Zabel. Leur hilarité est déclenchée par Beckenbauer qui vient de dire: "Garde bien le panneau devant toi Sepp, tu as la braguette ouverte et la quéquette qui dépasse". |
2014 en Amsud
Enfin en 2014 (dans le très long terme, nos instances s'en sortent mieux), l'organisation de la Coupe du monde, après avoir échu à l'un des cinq candidats africains pour l'édition 2010, devrait revenir à l'Amérique du sud, sur décision de la Commission stratégique de la FIFA. La dernière visite sur le continent datant de 1978 et de l'Argentine, cela fera 36 ans d'attente.