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Les footballeurs et le mythe de la vitesse

Si quelqu’un vous explique qu’un joueur peut courir plus vite qu’un sprinteur, c’est sans doute plus par fascination pour la vitesse que sur la base de données fiables. Car les gens les plus rapides, on les trouve sur la piste, et c’est tant mieux.

Auteur : Christophe Kuchly le 19 Nov 2015

 

 

Chaque jour ou presque, depuis des mois, des sites plus ou moins sérieux relaient une nouvelle qui paraît étrange mais qui ne fait pas tiquer assez pour qu’elle arrête de se propager: Hector Bellerin, le latéral espagnol d’Arsenal, serait plus rapide sur 40 mètres qu’Usain Bolt. Et il ne serait pas le seul puisqu’Aubameyang aussi pourrait largement rivaliser. Attention, pas Bolt à l’entraînement mais lors de son improbable record du monde en 9”58 à Berlin en 2009. Il y a deux semaines encore, la BBC se servait de “l’information” comme angle principal d’une interview avec le garçon. Comment cela est-il possible? Est-ce la vision d’un footballeur surhomme qui pousse à croire n’importe quoi?

 

 

 

Bolt et Bellerin

Pour commencer, parlons athlétisme. Les données précises de la course du Jamaïcain existent, publiées officiellement par la Fédération internationale: contrairement à la croyance populaire et malgré son gabarit, Bolt ne démarre pas lentement puisqu’il est le plus rapide après vingt mètres, une avance qui ne fera qu’augmenter. C’est-à-dire qu’après quarante mètres, Usain Bolt est plus rapide que tout le monde, et avec une certaine marge (4”64 pour lui contre 4”70 pour Gay). Son temps après soixante mètres, huit centièmes sous le record du monde de la distance établi par Maurice Greene, laisse deviner que son passage aux quarante était déjà le plus rapide de l’histoire – ce qu'il est a priori, à égalité avec le record du monde de Greene en 2001.

 

Dans le cas de Bellerin, on évoque un temps de 4”41, plus de deux dixièmes sous la performance du Jamaïcain et un centième devant Theo Walcott, précédent détenteur du record interne d’Arsenal. Évidemment, c’est totalement impossible: même en ralentissant par la suite, les deux joueurs écraseraient toutes les compétitions indoor de la Terre. C’est ce qu’a tenté de leur dire Richard Kilty, le champion du monde du 60m, lequel a reçu un accueil mitigé à sa proposition de défi. C’est que le mythe du footballeur surhomme a de beaux jours devant lui.

 

 

Records fantaisistes

Comme Bellerin, Aubameyang est réputé pour sa vitesse. Cela est très net sur un terrain de foot et, là aussi, les interrogations se multiplient: que donnerait-il face à des spécialistes? L’intéressé affirme avoir couru 3”7 sur 30 mètres. Ce serait plus rapide que Bolt et les autres à Berlin, ce dont on peut raisonnablement douter. L’explication la plus simple concerne la méthode de chronométrage, ne prenant pas en compte le temps de réaction et étant mesurée manuellement. On perd ainsi en précision et on nie le temps qui s’écoule entre le coup de feu et le début de la course, ce qui, a minima, améliore les valeurs de deux bons dixièmes. Dans le cas des joueurs d’Arsenal, on peut même se demander si le temps n’est pas effectué lancé. Comme pour les tests de VO2max – la consommation maximale d’oxygène, essentielle dans les sports d’endurance –, où la grande majorités des records ont été établis par des Norvégiens, les résultats interrogent sur la méthode, alors même que l’exercice est standardisé, relativement simple à mettre en place et les données aisées à compiler.

 

Le mythe de la vitesse n’est pas propre au soccer: beaucoup de joueurs de football américain réalisent des chronos exceptionnels sur le 40 yards, test de sélection avant la draft où le temps de réaction n’est pas pris en compte. Les deux sports étant en partie basés sur la rapidité, on voit une certaine légitimité à ce que les plus véloces puissent l’être à une échelle globale et pas seulement à celle de leur sport. Instinctivement, on imagine qu’un non-spécialiste peut aller aussi sinon plus vite qu’un sprinteur confirmé. Pourtant, hormis le défenseur tchèque Tomas Kalas, qui était athlète étant jeune (11”09 sur 100m à seize ans) et l’Américain Marvell Wyne, défenseur lui aussi et athlète en high school (10”39), quasiment personne n’a de chiffres officiels, c’est-à-dire en compétition, pour prouver sa valeur. Theo Walcott, qui a un jour affirmé courir probablement 10”30, a vu ce chiffre repris à droite et à gauche. Comme la plupart des temps évoqués par les intéressés, ils sont largement soumis à caution. L’an dernier, faire la ligne droite en 10”34 permettait d’être dans le top 5 des championnats d’Europe.

 

 

Chimères de la rapidité

Les tests de début de saison sont courants mais rares sont les données qui filtrent, ce qui laisse libre cours à tous les fantasmes. Mais celui de la rapidité est presque le seul à innonder l’imaginaire collectif alors que d'autres qualités physiques sont tout aussi remarquables. Erik Lamela, auteur selon la Roma d’un 1000m en 2’49 après huit séries (et 2’30 de repos entre chaque), est ainsi doté d’une endurance exceptionnelle. Et, de manière générale, énormément de milieux de terrain avalent un nombre de bornes suffisamment grand pour qu’on les imagine tout à fait crédibles sur marathon, dans la même veine que Laurent Jalabert et Lance Armstrong, qui ont des records en 2 h 45. Avec, bien entendu, tout le rapport au dopage que cela peut sous-entendre tant, contrairement à ce qu’on peut encore lire, les capacités physiques jouent un rôle au haut niveau.

 

Il y a quelques années, on imaginait à demi sérieusement Usain Bolt se reconvertir dans le football, à Manchester par exemple. Une question prise cette fois à l’envers (un athlète qui dominerait les footballeurs grâce à son entraînement spécifique) mais qui traduit une même fascination pour tout ce qui va vite – au point que des supports multisports reprennent des chiffres sans établir de parallèle démontrant leur bêtise. À une époque où les numéro 10 lents n’existent plus et où les défenseurs centraux aussi doivent pouvoir sprinter, on a l’impression qu’il faut absolument être au top physiquement pour pouvoir exister. Au plus la lenteur disparaît, au plus le plébiscite du rapide s’affirme. Et ce n’est que l’une des manifestations d’une tendance de plus en plus en vogue: Cristiano Ronaldo et ses fameuses quinze pompes parachutes – banales pour n’importe quel sportif un peu en forme, contrairement à ses qualités de footballeur – avait ainsi gagné le droit de faire la une des rubriques “décalées”.

 

Au culte du dribble se joint désormais le culte du corps, une spectacularisation de l’effort qui célèbre quelques figures à part. Quitte à raconter un peu n’importe quoi et oublier que les joueurs ont énormément de talents spécifiques, à la fois dans les qualités techniques et la compréhension tactique. On voudrait tellement qu’ils soient rapides, étrange fascination pour la vitesse, qu’on en vient à faire la part belle à des chimères en les imaginants meilleurs que Bolt, pourtant sans rival dans son sport. En oubliant complètement que leur vrai talent, c’est de jouer au foot.

 

Réactions

  • osvaldo piazzolla le 19/11/2015 à 04h00
    Pour ce qui est de la reconversion de Bolt en footballeur, ça paraît complètement délirant, mais j'imagine que d'un point de vue américain (au sens où les américains imaginent que le foot n'est pas très différent de leurs sports) ça ne doit pas l'être tant que ça, parce qu'apparemment, de nombreux joueurs de foot américains sont des anciens sprinters reconvertis.
    Je n'y conais RIEN du tout en foot américain, mais j'en ai l'impression en ayant parcouru (en m'intéressant à Avery Brundage et l'histoire du CIO) et en constantant que les sprinters des années 30 (jesse owens toussa...) et ceux des années 60 (black power salute...) jouaient, une fois dans le monde pro, au foot américain. Où ai je mal compris?

  • Matu-Verratti-Vieira-Touré-Clément-Cearà le 19/11/2015 à 09h00
    C'est pas non plus délirant d'être parmi les meilleurs sur plusieurs multidisciplines non ? Un sportif accompli dans un sport peut l'être dans un autre sport. Michael Jordan était de niveau professionnel en baseball et pourtant, ça n'a absolument rien à voir avec le basketball. Il y a aussi plusieurs cas de multi-médaillé(e)s d'or aux JO dans des disciplines complètement différentes.

  • Sens de la dérision le 19/11/2015 à 09h37
    Je ne me rappelle plus du nom du gars mais il y avait bien un demi-fondeur français qui avait tenté de faire du foot. Ça a été un "flop" il me semble.
    C'est vrai que ce serait intéressant qu'il y ait vraiment une mesure "officielle" dans les mêmes conditions que les sprinters. Si les footeux ne le désirent pas, il y a sans doute une raison.

  • Zorro et Zlatan fouillent aux fiches le 19/11/2015 à 10h02
    C'est un truc qu'on retrouve un peu partout ce mythe du sportif qui est tellement bon dans son domaine qu'il puisse être meilleur qu'un spécialiste dans une autre discipline. Mais si ca peut être vrai ponctuellement, vus les niveaux de spécialisation des entraînements atteints, ca paraît de plus en plus difficile à croire.

    (Pour la petite histoire 36 15 ma vie, je fais de l'escalade, et dans mes jeunes années à assez haut niveau. J'ai encore régulièrement des mecs qui viennent plastronner qu'ils font X développés couchés à Y tonnes et Z tractions et donc qu'ils me me mettent sûrement la misère en escalade. Bizarrement c'est encore jamais arrivé)

  • Dino Dini le 19/11/2015 à 10h09
    Michael Jordan était un médiocre joueur de baseball, à peine digne de l'équivalent de la 3eme divison. Jacques Piasenta expliquait, à propos de Thierry Henry, qu'il ne pourrait jamais rivaliser avec un sprinter pur en raison de ses carences techniques, courir très vite n'étant pas qu affaire de bourrins. Avec un entraînement spécifique, il affirmait même pouvoir faire gagner 2 dixiemes à Titi. Et je n'ai plus le nom du sprinter français reconverti au rugby et qui après avoir flambé a passé son temps à l'infirmerie car sa musculature d'athlète n'était pas adaptée au rubi.

  • leo le 19/11/2015 à 10h35
    L'exemple de Bellerin et le fait que les pompes de Ronaldo soient médiatisées montrent assez bien la méconnaissance réelle du monde du sport de nombre de journalistes, même sportifs (et/ou le besoin compulsif de sortir des trucs spectaculaires).

    Le site web de As, un des quotidiens sportifs espagnols, est spécialiste des vidéos de gestes techniques incroyablement incroyables qu'on n'a jamais vus... mais à l'entraînement : hop, une talonnade anodine d'Isco, à deux à l'heure sans opposition, bim, un coup du foulard d'Ibrahimovic en marchant, avec son bonnet sur la tête, que des trucs qu'on peut voir à l'échauffement de la Ligue des Cahiers...

    A l'opposé, on a le monde de la pub qui n'est pas assez impressionné par les prouesses d'un Federer ou d'un Ronaldinho sur le terrain, qui ne les trouve pas assez spectaculaires, et monte des vidéos truquées où les joueurs réalisent des gestes complètement impossibles dans la plus grande décontraction.

  • leo le 19/11/2015 à 10h50
    Jusqu'à l'université, c'est assez habituel aux USA de voir des sportifs pratiquer plusieurs sport à haut niveau. Au niveau supérieur, c'est beaucoup plus rare, avec seulement 7 gars ayant joué à la fois en MLB (baseball) et en NFL (foot US) depuis 1970, dont, évidemment, Bo Jackson, all star en baseball et probowler en foot US.

  • gimlifilsdegloin le 19/11/2015 à 11h18
    L'ancien sprinter reconverti à Brive, c'était Sébastien Carrat.

  • RéveilléHier le 19/11/2015 à 11h56
    osvaldo piazzolla
    aujourd'hui à 04h00

    ça ne doit pas l'être tant que ça, parce qu'apparemment, de nombreux joueurs de foot américains sont des anciens sprinters reconvertis.

    ------

    Bôf.
    C'est plutôt qu'au lycée, ils font à la fois du foot et du sprint.
    Mais les meilleures en sprint vont faire du foot US : ceux qui vont faire les JO sont les mecs pas bons.
    Quand t'es rapide, tu vas dans le sport roi où tu peux gagner des dizaines de millions de dollar (en plus de pécho plein de nanas).

    Je dis pas que les mecs du foot US courent plus vite que les sprinters, puisque l'entrainement n'a plus rien à voir par la suite.
    Mais faut bien voir que les athlètes US ce sont des rebuts, en fait.

  • dugamaniac le 19/11/2015 à 13h11
    @sens de la derision

    L'athlète qui avait tenté une reconversion dans le foot (avec un vague essai au HAC) doit être Fouad Chouki qui a finalement rejoint la rubrique "j'ai raté ma vie"

    L'article m'a aussi fait pensé à Dwain Chambers qui n'avait pas plus réussi sa tentative de reconversion dans le foot US.

    Juste sur la conclusion, le culte du corps dans le sport c'était déjà pas mal dès l'antiquité grec si j'en crois les vestiges des Jeux Olympiques.

    Merci pour cette article qui parle de foot et sport.


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