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Andoni Zubizarreta : « En Espagne, on a toujours réussi par le jeu »

Andoni Zubizarreta, directeur sportif de l'OM, nous parle du métier de gardien, du Pays basque, de la sélection espagnole… Extrait de l'interview paru dans le numéro 2 de la revue des Cahiers. 

Auteur : Rémi Belot le 27 Fev 2019

 

 

 

 

Parlons votre carrière de joueur. Vous étiez gardien de but... D'où vient ce choix ?

Voyons voir… Si je remonte aux origines, je dirais que c'est avant tout parce que je suis basque! Il y a dans cette région une véritable culture, une tradition de gardiens de buts [1]. Je suis donc devenu gardien parce que c'est le poste que je voulais occuper, pas parce que je ne pouvais pas être joueur de champ. Dès l'enfance, j'ai toujours joué gardien, même l'année où je n'ai pas joué au foot, mais au handball. Toujours avec les mains: je crois que c'était mon destin. Je peux d'ailleurs comparer ce rôle avec celui que j'occupe aujourd'hui. Pour moi, plus important qu'une parade en elle-même, il y a le fait de savoir anticiper: organiser la défense, estimer les risques d'une contre-attaque à tel ou tel endroit, c'est une façon de minimiser les risques, et donc d'apporter de la sécurité à tout ton groupe. Tous ces éléments ont d'une certaine manière préparé mon job d'aujourd'hui.

 

Être gardien, c'est une responsabilité particulière?

Quand tu es gardien, tu découvres quelque chose, avec le temps: enfant, tu rêves de gagner le match à toi tout seul; mais dans les buts, tu te rends vite compte que l'important est avant tout de ne pas le faire perdre à ton équipe! (rires) C'est un sentiment particulier, parce que dans le football, ce qui procure la plus grande joie, ça reste de marquer un but. Lors de la finale de Ligue des champions gagnée à Wembley avec le Barça en 1992, j'avais été bon, d'accord, mais on avait surtout gagné grâce à un but de Ronald Koeman. Quand un joueur de champ inscrit un but, tout le monde s'arrête, tout le monde s'embrasse, le public applaudit… Quand un gardien arrête un penalty, le jeu continue: tout de suite, il faut se remettre dans le match, relancer le ballon, etc. C'est un rôle paradoxal, car c'est un poste qui, à la fois, demande une grande dynamique et engendre une grande solitude.

 


« Enfant, tu rêves de gagner le match à toi tout seul ; mais dans les buts, tu te rends vite compte que l'important est de ne pas le faire perdre à ton équipe ! »

 


Du coup, les erreurs sont plus difficiles à…

À cacher? (rires)

 

À vivre, non? Par exemple, ce but que vous encaissez contre le Nigeria sur une faute de main, au Mondial 98…

Oui, d'autant que je savais que j'allais prendre ma retraite à la fin de la compétition. On avait une bonne équipe, on sortait d'un Mondial 94 réussi [L'Espagne avait été éliminée en quarts de finale contre l'Italie], et ce devait être un match "facile". J'ai trop anticipé un centre, mal lu la trajectoire et j'ai voulu rectifier mon placement. Mais c'était trop tard, et j'ai dévié le ballon dans mon propre but… Cette erreur aurait pu être anecdotique, mais elle nous a coûté la qualification. Elle me laisse un goût amer, parce que jusque-là, j'avais toujours été au niveau dans les grandes compétitions internationales. Normalement, il y a toujours une autre compétition qui arrive pour se rattraper. Pour moi, ce n'était pas le cas.

 

C'est sans doute l'un de vos plus mauvais souvenirs, mais quel est votre meilleur? Le titre avec Bilbao en 1983? Le Barça de Johan Cruyff?

Je ne suis pas un grand nostalgique. Très peu de moments m'ont marqué, à part un: mon premier match professionnel avec le maillot de gardien de Bilbao. Je suis un immense fan d'Iribar [2], je l'avais vu jouer de nombreuses fois en tant que supporter, et porter sur mes épaules le même maillot que mon idole, pour moi, c'était vraiment le plus beau moment de ma carrière.

 

L'Athletic Bilbao, le Pays basque, ça représente quelque chose de fort, c'est votre identité?

Oui, le Pays basque, c'est ce que je suis. Enfin, disons que c'est une part de moi, entre autres choses. Je suis originaire d'un petit village à côté de Mondragon, dans une région industrielle où les gens travaillent dur et où l'on n'exprime pas beaucoup ses sentiments. J'ai vécu à Barcelone, à Valence, mais c'est au Pays basque que sont mes racines: la pluie, le mauvais temps, les terrains gras… Bon, j'adore aussi la lumière et le soleil, hein! (rires) Être basque, c'est d'abord faire correctement les choses, ne jamais s'avouer vaincu. Dans l'endroit d'où je viens, l'aspect coopératif a beaucoup d'importance [3], les gens travaillent ensemble, vraiment, il n'y a pas de différence entre le propriétaire de l'entreprise et les ouvriers. Ce genre de choses forge une identité profonde.

 


« L'Athletic Bilbao était devenu un point de convergence pour le peuple basque, dans une région où tout était si rude par ailleurs. »

 


Cette question de l'identité est centrale aujourd'hui en Espagne. Piqué ou Guardiola se sont exprimés sur l'indépendance de la Catalogne. Cela vous semble normal que des footballeurs interviennent dans ce débat?

Bien sûr: tout le monde a le droit de donner son avis. Comme toute personne publique. Appartenir à un club comme le Barça, cela signifie faire partie d'une entité qui est détenue par ses supporters: certains vont penser comme toi, d'autres non, c'est la vie démocratique. Si les footballeurs ne donnent pas leur avis, on leur reproche de vivre isolés de la société. Il y a deux camps antagonistes à l'heure actuelle en Catalogne, mais mon sentiment personnel, c'est que la majorité des gens sont entre les deux.

 

Ce contexte politique tendu, vous l'avez vécu, à une autre échelle, dans les années 80 à Bilbao…

Oui. Quand on a gagné la Liga avec Bilbao lors de la saison 1982/83, c'était une période que je qualifierais d'obscure pour le Pays basque. Il y avait quasiment un assassinat par jour. C'était aussi une époque de reconversion industrielle, la crise économique était assez brutale. Il y avait de très fortes revendications, des luttes, des combats. Une époque très sombre, très noire, vraiment. Quand nous avons gagné ce championnat, nous avons décidé de le célébrer en remontant le fleuve sur un bateau: deux millions de personnes étaient sur les rives, aux couleurs du club et du Pays basque. Il n'y avait plus ni droite, ni gauche. L'Athletic Bilbao était devenu un point de convergence pour le peuple basque, dans une région où tout était si rude par ailleurs.

 

 

 

 

Ce genre de contexte peut-il susciter des tensions au sein de l'équipe nationale?

Je ne suis pas à l'intérieur du groupe, mais je ne pense pas, non. Ce sont principalement des problèmes footballistiques, ce qui est à la fois beaucoup plus simple et beaucoup plus compliqué! On a toujours tendance à juger a posteriori, en fonction des résultats. Avant le Mondial, certains expliquaient que l'Espagne avait de bonnes chances de gagner car c'était un groupe uni, alors que la France disposait de joueurs d'origines multiples, ce qui pouvait nuire à la cohésion du groupe. Au final, c'est la France qui a remporté le trophée, ce qui démontre que l'aspect multiculturel de l'équipe ouvre des possibilités et permet l'éclosion de profils singuliers comme celui de Mbappé, par exemple. Mais c'est toujours plus facile d'expliquer un succès après coup, forcément.

 


« Aujourd'hui, L'Espagne est juste revenue à la normale. Et la normale, c'est toujours plus compliqué à gérer. »

 


Que manque-t-il à la sélection espagnole pour revenir au plus haut niveau?

Il faut mesurer que l'Espagne a connu une génération de joueurs absolument extraordinaire entre 2008 et 2012. Jusqu'à 2008, le football espagnol vivait principalement par les résultats de ses clubs, tandis que la sélection était un cran en dessous. À partir de 2008, à la fois les clubs et la sélection remportaient des titres internationaux. Aujourd'hui, nous sommes juste revenus à la normale. Et la normale, c'est toujours plus compliqué à gérer. Nous avons de bons joueurs, de bons entraîneurs, et une équipe Espoirs bourrée de talents. Mais il faut se dire qu'accepter la défaite fait aussi partie du football. Dans le sport en général, tout le monde accepte l'idée qu'on puisse gagner ou perdre, mais on a l'impression que dans le foot, la défaite est interdite!

 

C'est qui, le futur de l'équipe d'Espagne? Un joueur comme Marco Asensio?

Cela vient peut-être de ma culture de gardien de but, mais je n'ai jamais été un grand amateur des prix individuels. Le succès du football espagnol ces dernières années était la conséquence d'un mélange de joueurs de très haut niveau: Busquets, Xavi, Ramos, Iniesta… En Espagne, on a toujours réussi par le jeu. Et le jeu, c'est une composante collective, au-delà des individualités. Quand bien même ces individualités sont de grands joueurs, qui ont marqué et marqueront l'histoire de ce sport. Ce qui est significatif, c'est que nous avons eu des paires exceptionnelles: Piqué-Ramos en charnière centrale, Xavi-Iniesta au milieu… Ils ont défini des standards collectifs de très haut niveau. Il faut savoir accepter de revenir à la normale après cela… Alors oui, Marco [Asensio] est un joueur exceptionnel, et Isco dispose de toutes les qualités requises. Mais il faut leur donner le droit de perdre. La compétition de haut niveau, c'est aussi accepter que tu puisses t'incliner.

 

Propos recueillis par Rémi Belot, photos Valentine Vermeil. 

 

Retrouvez l'intégralité de l'interview d'Andoni Zubizarreta dans le numéro 2 de la revue des Cahiers du foot.

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[1] Une cinquantaine de gardiens basques ont porté le maillot de la Roja, dont dix ont joué une Coupe du monde.
[2] José Angel Iribar, qui a joué toute sa carrière à Bilbao pour 614 matches, entre 1962 et 1981.
[3] La "Corporation Mondragon" est le plus grand groupe coopératif du monde et fait partie des dix plus grands groupes industriels d'Espagne. Ses employés en sont également sociétaires.

 

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