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Le football entre données et instinct

Bibliothèque – Les ouvrages Big Data Foot et Gagner c’est si simple offrent deux visions du jeu, entre rationalisation extrême et feeling difficile à expliquer.

Auteur : Christophe Kuchly le 20 Mars 2020

 

 

La citation est longue mais elle vaut mille résumés. Elle est l’oeuvre de Max Allegri, auteur du livre Gagner c’est si simple: “Ma façon de réagir à la défaite est très instinctive, mais aussi raisonnée. Je reçois des tonnes d'informations pour analyser le match en question, mais je me contente de comparer le nombre de fautes que nous avons commises et celui de l'adversaire. Puis j'en fais autant avec les duels aériens, le pourcentage de duels gagnés et perdus. C'est tout. Je ne regarde rien d'autre. Car si on fait des fautes, ça veut dire qu'on est près du ballon.

 

 

 

 

Ce constat, qui vient à la suite d’une autoanalyse où l’Italien se définit comme “entraîneur naturel”, résume parfaitement son approche du métier. Avec ce que cela engendre de frustration pour le lecteur, puisque l’ancien coach de la Juve explique la majorité de ses bons choix par un feeling inexplicable et refuse toute intellectualisation du jeu, mais aussi d’éclairages sur la différentes façons de faire au haut niveau. Car la sienne semble totalement anachronique.

 


Génial branleur ?

Sa vision du football, où le job de l’entraîneur est de donner quelques principes très généraux à des joueurs chargés de les appliquer, entre évidemment en contradiction avec les analystes de tous bords. Amateurs, de plus en plus nombreux depuis dix ans, mais pas seulement.

 

En affirmant ouvertement sa posture de celui qui sait mais ne sait pas pourquoi – dans un ouvrage aux multiples pages “Ils disent de moi” où tout le monde chante ses louanges –, Massimiliano Allegri se détourne de Pep Guardiola, Marcelo Bielsa et autres monstres de travail bien plus souvent qualifiés de “génies” que lui.

 

Je n’aime pas revoir les matches pendant des heures. Je regarde ce que je dois regarder et, en un quart d’heure, je comprends ce que je dois comprendre”, assure-t-il, quelques pages après avoir rappelé son refus de l’automatisation de circuits de passes.

 

Dans Pep Guardiola: La Métamorphose, Marti Perarnau expliquait, lui, que le Catalan passait un temps fou devant les écrans, visionnant certaines rencontres en boucle et éreintant Joshua Kimmich de sessions personnalisées après avoir vu plus de deux cents vidéos en compagnie de Javi Martinez.

 

Deux visions du métier pour des résultats pas si éloignés depuis quelques saisons. Et une interrogation: Allegri se moque-t-il de nous en se présentant en génial branleur, ou le football est-il exagérément théorisé?

 


Les mensonges du classement

Un autre ouvrage répond à sa façon à la question. Dans Big Data Foot, Christoph Biermann introduit des notions plutôt méconnues: expected goals, ghosting, packing, PPDA, KPIs…

 

Son point de départ, assez simple, est la notion de chance dans le football. Taboue, au point qu’il est difficile pour l’un de ses acteurs de l’évoquer pour expliquer un résultat sans être moqué, elle joue pourtant un rôle essentiel. “Le plus souvent, le classement ment sans vergogne”, assène l’auteur.

 

C’est pour essayer de juger le contenu sans le prisme déformant du résultat qu’ont été développées les statistiques avancées. Les expected goals, qui mesurent la qualité des occasions des deux équipes, permettent ainsi d’orienter les processus décisionnaires.

 

Un exemple: cinquième lors de la saison 2011/12, Newcastle s’était sauvé de justesse la saison suivante… avec pour seule variable la réussite dans les deux surfaces. Sauf à considérer que l’entraîneur principal est responsable de l’adresse de ses attaquants et des parades du gardien, la qualité du travail d’Alan Pardew était donc identique.

 

C’est cette analyse décorrélée du résultat qui a incité Ian Graham, directeur de la recherche à Liverpool, à placer Dortmund deuxième meilleure équipe du championnat au printemps 2015 quand les hommes de Jürgen Klopp galéraient en bas de classement. Et son club à engager l’Allemand, qui aurait simplement vécu une période de malchance anormalement longue. La suite des événements a prouvé que l'intéressé était effectivement un top entraîneur.

 

 

 

 


Modèles complexes et professionnalisation

Pourquoi évoquer Allegri et la notion de réussite, illustrée notamment par les expected goals, dans un même article? La réponse se trouve en partie au Danemark, à Midtjylland. Là-bas, la gestion façon Moneyball conditionne la façon de jouer.

 

Si un modèle mathématique dédié donne un résultat “objectif” à chaque rencontre, il suggère surtout les meilleures façons d’attaquer (avec des positions de tir spécifiques à trouver, à l’image de la multiplication des trois points au basket-ball) et les types de changements à effectuer en fonction du score. Deux fois champion depuis, le club danois a passé un cap – comme Brentford, également géré de façon 2.0.

 

Passé par Brentford, où il s’occupait notamment du positionnement des joueurs, Nicolas Jover est aujourd’hui responsable des coups de pieds arrêtés à Manchester City. Comme lui, de plus en plus de membres de staffs sont dépourvus d’un passé de joueur de haut niveau, et ce sont eux qui façonnent le football d’aujourd’hui.

 

Comme Thomas Tuchel, qui a très tôt intégré les expected goals dans ses sessions d’entraînement, et tous les recruteurs qui filtrent les joueurs via des modèles complexes, ils symbolisent la professionnalisation du jeu.

 

Des recherches du staff de Ian Graham à Liverpool, aussi secrètes que complexes, mais qui sont à l’origine de nombreux excellents transferts lors des dernières saisons, au Barcelona Innovation Hub, qui œuvre pour améliorer les outils technologiques, tous les grands clubs sont désormais actifs dans le domaine de la data. Et ce n'est que le début, un diplôme du MIT étant aujourd'hui un excellent passeport pour arriver dans le football.

 


Allégrismes

Voilà pourquoi lire les analyses de Max Allegri provoque un drôle de sentiment. Si ses “allégrismes” ou “32 règles de coaching” en sous-titre de l’ouvrage ont tendance à enfoncer des portes ouvertes (“On ne doit pas se contenter de ses qualités mais toujours progresser”, “Un bon manager apporte des solutions pas des problèmes” ou “Plus on est content de soi moins on a de chances de gagner”), il y en a une qui doit être entendue: “Les principaux acteurs sont les joueurs”.

 

Voilà pourquoi, en évoquant une défaite 3-0 face à l’Atalanta en Coupe, il ne parle que de la trop grande autosatisfaction au sein du groupe plutôt qu’un quelconque problème tactique. Des joueurs, responsables du contenu, mais pas toujours mis dans les meilleures conditions par l’entraîneur, dont la responsabilité est avant tout celle d’un manager.

 

Allegri souligne d’ailleurs son admiration envers Sir Alex Ferguson, dont la fin de carrière était celle d’un gestionnaire qui laissait les questions de jeu à son staff.

 

Lire ces deux ouvrages, c’est voir s’affronter deux mondes. L’ancien, où on met onze joueurs sur le terrain en leur donnant le minimum de consignes compréhensibles par tous (même si Allegri, décrit par plusieurs joueurs comme bon tacticien, semble dans la posture).

 

Et le nouveau, où le retard compétitif des clubs s’explique souvent par le manque de spécialistes, analystes et statisticiens en tous genres. Car, même si on peut regretter la fraîcheur du premier, il faut étudier le second, de moins en moins réservé aux mastodontes, pour comprendre le football d’aujourd’hui.

 

Gagner c’est si simple, de Massimiliano Allegri, ed. Marabout, 18,90 euros.
Big Data Foot, de Christoph Biermann, ed. Marabout, 19,90 euros.

 

 

Réactions

  • JeanBen le 21/03/2020 à 12h39
    Je pense que le souci, c'est que le "nouveau" monde a besoin de "l'ancien" pour vivre. Il n'y a pas plus conservateur que ces "algorithmes" appliqués au foot, leur boulot c'est d'identifier ce qui a marché dans le passé pour le reproduire.

    Leur "réussite" (entre guillemets, car j'imagine qu'il doit bien aussi y avoir des exemples d'utilisation de la donnée qui ont lamentablement foiré) actuelle, faudrait voir si elle n'est pas due au caractère novateur de la technique. Je pense qu'une utilisation généralisée ne peut amener qu'à une uniformisation, uniformisation qui ne sera cassée que par l'instinct (rappel : il n'y a pas de réelle intelligence dans l'IA)

    Et sinon j'ai vraiment beaucoup de mal avec cette histoire de classement qui se trompe. Quand le classement se trompe, il y a un risque non négligeable que le modèle utilisé pour le prédire soit mauvais.

    (plus généralement, sur le sujet des algorithmes, ne pas hésiter à lire et relire Morozov)

  • José-Mickaël le 21/03/2020 à 17h11
    JeanBen
    aujourd'hui à 12h39
    > (plus généralement, sur le sujet des algorithmes, ne pas hésiter à lire et relire Morozov)

    Lequel ?

    Morozov
    Alekseï Morozov (1977-), joueur de hockey sur glace russe
    Alexeï Morozov (1857-1934), industriel et mécène russe
    Evgeny Morozov (1984-), écrivain américain, spécialiste des implications politiques et sociales du progrès technique et du numérique
    Guennadi Morozov (1962-), footballeur soviétique
    Igor Morozov (1948-), chanteur d'opéra russo-ukrainien
    Igor Morozov (1989-), footballeur estonien
    Iouri Morozov (1934-2005), entraîneur de football soviétique ;
    Iouri Morozov (1938-), joueur de hockey sur glace soviétique ;
    Iouri Morozov (1949-), homme politique russe.
    Ivan Morozov (1871-1921) homme d'affaires et collectionneur d'art russe
    Mikhaïl Morozov (1870-1903), industriel et mécène russe, frère du précédent
    Mikhaïl Mikhaïlovitch Morozov (1897-1952), universitaire soviétique spécialiste de Shakespeare, fils du précédent
    Nikolai Morozov (1975-), patineur artistique russe
    Pavel Morozov (1918-1932) communiste soviétique
    Savva Morozov (1862-1905), industriel et mécène russe
    Sergueï Morozov (1951-), coureur cycliste soviétique
    Stanislav Morozov (1979-), patineur artistique ukrainien
    Valentin Morozov (1975-), joueur de hockey sur glace russe
    Vladimir Morozov (né en 1940), kayakiste soviétique
    Vladimir Morozov (né en 1952), kayakiste soviétique
    Vladimir Morozov (né en 1992), nageur russe
    Vladimir Morozov (né en 1992), patineur artistique russe

  • JeanBen le 22/03/2020 à 10h27
    il y en a pas beaucoup qui écrivent des livres sur le numérique dans ta liste :)

    C'était Evgeny Morozov, désolé JM

  • José-Mickaël le 22/03/2020 à 12h49
    Ah oui, il était dans la liste (j'aurais dû m'arrêter au mot "numérique"), merci !

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