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Dzaro, un escroc chez Tito

Rangé des voitures à Skopje, Velibor Džarovski demeure le plus grand mystificateur du football yougoslave. L’autoproclamé "roi de la manipulation", ami des chanteurs à succès couvert par le pouvoir titiste, construit aujourd’hui sa légende à longueur d’entretiens et d’émissions.

Auteur : Guillaume Balout le 14 Sept 2016

 

 

Le pas boiteux, cramponné à une canne vacillante, Velibor Džarovski quitte le chalet de Lisovic, au sud de Belgrade, quatre jours seulement après le lancement de la saison 7 de Farma en février dernier. La production de La Ferme Célébrités locale décide, en raison de sa santé fragile, d’évincer le vieillard, mèche blanche encore rebelle et regard bleu perçant. Il repart chez lui, à Skopje, ravi d’avoir perçu un cachet pour "le seul travail qu’[il a] fait honnêtement" [1] dans sa vie. Les autres candidats se pressent sur le perron à son départ. Dans la région, toutes les générations connaissent "Džaro" et éprouvent une sympathie coupable pour celui qui s’est présenté comme "le roi de la manipulation" pendant trente ans.

 

Né en Macédoine dans la nouvelle Yougoslavie socialiste d’après-guerre, il s’investit dans le football au début des années 1970. Pas comme joueur, ni comme entraîneur, dirigeant ou agent mais comme truqueur de matches, certain que le Partizan Belgrade a vendu sa défaite contre le Real Madrid en finale de Coupe d’Europe des clubs champions en 1966. Il se fait la main en 1971 lors d’une banale rencontre de quatrième division régionale entre Leskoec et Velgošti, dans la banlieue d’Ohrid. Score final, sans erreur de frappe: 134-0. Des attaquants en verve, des défenseurs apathiques, une partie sans le moindre arrêt de jeu avec un but toutes les quarante secondes. Le novice ne fait pas dans le détail. Son intervention est bénévole: à vingt-trois ans, il rend simplement service au président de Leskoec, son ancien professeur à la faculté de tourisme qui l’a aidé à tricher à un examen, averti que des individus aussi bien intentionnés que lui se sont mis d’accord autour d’un 96-0. À ce tarif-là, la mascarade ne passe guère inaperçue et les deux clubs sont suspendus un an.

 

 

Le jeune Velibor se sent assez mûr pour se lancer dans les affaires. Son premier coup a lieu deux ans plus tard, en D2, où il remporte 500.000 dinars grâce à la défaite de Tikveš contre Jugokokta, un club de Skopje qu’il a fréquenté durant ses études. Sans talent particulier, il y jouait arrière latéral gauche, "le poste le plus stupide" [2]. Le filou qui, enfant, a réussi à faire croire à sa mère qu’elle avait gagné une voiture avec un faux bon inséré dans son paquet de cigarettes, réalise que cette position est idéale pour mettre en scène des faits de jeu. Cette réflexion, plus que la traditionnelle corruption d’arbitres, figure au cœur de sa méthode. "Dans chaque club, il y a un maillon faible, un joueur qui a des dettes de jeu, qui doit de l’argent à cause d’une fille. Je cible d’abord les arrières latéraux gauches, les défenseurs centraux et les gardiens parce qu’il leur est plus facile de faire des erreurs coûtant un but. Ensuite, ces joueurs doivent être professionnels dans leur manière d’agir pour ne pas être démasqués. Ce n’est jamais bon s’ils prennent un carton rouge ou provoquent un penalty. Chaque match est arrangé de cette façon, y compris en Europe de l’Ouest." [3]

 

À une époque sans Internet, ni smartphone, il sillonne seul la Yougoslavie en voiture, de république en république, et remplit son carnet d’adresses. À l’occasion, il sait faire preuve de rouerie. Arranger des matches non-arrangés, dites-vous? Le 28 septembre 1975, toujours en D2, le Teteks Tetovo se déplace à Belgrade pour y affronter le Rad. Džaro assure à des partenaires macédoniens, qui lui doivent de l’argent, que la victoire est au bout du voyage. Il les invite à suivre cet exploit à la radio avec le poste qu’il a apporté avec lui: la retransmission en direct n’est, en réalité, que l’enregistrement d’une fausse retransmission, accompagnée d’un discours du maréchal Tito, où le Teteks gagne et où le Dubocica Leskovac et le Radnicki Pirot font match nul. Exactement comme l’avait prédit Džaro. Ses compagnons ne s’aperçoivent pas de la mystification et, conquis, le récompensent grassement. À Belgrade, Tetovo s’est incliné 5-0 tandis que Pirot s’est imposé 3-0 à Leskovac.

 

 

Balles à blanc à Valjevo, balles réelles à Tuzla

Grisé par le succès, le rusé Macédonien étend alors son champ d’action à d’autres disciplines. L’arnaque dont il est le plus fier se tient dans une salle de handball en 1977: le Metalac Valjevo et l’Industrijalec Skopje, en D2, se quittent sur un 0-0 du dimanche soir sur Canal+. Ni défense en verve, ni attaque apathique mais des joueurs de champ regardant le ballon voler tranquillement de gardien à gardien pendant une heure. En tribune, Džaro vient d’empocher une somme considérable. La supercherie crée un tel remous qu’il est attendu par des policiers à la sortie. Beau joueur, il les convie à un repas en ville, les fait boire, leur glisse quelques billets. Et reste en liberté. Au basket circule une autre fameuse histoire, aux variantes aussi nombreuses qu’on se la raconte de café en café: celle d’un joueur ayant terminé un match à neuf fautes, soit quatre de plus que le règlement. La tromperie, élaborée par Džaro, est simple: arrivé à la mi-temps avec quatre fautes, le joueur se rase le crâne et la moustache dans le vestiaire avant d’enfiler le maillot d’un remplaçant pour revenir, incognito et compteur à zéro, sur le parquet qu’il finira par quitter après cinq nouvelles fautes.

 

Le cynique Džaro fonctionne au flair, qu’il a plutôt bon. À la fin de la décennie 1970, il devient l’agent attitré des vedettes émergentes de la chanson et du rock yougoslaves. Toujours aux côtés de Zdravko Colic, Goran Bregovic ou Mišo Kovac sur les photos, il acquiert lui-même le statut de personnalité de premier plan. Il ne se satisfait cependant pas de ses fréquentations dans le milieu du spectacle. Parmi les 5.000 concerts qu’il organise, certains sont caritatifs. Un jour, sur la côte monténégrine, la bonne cause n’a d’autre nom que… Velibor Džarovski lui-même: après avoir fait croire aux artistes invités qu’ils chantaient pour subvenir aux besoins d’orphelins, il détourne l’enveloppe allouée à l’événement et règle ainsi d’importantes dettes de jeu. On fait également appelle à son entregent quand il s’agit de truquer une élection de miss Yougoslavie ou un concours pour l’Eurovision. Rien de plus que des ménages car l’escroc n’est pas aussi fortuné qu’il en a l’air. Il existe un lieu où il ne gagne pas d’argent: le casino. Ses pertes au poker et au craps s’élèvent à plusieurs millions de dinars dans les établissements de jeux de toute l’Europe. À ces difficultés financières s’ajoutent les risques inhérents à son commerce, lucratif mais dangereux. À deux reprises, alors qu’il trafique un match du Vardar Skopje, son club préféré avec l’Étoile rouge de Belgrade, il entend les balles siffler. À Priboj, il a rendez-vous au cinquième étage d’un immeuble où il remet de l’argent à un intermédiaire. Une fois dans la rue, Džaro réchappe d’une rafale de tirs. À Tuzla, les ennuis commencent au coup de sifflet final lorsque les supporters locaux se rendent compte de sa présence. Poursuivi à travers la ville par des hommes qui ouvrent le feu, il réussit à prendre la fuite.

 

 

Il lui en faut davantage pour renoncer à son activité. Malgré ses déboires en Bosnie-Herzégovine, l’endroit demeure un terrain privilégié où il a notamment ses entrées à Mostar et Trebinje. En 1985, il est à la manœuvre pour le titre de champion du FK Sarajevo en organisant le 2-2 contre le Vardar en Macédoine. Évidemment, personne n’est surpris de le retrouver ensuite dans les coulisses du plus gros scandale du football yougoslave: l’affaire Šajber, du nom du président de la Fédération yougoslave de football qui décide d’annuler les résultats des neuf rencontres de la dernière journée du championnat en juin 1986. Six d’entre elles sont dans son collimateur: les 4-0 de l’Étoile rouge et du Partizan face aux équipes de Sarajevo, le 5-5 entre le Buducnost Titograd et le Sutjeska Nikšic qui sauve les deux formations monténégrines, le 1-1 entre Zenica et Rijeka qui maintient les Bosniaques dans l’élite et qualifie les Croates en coupe de l’UEFA, le 7-1 du Dinamo Zagreb à Novi Sad qui lui permet aussi de voir l’Europe grâce à sa différence de buts, le 3-2, chez un Velež Mostar démobilisé, de l’OFK Belgrade qui reste donc dans l’élite et le 5-3 du Hajduk Split, nécessaire à sa qualification européenne, contre le Dinamo Vinkovci de Davor Cop dont le triplé le sacre meilleur buteur de la saison.

 

L’addition est lourde pour le Partizan, qui perdra le titre sur tapis vert avant de le récupérer deux ans plus tard, et pour Džaro qui passe trois mois en détention à Split pour un lot total de vingt-deux matches. L’inculpé dément, jurant que cela en concerne… vingt-trois! Le juge n’a pas estimé bon de retenir le 1-1 arrangé entre le Hajduk et le Sloboda, craignant de ne plus pouvoir se promener tranquillement sur le front de mer de la ville dalmate… "Le plus grand diable du football yougoslave", comme le désigne alors le magazine Tempo, est libéré, faute de preuve mais pas d’appui politique malgré la mort de Tito qui aurait eu ce mot: "N’ennuyez pas Džarovski, il fait des choses tellement sympathiques!" L’intéressé, jurant que "seul Tito aura été un plus grand mystificateur que [lui]" [4], est couvert dans une précédente affaire. Il est même parfois sollicité en haut lieu. La Macédoine plongée dans l’obscurité avant la fameuse journée de 1986 à cause de l’arrêt d’une centrale électrique au Kosovo, il reçoit la consigne de faire en sorte que le KF Prishtina obtienne un point contre le Vardar pour se sauver, ce qui faciliterait le retour du courant dans la république voisine... Les deux équipes se quitteront sur un 0-0.

 

 

«L’empereur des Balkans» dépanne Arkan

Avec la disparition de la Yougoslavie socialiste, laissant derrière lui quelque quatre-vingts matches arrangés, le Macédonien entend aussi raccrocher. Une nouvelle existence s’ouvre à lui. Il prend d’abord les commandes de Jugokokta, le club de sa jeunesse rebaptisé Makedonija Gjorce Petrov. Après deux saisons sans résultat (sportif), il est relégué et Džaro démissionne en 1994. À la demande d’un ami et homme politique, il se tourne ensuite vers le Sloga Jugomagnat, emblème du quartier albanais de Skopje resté jusque-là dans l’ombre du Vardar, en 1996. Trois titres de champion, deux coupes nationales et cinq ans plus tard, il se révèle peu disert sur les méthodes à succès de sa courte carrière de dirigeant. "J’ai arrêté car j’ai montré que j’étais le meilleur au monde dans ce rôle" [5] se gargarise-t-il sans plus d’explication. Tout juste apprend-on que lorsqu’il veut y mettre les moyens, il n’hésite pas à "distribuer des filles à tout le monde, aux politiciens qui [lui] accordent l’amnistie, à des juges, même si c’est avec l’argent qu’on fait le plus d’affaires." [6]

 

À ses heures perdues, il lui arrive de faire quelques piges. Dans le Belgrade interlope et mafieux des années 1990, il côtoie Arkan, fringant criminel de guerre à la retraite reconverti président du modeste Obili?. Džaro s’exécute pour acheter une défaite du Rad contre le futur champion de Yougoslavie en 1998. Lors des éliminatoires de l’Euro 2000, il s’attache à ce que tout se passe bien à Skopje pour la sélection yougoslave, à la lutte pour la qualification avec la Croatie et l’Irlande. Toutefois, le célèbre entremetteur ne jouit plus de la bienveillance des nouveaux pouvoirs qui se mettent en place dans la région. Alors, en expert avisé des vicissitudes du football contemporain, il traîne son allure à la Bukowski dans les médias, signalant ici et là un trucage sans s’embarrasser de précaution oratoire ou de preuve. Qui oserait poursuivre en diffamation ce "professionnel sans métier" ce "ministre sans portefeuille", "l’empereur des Balkans" glorifié par un hymne populaire? En 2002, Haralampie Hadži-Risteski est élu à la tête de la Fédération macédonienne. Le nouveau président, qui ne lui est guère favorable, est proche du propriétaire du Pobeda Prilep. En août 2008, Džaro lance une première offensive en affirmant que l’opposition entre les Espoirs estoniens et macédoniens (1-0) a été arrangée. La Fédération tient bon. Džaro réplique en obtenant une tribune à la télévision allemande. En mars 2009, sur la ZDF, il révèle ainsi qu’une mafia a fait main basse sur la double confrontation entre Hambourg et Prilep, en coupe Intertoto, en 2005. Si l’UEFA ne corrobore pas ces allégations, elle en profite pour exclure le club macédonien, convaincu d’avoir organisé sa propre élimination contre le Pyunik Erevan un an plus tôt en Ligue des champions, de toute compétition européenne jusqu’en 2017…

 

 

Depuis sa paisible retraite skopiote, Džaro parade, rappelant que les rencontres de C3, comme celles pour le maintien, sont les plus faciles à truquer. Pour lui, il est même plus simple de trafiquer les matches aujourd’hui que sous la Yougoslavie à papa. Plus aisé mais moins rémunérateur. Avec l’arrivée d’Internet, on est passé de l’artisanat à la production industrielle. Fini, le temps de la créativité et de l’ingéniosité où l’on s’entendait avec un Slobodan Janjuš, gardien du Željeznicar et du Sarajevo, dont une chaussette baissée à l’échauffement signifiait que le match finirait sur un score de parité. Désormais, il suffit à un joueur de miser sur la défaite de son équipe sur un site en ligne lors d’une rencontre de préparation en Turquie, sans pression du résultat, ni des supporters.

 

Parmi ses cibles favorites figure le Dinamo Zagreb, tenu par l’influente famille Mamic sur laquelle Zdravko règne en parrain. Selon Džaro, la D1 croate est sûrement la plus régulière de la planète puisqu’il n’existe "nulle part au monde un homme qui possède deux clubs dans le même championnat" [7], allusion au Lokomotiva Zagreb, filiale officieuse du Dinamo. Celui qui affirme qu’il serait plus riche que Bill Gates si les agences de paris avaient existé à son époque se sert habilement des Zagrébois pour montrer qu’il peut aussi être un truand au grand cœur. "Un jour, je suis entré dans une agence de paris en Serbie. J’ai demandé à la guichetière si je pouvais jouer une simple paire. Elle m’a répondu par l’affirmative et j’ai misé l’équivalent de 1.000 euros sur une victoire du Dinamo contre le Lokomotiva. Le résultat était connu à l’avance. J’avais payé mon bulletin mais j’ai eu pitié de l’employée et lui ai dit de l’annuler puis d’appeler son patron pour qu’elle ne soit pas licenciée. Après ça, ils m’ont félicité et remercié. Je n’ai pas voulu leur prendre cet argent car le Dinamo agit sans aucune pudeur." [8]

 

Aussi Džaro se montre-t-il très loquace après la dernière journée de la phase de poules de la Ligue des champions en 2011, remettant en cause les victoires de l’Olympique lyonnais et l’Olympique de Marseille sur le Dinamo Zagreb (7-1) et le Borussia Dortmund (3-2). "On devrait exclure de toute compétition européenne le Dinamo, Lyon, Marseille et le Borussia pendant cinq ans. (…) Les joueurs de Dortmund se sont relevés pour laisser les Français marquer. Et je ne parlerai pas de Zagreb… Vida faisait un clin d’œil à ses adversaires et levait le pouce lorsqu’ils marquaient. (…) Les résultats des matches de Zagreb et de Dortmund sont aussi crédibles qu’une victoire de Belišce sur le Sarajevo de Safet Sušic au meilleur de sa forme." [9]

 

 

Les boules chaudes et les boules froides

Une fois seulement, ces dernières années, Džaro a voulu retoucher aux affaires, comme un chanteur de variétés en tournée d’adieu. C’était en Bosnie-Herzégovine où "dans chaque équipe, on trouve toujours un joueur qui vit à crédit, qui doit rembourser des intérêts, qui ne touche pas son salaire depuis des mois, qui doit empêcher que sa femme et ses enfants ne crèvent de faim." Bientôt, l’artiste du dessous-de-table déchante. Le pays n’est plus cette république yougoslave où l’idéal socialiste primait sur les considérations nationales, et les crispations entre communautés bosniaque, serbe et croate finissent par avoir raison de sa patience. "À Banja Luka, ça se passait toujours bien pour moi. Un joueur macédonien finalisait mes affaires. J’ai toujours pu décrocher la victoire contre le Borac. En retour, je lui donnais des briques, du ciment, du sable… Il y a quelque temps, j’ai voulu arranger un match entre le Borac et le Zrinjski. Tout était convenu à l’avance mais l’affaire a fini par capoter à cause du nationalisme. La Bosnie-Herzégovine est spéciale: il est difficile, pour un club croate, de s’imposer à Banja Luka."

 

Sans un fond de décence, Džaro se proclamerait volontiers lanceur d’alerte. Il ne veut pas croire à la probité des tirages au sort et dénonce celui de la Coupe du monde 2010 où Sepp Blatter et Michel Platini auraient favorisé la Suisse et la France. L’astuce des boules chaudes et froides ou des boules lourdes et légères reste indémodable. Il est bien placé pour le savoir: il a lui-même effectué des tirages de la coupe de Macédoine pour que son Vardar affronte des adversaires abordables. À ce titre, il déplore l’absence de lobby ex-yougoslave à la FIFA et à l’UEFA, ce qui handicape les Balkaniques: a-t-on vu la Croatie ou la Bosnie-Herzégovine hériter d’un groupe facile au Mondial 2014? L’injustice ressentie par le Macédonien le rend menaçant. "J’arrangerai des matches tant que je serai en vie et que de tels individus séviront à la tête de l’UEFA et de la FIFA. Moi, je ne vends pas l’État. Ce ne sont pas des banques, seulement des matches. C’est un délit sympathique", [10] expose-t-il, égratignant au passage une enquête d’Europol, surnommé "Eurofol"par ses soins.

 

Affaibli par une attaque cérébrale, le timbre de voix pâteux, Džaro, qui prête son nom à un site de paris et un programme télévisé, se fait désormais moins mordant quand les micros se tendent. En juillet 2015, il taquine Zvezdan Terzic, directeur général de l’Étoile rouge et ancien président de l’OFK, deux clubs se séparant sur un 6-2 pour l’ancien champion d’Europe pourtant mené 2-0 à la mi-temps. Un renversement trop facile à anticiper pour le Macédonien qui est allé retirer 2.500 euros de gain dans une agence de Skopje. Ou bien ses confidences sont plus convenues: le télé-crochet serbe X-Factor? Truqué, bien sûr! Bien. Avant son entrée dans le chalet de Lisovic, il annonçait devant les caméras, fataliste mais lucide: "Je ne me battrai pas pour la victoire car tout le monde penserait que l’émission est arrangée."

 

 

[1] Farma (Pink TV), janvier 2016
[2] Mozzart Sport, novembre 2013
[3] OCCRP, février 2009
[4] Goli život (Happy TV), juin 2014
[5] Kurir, mars 2006
[6] Telegraf, février 2013
[7] Blic, mai 2013
[8] Dnevni Avaz, février 2015
[9] SportCentar.ba, décembre 2011
[10] Pošteno (BHRT), février 2013

 

Réactions

  • Hydresec le 14/09/2016 à 10h04
    Superbe article, merci.
    Mais alors l'image romantique du football yougoslave...

  • McManaman le 14/09/2016 à 10h16
    Merci beaucoup pour cet article passionnant !

  • OLpeth le 14/09/2016 à 14h44
    La réalité dépasse la fiction, merci d'avoir mis au jour l'existence de cet Arsène Lupin du football yougoslave.

  • Vieux légume le 15/09/2016 à 13h26
    C'était vraiment très intéressant. Sidérant aussi.
    Un article plus détaillé sur la fin de saison 1986, ça serait pas mal pour compléter tout ça...

  • Matu-Verratti-Vieira-Touré-Clément-Cearà le 15/09/2016 à 17h19
    Cavani a donc des dettes de jeux. Tout s'explique.

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